Optimiser la prise en charge des troubles du langage chez les enfants

Par Université d'Ottawa

Faculté des sciences de la santé, Camille Cottais

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un garçon avoir la session d’orthophonie
Selon l’organisation Orthophonie et Audiologie Canada, le trouble développemental du langage touche 7,1 % de la population canadienne. Il s’agit donc d’un trouble fréquent, qui n’en demeure pas moins méconnu. Les recherches du professeur Daniel Bérubé préconisent une prise en charge précoce et plus efficace des premiers signes par les orthophonistes, ce qui permet de prévenir les difficultés rencontrées.
Photo Daniel Berube

Orthophoniste de formation, Daniel Bérubé est professeur agrégé à la Faculté des sciences de la santé de l’Université d’Ottawa et spécialiste du développement du langage chez les enfants. Dans sa recherche comme dans ses activités d’enseignement, il est partisan d’une approche positive qui mise sur les forces de l’enfant. Le chercheur précise d’ailleurs qu’il évite d’utiliser le mot « trouble », lui préférant celui de « développement du langage prolongé ou non linéaire ». 

Évaluation contre dépistage

Jusqu’en 2020, les recherches du professeur Bérubé étaient principalement axées sur le développement d’outils d’évaluation du langage, en contexte monolingue comme multilingue. Avec l’appui d’une équipe de recherche et d’un financement du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH), il a créé et validé un outil d’évaluation des sons de la parole chez les enfants francophones. Le projet s’est ensuite étendu à la validation d’un outil similaire dans une vingtaine d’autres langues, incluant l’allemand, le portugais européen, le mandarin, le slovène et l’arabe jordanien.

Financé par Santé Canada, un autre projet dans la même veine avait pour but de valider un outil de dépistage en français. Daniel Bérubé explique que contrairement au processus d’évaluation, qui concerne les enfants chez qui l’on a déjà identifié un développement prolongé du langage, les outils de dépistage servent à vérifier la production des sons de la parole chez tous les enfants. En d’autres mots, le dépistage est une vérification précoce et universelle.

Daniel Bérubé continue de viser, dans sa recherche, à faciliter le travail des orthophonistes, ce qui est également l’objectif d’un de ses nouveaux projets en collaboration avec Andréa MacLeod, professeure à l’Université d’Alberta, lui aussi financé par le CRSH. 

Des mots longs pour accélérer le dépistage

Depuis 2023, aux côtés de Glenda Mason, professeure à l’Université de la Colombie-Britannique, Daniel Bérubé mène en effet un projet qui se prolongera jusqu’en 2029. Le but de cette recherche est d’évaluer la capacité des enfants d’âge préscolaire et scolaire à produire des mots longs en anglais, ainsi que de vérifier le lien entre ces capacités et les habiletés de lecture.

Daniel Bérubé explique que chez les enfants présentant un développement du langage non linéaire, la longueur d’un mot influence le niveau d’aisance à le prononcer. « Ainsi, l’enfant aura plus de difficulté à produire le son “po” dans le mot “hippopotame” que dans le mot “repos” », illustre-t-il.  

Or, dans les tests de dépistage présentement utilisés par les orthophonistes pour évaluer la parole des enfants, les listes de mots à prononcer contiennent très peu de mots longs. Le projet de recherche vise donc à prouver que l’emploi de mots plus longs permettrait de mieux repérer les enfants à risque. Une liste de 40 mots multisyllabiques (de deux syllabes ou plus) sera utilisée pour vérifier cette hypothèse auprès d’un échantillon de 500 enfants répartis dans quatre provinces du Canada (Alberta, Colombie-Britannique, Manitoba, Ontario).

En remplaçant une conversation d’une heure avec des enfants potentiellement à risque par la lecture d’une liste de mots plus longs, le chercheur proposerait donc une technique plus rapide pour parvenir aux mêmes résultats. 

Prévenir plutôt que guérir

Selon le professeur Bérubé, il existe un lien étroit entre les habiletés de parole et de lecture des enfants. Ainsi, plutôt que d’attendre que les enfants apprennent à lire, soit à six ans en Ontario, les orthophonistes peuvent reconnaître les enfants à risque dès leur plus jeune âge grâce à des exercices de prononciation. 

Les enfants lisant les livres dehors

Si des difficultés sont détectées tôt, les équipes d’éducation et d’orthophonie peuvent miser sur des stratégies de prévention, par exemple l’utilisation de techniques de prélecture, avant que l’enfant apprenne formellement à lire. Selon lui, cette approche coûterait également beaucoup moins d’argent au système d’éducation, car les enseignantes et enseignants sont déjà formés à utiliser des stratégies de lecture en salle de classe. Une fois ces difficultés identifiées, les orthophonistes, en étroite collaboration avec le personnel enseignant, pourront immédiatement intervenir auprès des enfants à risque.