Suzanne Pinel, l’enfance tatouée sur le cœur

Communauté diplômée
Faculté des sciences de la santé
Francophonie
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suzanne pinel
Le clown Samuel, Rôbôtô, Allez allez où, ça vous dit quelque chose? Ces chansons sont l’œuvre de la diplômée de l’Université d’Ottawa, Suzanne Pinel (D.H.C. 2002, B.Sc. 1967 et Sc.Inf. 1964), alias Marie-Soleil, grande ambassadrice de la culture canadienne-française, mais aussi, et peut-être surtout, des enfants, qui chantent ses comptines depuis près d’un demi-siècle.

Auteure-compositrice-interprète, vedette de la télévision, infirmière, pédagogue, juge de la citoyenneté, Suzanne Pinel a eu plusieurs vies. Elle rêvait de devenir enseignante au primaire, mais sous les conseils de sa mère qui la trouvait trop jeune pour pareille carrière, elle a plutôt entrepris des études en sciences infirmières et en santé publique à l’Université d’Ottawa, affilié à l’Hôpital général d’Ottawa – Huguette Labelle, ancienne chancelière de l’Université d’Ottawa, a d’ailleurs été son enseignante. Aurait-elle pu imaginer à l’époque qu’elle marquerait avec ses chansons plusieurs générations d’enfants, et que son œuvre serait encore largement diffusée dans les écoles francophones et les programmes d’immersion partout au Canada?

Une infirmière et sa guitare

« Peu importe ce que je fais, je reviens aux enfants », confirme cette récipiendaire de l’Ordre du Canada, d’un doctorat honorifique de l’Université d’Ottawa, de l’Ordre de l’Ontario et de tant d’autres prix pour sa contribution à la francophonie, à l’éducation et à sa communauté. « Lorsque je suis devenue infirmière au début des années 1960, les Sœurs grises, qui dirigeaient le programme à l’époque, m’ont demandé d’offrir le premier cours en français consacré à la pédiatrie et au développement de l’enfant. J’apportais alors la guitare que m’avait donnée l’ami de mon frère pour chanter des chansons aux enfants malades. Je voulais enseigner à mes consœurs qu’en plus des soins physiques, les petits avaient besoin de s’amuser pour oublier un peu leur situation. »

Rapidement, Suzanne Pinel réalise que les chansonnettes françaises classiques ne trouvent pas d’écho auprès des enfants et se met à composer elle-même des comptines. Par exemple Les cochons, qui porte sur les allergies, Le clown Samuel, écrite pour encourager un garçon à faire ses exercices de réadaptation ou Rôbôtô, l’une des favorites du chanteur franco-ontarien Damien Robitaille, dont l’objectif de départ était de faire rire et d’inciter à bouger un enfant hospitalisé.  

« Comme je mettais l’accent sur le développement de l’enfant et le langage, en insistant sur des sons particuliers, j’ai commencé à recevoir des commandes de chanson d’enseignantes en immersion, entre autres. En 1976, j’ai lancé mon premier disque, accompagné d’un cahier pédagogique, qui s’est écoulé rapidement », raconte-t-elle. « Puis, au début des années 1980, j’ai reçu un appel d’une station de télévision anglophone de Sudbury : on me proposait de faire une émission pour enfants. » Le personnage de Marie-Soleil était né.

Une artiste prolifique

L’émission bilingue Marie-Soleil, mettait en vedette sa créatrice dans le rôle-titre francophone, le chien anglophone Fergus (marionnette qu’elle a conçue) et le clown Samuel, muet, qui a été joué par différentes personnes, dont une jeune fille de quatorze ans. Les 145 épisodes (et 15 albums et 4 vidéocassettes!) produits ont su rallier autant les enfants francophones qu’anglophones parce qu’ils leur permettaient d’apprendre de nouvelles chansons ou de nouveaux mots en français tout en s’amusant. L’émission a été rediffusée sur plusieurs chaînes télé jusqu’à la fin des années 1990. À l’époque de Marie-Soleil, Suzanne Pinel élevait ses trois enfants et profitait de chaque expérience pour composer ses chansons, dont les visites à l’hôpital de sa fille, née avec une malformation cardiaque. Elle a d’ailleurs composé Musique de ton cœur à cette époque, en regardant le tracé du rythme irrégulier, mais tellement précieux, du cœur de sa fille. « C’est l’une de mes chansons favorites », souligne l’auteure-compositrice-interprète qui soufflera bientôt ses 80 bougies. « Elle célèbre autant nos différences que notre point commun : le battement de nos cœurs. »

L’émission bilingue Marie-Soleil
Suzanne Pinel dans le rôle de Marie-Soleil, avec le clown Samuel et Fergus

Citoyenne engagée

Suzanne Pinel a interrompu sa carrière de chanteuse en 1997 pour devenir juge de la citoyenneté pendant 15 ans, à l’invitation de Citoyenneté et Immigration Canada. C’est encore avec beaucoup d’humilité qu’elle a entrepris cette nouvelle carrière qui l’a amenée, en tant que rare juge francophone, à voyager partout au pays. « Les nouveaux citoyens et citoyennes m’ont beaucoup enseigné sur la réalité de notre pays et de notre monde. » À sa retraite, elle a continué bénévolement à présider aux cérémonies de citoyenneté et à s’impliquer dans diverses organisations, comme le Conseil de santé d’Ottawa, le conseil d’administration de la Fondation du Centre hospitalier pour enfants de l’Est de l’Ontario (CHEO) et le comité d’admission de la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa. Elle a aussi été professeure à la leçon à la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa, créé un cours sur l’utilisation de la musique dans le développement de l’enfant pour le Collège Algonquin, offert des ateliers en petite enfance au collège La Cité et plus encore.

Dans le documentaire qui vient de lui être consacré, Alias Marie-Soleil, réalisé par Émilie Martel et diffusé à TFO et Radio-Canada, on peut la voir rayonnante, entourée de ses trois enfants et cinq petits-enfants, ou encore visitant avec émotion le quartier qui a bercé son enfance et dont le visage a été transformé dans les années 1960. « L’autre chanson que je préfère, c’est Noël chaque jour, qui me rappelle encore la Basse-Ville francophone d’Ottawa qui m’a vu grandir et où tout le monde se parlait, se souriait ». Les 400 chansons de Suzanne Pinel ont toute leur histoire et portent avec elle la richesse de la culture francophone au Canada. La chaîne TFO rediffusera d’ailleurs les vidéos de ses chansons dès le mois de mars! « Tout en apprenant à connaître la culture de l’autre, j’espère qu’on pourra continuer à parler français, dit-elle avec douceur. Notre langue est une richesse irremplaçable. »