Grippe d'homme, plus qu'un mythe

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L’hiver s’en vient… et avec lui, des pluies de mouchoirs en papier et gorge enrouée. Mais pourquoi, lorsque grippés, les hommes semblent-ils vivre plus farouchement les grippes, rhumes et autres maladies hivernales? Les éléments de réponses de la professeure de psychologie Nafissa Ismail.

Pourquoi les hommes semblent-ils plus souffrir que les femmes?

Lors d’expériences sur les souris dans la cadre de la récente étude de la professeure Ismail, les chercheurs ont constaté que les souris mâles infectées par la grippe montraient plus de comportements associés à la maladie que les souris femelles, que leur température corporelle affichait davantage de fluctuations et qu’elles prenaient plus de temps à se rétablir.

Testostérone - un immunosuppresseur

L’étude « Age and sex differences in immune response following LPS treatment in mice » s’inscrit dans le prolongement d’autres recherches qui avaient mis au jour le rôle des hormones sexuelles dans les différentes réponses immunitaires chez les mâles et les femelles. Ainsi, la testostérone est généralement considérée comme un immunosuppresseur, alors que l’estrogène est considéré comme un immunostimulant.

Dans le cadre d’une recherche plus vaste sur les transformations du cerveau liées à la puberté, des chercheurs de l’École de psychologie de l’Université (Faculté des sciences sociales) et de l’École des sciences de la nutrition (Faculté des sciences de la santé) se sont penchés sur le rôle joué par l’âge et le sexe dans les réactions immunitaires graves. Les chercheurs ont injecté dans des souris mâles et femelles, adultes et pubères, la même infection bactérienne provoquant les symptômes associés à la grippe humaine. Les expériences consistaient à injecter du lipopolysaccharide (LPS) à des groupes de souris pour ensuite observer leurs comportements symptomatiques et leur température corporelle, à mesurer les cytokines inflammatoires et anti-inflammatoires dans leur sang après l’infection au LPS, puis à retirer leurs hormones gonadiques pour voir si cela influençait les résultats. Les symptômes physiques des souris adultes mâles étaient visiblement pires que ceux des souris adultes femelles et des souris pubères des deux sexes. Les mesures physiologiques de leurs réactions immunitaires (température corporelle, fièvre et signes d’inflammation) étaient aussi plus marquées.

La testostérone est généralement considérée comme un immunosuppresseur, alors que l’estrogène est considéré comme un immunostimulant. Selon la professeure Ismail, l’étude est unique en ce qu’elle compare des souris mâles et femelles, mais aussi des souris adultes et pubères. D’ailleurs, ses recherches s’intéressent à l’effet à long terme que les événements stressants vécus durant la puberté semblent avoir sur les comportements reproducteurs et d’autres comportements. Les souris pubères se rétablissent beaucoup plus vite, car leur système immunitaire en développement sousréagit aux infections. Il semble toutefois qu’à long terme, l’exposition à des facteurs de stress pendant la puberté les prédispose à des changements à leur cerveau et à leurs comportements, et notamment à des comportements qui sont symptômes de dépression, d’anxiété et de problème cognitifs, précise la professeure.

Face à des tels résultats, on ne peut s’empêcher de se montrer plus compréhensifs envers les hommes grippés : une bonne occasion de leur octroyer un petit répi...

Nafissa Ismail
Nafissa Ismail

Nafissa Ismail a complété un baccalauréat ès sciences en psychologie avec une spécialisation en neurosciences à l’Université Concordia en 2002, puis elle a reçu son doctorat en 2009 au même endroit. Par la suite, elle a complété son post-doctoral fellowship à l’Université du Massachusetts. Elle est la directrice du laboratoire NISE (NeuroImmunologie, Stress et Endocrinologie) de l’Université d’Ottawa. 

Description de sa recherche : Les périodes critiques du développement sont marquées par d’importants changements physiologiques et nerveux. Ces changements ont un impact sur le comportement et sur la vulnérabilité des maladies à l’âge adulte. L’exposition aux facteurs environnementaux (tel que le stress) pendant ces périodes critiques peut avoir de graves effets sur la fonction cérébrale et pourrait favoriser la vulnérabilité aux maladies à long-terme. Bien qu’il soit possible de réduire l’exposition à certains facteurs de stress, d’autres, comme la maladie, sont presque inévitables. Sa recherche se concentre à examiner les mécanismes neurochimiques à travers lesquelles le défi immunitaire et les hormones, au cours des périodes prénatales et pubertaires, modifient le comportement. Les comportements qu’elle examine sont les comportements sociaux, la dépression et la cognition. Elle utilise les souris et rats de laboratoire pour mieux comprendre et étudier ces mécanismes.