Un regard asiatique sur une question occidentale
Les théories dominantes sur les États-providence, surtout en Europe et en Amérique du Nord, insistent souvent sur le rôle des clivages religieux dans la création de politiques sociales. L’idée est simple : plus une société est divisée religieusement, plus ces divisions influencent les coalitions politiques, les partis et les priorités sociales.
Mais que se passe-t-il dans un pays multireligieux, non chrétien, et passé par une histoire coloniale et autoritaire, comme Taïwan ? Laliberté (École d’études politiques) prend cette question à bras-le-corps.
Une méthode rigoureuse, quatre hypothèses
À l’aide d’une approche néo-institutionnaliste, l’auteur examine l’évolution des politiques sociales taïwanaises depuis 1945 à travers quatre prismes religieux :
Les clivages religieux
Les relations entre religions et État
L’influence des doctrines théologiques
La mobilisation politique des acteurs religieux
Résultat ? Une influence indirecte et contrastée
L’analyse montre que :
La diversité religieuse à Taïwan n’a pas produit de conflits majeurs, ni de partis politiques religieux. Cela a limité leur influence sur la conception des politiques sociales.
Certaines religions comme le bouddhisme (via la Fondation Tzu Chi) et l’Église presbytérienne ont joué un rôle dans la prestation de services sociaux, notamment en santé ou en éducation.
L’État taïwanais, surtout sous le régime autoritaire, a gardé un contrôle étroit sur les religions, empêchant leur autonomisation politique.
L’absence d’une théologie dominante (comme le catholicisme en Europe) a empêché une influence unifiée sur les politiques sociales.
La démocratisation a permis un dialogue interreligieux, mais pas l’émergence d’un pouvoir religieux structurant.
Ce que cela nous dit
L’étude du cas taïwanais remet en cause certaines généralités formulées à partir de l’expérience occidentale. Elle souligne qu’une société peut être profondément religieuse sans que la religion structure la politique sociale. Elle montre aussi comment des facteurs comme la diversité religieuse, la relation à l’État, ou encore la modernisation politique façonnent différemment les dynamiques sociales.
Lisez son article complet "Religions and the Development of Taiwan’s Welfare Regime", publié dans le International Journal of Taiwan Studies (2024) - disponible en anglais seulement.