Volume 29, numéro 1, automne 2023 - Intervention sociale et urgence climatique
Les changements climatiques ne font plus aucun doute pour la communauté scientifique mondiale. Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) est catégorique : notre mode de vie, particulièrement notre consommation d’énergie fossile et nos émissions de CO2, joue le rôle majeur dans le réchauffement du climat mondial ainsi que son dérèglement (IPCC, 2022; Servigne & Stevens, 2015). Le GIEC prévoit que la température moyenne de la planète augmentera de 2 degrés d’ici la fin du siècle, n’atteignant donc pas les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat. Les impacts des changements climatiques sont déjà observés dans de nombreux écosystèmes à travers le monde et affectent aussi la viabilité de différents systèmes à la base des sociétés : pénurie d'eau potable, perturbation de la production agricole, risque accru de maladies infectieuses et déplacement des populations (IPCC, 2022). De plus, ce réchauffement entraîne des phénomènes météorologiques de plus en plus extrêmes (Alston et al., 2019). La récente vague de chaleur extrême dans l’Ouest canadien (2021), l’inondation printanière exceptionnelle en Ontario et au Québec (2019) ou le feu de forêt de Fort McMurray (2016) ne sont que quelques exemples qui, au Canada, ont entraîné des conséquences importantes sur le bien-être et la sécurité des communautés, des familles et des individus.
Les interventions sociales et communautaires, notamment par les travailleurs sociaux et les travailleuses sociales, sont de plus en plus au-devant des changements climatiques. Prenons les exemples des mouvements citoyens contre l’exploitation des hydrocarbures qui ont eu lieu récemment au Québec avec la lutte contre le projet d’énergie Est et au Nouveau-Brunswick avec le conflit pour le moratoire sur l’exploitation des gaz de schisme : les intervenantes et les intervenants communautaires ont joué un rôle central dans la mobilisation des communautés face à la dégradation de leur environnement (Favreau, 2017). Aussi, cette lutte vise à mettre en place des projets de transition vers un nouveau mode de vie, plus soucieux de l’écologie et attentif à la résilience locale (Hopkins, 2014). D’autres intervenantes et intervenants travaillent pour une meilleure justice environnementale, entre autres en militant contre le racisme environnemental. Par exemple, les travaux de Waldron (2018) en Nouvelle-Écosse ont bien montré que les communautés racialisées et autochtones de cette province sont exposées de manière disproportionnée à la pollution et aux contaminations industrielles. En effet, les populations les plus vulnérables, celles que les travailleuses sociales et les travailleurs sociaux accompagnent dans la défense de leurs droits, sont les premières victimes des changements climatiques. D’ailleurs, les principales associations en travail social proposent d’inclure la justice climatique dans la responsabilité professionnelle des intervenantes et des intervenants (Schibli, 2020), reconnaissant ainsi l’interconnexion entre le bien-être de la Nature, des communautés et des individus.
En revanche, tout ce développement dans la réflexion et la pratique en intervention sociale et communautaire est largement promu dans des écrits en langue anglaise. Il existe d’ailleurs une panoplie de termes en anglais avec peu d’équivalents en français (Dagenais Lespérance & MacDonald, 2019), tel que « environmental social work » (Gray et al., 2012), « ecological social work » (McKinnon & Alston, 2016) et « green social work » (Dominelli, 2012). En fait, la formation, la recherche et la pratique sur ces enjeux importants sont en émergence dans le contexte francophone. Il est possible d’envisager un accroissement rapide des connaissances dans ce domaine au cours des prochaines années. Dans l’urgence de notre époque, l’intervention sociale et communautaire joue un rôle primordial afin de relever les défis imposés par les impacts des changements climatiques, ainsi que pour soutenir le changement social nécessaire à l’éveil de la conscience des individus et des communautés à une responsabilité éthique de la terre qu’elles ou ils habitent, comme souhaité par l’écologiste Aldo Léopold il y a près de 75 ans (Aldo, 2019).
Le volume 29, numéro 1 de Reflets, qui paraîtra à l’automne 2023, a pour objectif principal de mettre en commun les recherches et les pratiques récentes qui abordent l’intervention sociale et communautaire dans la conjoncture de l’urgence climatique.
Thèmes
Voici quelques thèmes, qui pourraient faire l'objet d'articles pour le Dossier, incluant des articles scientifiques et des pratiques d’intervention :
- Les enjeux théoriques et conceptuels de l’intervention sociale écologique
- Les injustices et le racisme environnemental
- Les actions sociales écologiques et la lutte sociale pour la justice climatique
- Les défis et les pratiques exemplaires concernant le développement durable des communautés urbaines et rurales
- Les approches de transition écologique dans un contexte de résilience des communautés francophones
- Les savoirs et les pratiques autochtones en travail social écologique
Veuillez indiquer votre intention, en nous écrivant à :
Mario Paris
Professeur agrégé
École de service social
[email protected]
Université de Moncton
Recommandations aux auteures et auteurs
Pour les personnes qui veulent soumettre un article, veuillez nous faire parvenir un résumé (environ 100 mots), au plus tard le 15 septembre 2022, en français en ajoutant de cinq à dix mots clés. Veuillez préciser s’il s’agit d’un article scientifique ou d’un article pour la rubrique Des pratiques à notre image.
L’article final devra être soumis au plus tard le 28 février 2023.
Veuillez consulter le site de Reflets. Veuillez présenter vos articles selon « Politique éditoriale et Guide de rédaction » de Reflets.
Références
- Aldo, L. (2019). Éthique de la Terre. Payot.
- Alston, M., Hazeleger, T., & Hargreaves, D. (2019). Social Work and Disasters: A Handbook for Practice. Routledge.
- Dagenais Lespérance, J., & MacDonald, S.-A. (2019). La justice environnementale : Dans l’angle mort de la formation en travail social? Intervention, 150, 113‑119.
- Dominelli, L. (2012). Green Social Work: From Environmental Crises to Environmental Justice. Polity Press.
- Favreau, L. (2017). Mouvement communautaire et État social. Le défi de la transition sociale-écologique. Presses de l’Université du Québec.
- Gray, M., Coates, J., & Hetherington, T. (2012). Environmental Social Work. Routledge.
- Hopkins, R. (2014). Ils changent le monde : 1001 initiatives de transition écologique. Seuil.
- IPCC. (2022). Climate Change 2022. Impacts, Adaptation and Vulnerability. Summary for Policymakers. Cambridge University Press.
- McKinnon, J., & Alston, M. (2016). Ecological Social Work: Towards Sustainability. Red Globe Press.
- Schibli, K. (2020). Changement climatique et travail social. Association canadienne des travailleuses et des travailleurs sociaux (ACTS).
- Servigne, P., & Stevens, R. (2015). Comment tout peut s’effondrer. Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes. Le Seuil.
- Waldron, I. R. (2018). There’s Something in the Water: Environmental Racism in Indigenous & Black Communities. Fernwood Publishing.