Du pétrole qui coule : la science du bitume dilué dans l’eau des lacs

Biologie
Vue aérienne du campus et du canal rideau
La propension de l’huile à flotter sur l’eau a inspiré beaucoup de proverbes et de phrases philosophiques dans de nombreuses cultures.

Mais pour certains pétroles bruts, cette propriété physique n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît. Devant la menace grandissante des changements climatiques et la volonté de décarboner l’économie, on s’efforce partout de trouver rapidement des solutions qui faciliteront la transition énergétique. On continue cependant d’utiliser du pétrole brut et des produits pétrochimiques, alors que leur transport par bateau, train ou pipeline pose un danger pour les environnements aquatiques. Et si les raffineries travaillent fort pour réduire les déversements de pétrole dans l’environnement, le risque de tels incidents est inhérent à leur industrie. Donc, pourquoi des scientifiques jetteraient-ils volontairement du pétrole dans l’eau d’un lac? Sawyer Stoyanovich, un doctorant travaillant avec le professeur Jules Blais, a réalisé l’une des plus grandes expériences contrôlées de déversement de pétrole jamais menées au pays et dans le monde pour déterminer le sort et le comportement du bitume dilué. Couramment nommé « dilbit », ce mélange est la forme sous laquelle voyage au Canada le pétrole brut provenant des sites d’exploitation de sables bitumineux de l’Alberta. L’équipe BOREAL (« Boreal Oil Release Experiment by Additions to Limnocorrals ») a délibérément versé différents volumes de dilbit dans des mini-lacs créés dans le Nord-Ouest de l’Ontario pour simuler un déversement de pétrole. Dans un article récemment publié dans Science of the Total Environment, Sawyer Stoyanovich indique que le dilbit coule. Selon ses travaux, une partie du pétrole déversé peut s’altérer tandis qu’il est en suspension dans l’eau, et lorsque les composants volatils légers s’évaporent, le reste du pétrole, qui comprend notamment les ingrédients de l’asphalte dont on revêt nos routes, coule parfois comme une pierre. La capacité du dilbit de couler, vivement débattue dans le contexte de la gestion des déversements, n’avait jamais été démontrée à cette échelle par une expérience contrôlée. Le doctorant et ses collègues mettent également en lumière les possibles difficultés et complexités du travail d’assainissement en cas de dilbit immergé, et la rapidité avec laquelle il faudrait agir pour atténuer les principaux dommages à l’environnement.

Sawyer Stoyanovich, étudiant au doctorat
Sawyer Stoyanovich, étudiant au doctorat

Ces résultats sont extrêmement opportuns et importants, puisque l’avenir de la consommation du pétrole est un sujet chaud en politique. L’équipe de recherche espère pouvoir publier tous ses résultats rapidement pour aider les décisionnaires à faire des choix éclairés quant au transport de pétrole brut au Canada et ailleurs.

Sawyer Stoyanovich souhaite un jour intégrer le secteur de la prévention des déversements, et travailler sur des modèles prédictifs dans le but de modifier les interventions effectuées au Canada. Il attribue sa réussite à son directeur, le professeur Jules Blais, et à l’équipe du projet BOREAL, qui l’a accueilli.

Aux personnes récemment diplômées, le doctorant conseille de ne jamais sous-estimer leurs compétences ni leur capacité à mener des recherches. Il croit que l’appartenance à un laboratoire donne accès à un réseau de soutien incroyable, où l’on trouve toujours de l’aide.

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