Grâce à des techniques d’édition génomique, l’équipe a réussi à faire muter des gènes qui codent pour une grande protéine, la sécrétogranine-2. On connaissait déjà cette protéine pour sa dégradation en fragments bioactifs – les peptides. Or, les biologistes ont révélé qu’un de ces peptides en particulier, la sécrétoneurine, stimule les fonctions sexuelles chez le poisson-zèbre, un organisme modèle dans la recherche en médecine et en biologie.
L’étincelle ayant mené à cette découverte s’est produite il y a quelques années, lorsque le laboratoire du professeur Trudeau a repéré le gène de la sécrétogranine-2 et identifié le peptide de sécrétoneurine chez le poisson rouge. Toutefois, il manquait alors à l’équipe de recherche d’importantes preuves in vivo – il leur restait à démontrer que le gène jouait un rôle vital pour un organisme vivant. Heureuse coïncidence, les techniques d’édition du génome chez le poisson étaient justement en plein essor, et le professeur Wei Hu, chercheur à l’Académie chinoise des sciences et spécialiste en édition génomique, avait justement choisi Ottawa pour effectuer un court congé sabbatique en 2011. Une amitié doublée d’une collaboration professionnelle s’est alors nouée entre les deux professeurs, ce qui a mené au tout premier modèle de mutation génétique sur la sécrétogranine-2.
Ce sont ensuite les étudiants au doctorat du professeur Trudeau qui, prenant la direction de la recherche, ont contribué aux avancées sur la sécrétoneurine. Parmi eux se trouvait Kimberly Mitchell, ancienne étudiante ayant travaillé sur les perturbations du comportement sexuel chez le poisson mutant et visité le laboratoire du professeur Hu à Wuhan. La complémentarité de l’expertise entre ces deux laboratoires – canadien et chinois – a permis de former un partenariat fructueux doté de fonds de recherche communs.
Ces recherches conjointes ont permis d’établir que la sécrétoneurine joue dans le processus de reproduction, confirmant son statut d’hormone sexuelle. De fait, l’équipe de recherche du professeur Trudeau a montré que la sécrétoneurine stimule les cellules nerveuses et l’hypophyse, ce qui active la sécrétion d’autres hormones sexuelles connues. Cette découverte de premier ordre ouvre donc de nouvelles perspectives pour les chercheurs et chercheuses s’intéressant aux facteurs qui contrôlent le comportement sexuel et la fertilité. Les biologistes ont par ailleurs découvert que la sécrétoneurine continue d’être sécrétée au cours de l’évolution, ce qui rendrait possible l’extrapolation des résultats obtenus chez le poisson à d’autres espèces, dont l’être humain. La découverte de la fonction sexuelle de la sécrétoneurine pourrait par exemple offrir de nouvelles solutions dans le contrôle de la reproduction des espèces de poisson d’élevage, ou encore dans la recherche de nouveaux traitements de fertilité chez l’humain. La relève doctorale qui poursuit actuellement ces recherches avec zèle rend le professeur Trudeau confiant quant à l’avenir : « Il y a de fortes chances pour que nous mettions à jour d’autres peptides dont les rôles biologiques sont, de même, encore méconnus », affirme-t-il.
Pour en savoir plus :
- Targeted mutation of secretogranin-2 disrupts sexual behavior and reproduction in zebrafish (en anglais seulement)
- Des chercheurs de l’Université d’Ottawa découvrent une nouvelle hormone sexuelle
- Infertilité chez l’humain: les poissons-zèbres mis à contribution
- New Sex Hormone found in Zebrafish (baladodiffusion, en anglais seulement)