Repérer la tordeuse des bourgeons de l’épinette grâce aux isotopes : surveillance des insectes défoliateurs dans la forêt boréale

Sciences de la Terre et de l’environnement
Vue aérienne du campus et du canal rideau
En raison des bouleversements climatiques que subit l’environnement, la surveillance et la compréhension des espèces d’insectes envahissantes ou nuisibles gagnent en importance.

En effet, les changements climatiques peuvent accélérer la propagation de ces espèces, ce qui menace la résilience des écosystèmes et la biodiversité. Par exemple, la tordeuse des bourgeons de l’épinette, un papillon nocturne indigène d’Amérique du Nord, a une incidence énorme sur les forêts de conifères du Canada. Sa population varie considérablement; tous les 60 ans environ, une invasion massive cause des dommages économiques et écologiques majeurs dans les forêts boréales de l’est de l’Amérique du Nord. Selon de récents travaux, la dynamique de dispersion est un facteur important de ces invasions, mais les mécanismes de cette dispersion (comme la météo, ou le comportement et la physiologie de l’insecte) sont encore mal compris, en partie parce qu’on manque de données à échelle fine sur les trajectoires de dispersion. Le groupe du professeur Clément Bataille a conclu un partenariat avec le Centre de lutte contre les espèces envahissantes pour recueillir de nouvelles données sur la dispersion de cet insecte dans l’est du pays à l’aide de méthodes novatrices.

Professeur Clément P. Bataille et le boursier postdoctoral Felipe Dargent
Professeur Clément P. Bataille et le boursier postdoctoral Felipe Dargent

Comment les scientifiques procèdent-ils pour suivre la tordeuse des bourgeons de l’épinette? La réponse repose dans les principales sources de nourriture de ce papillon nocturne, habituellement les aiguilles du sapin baumier ou celles de l’épinette. Selon leur emplacement géographique, ces arbres contiennent divers isotopes en différentes proportions (les isotopes sont les différentes formes que prend un même élément, chacun ayant une masse particulière). Cette « empreinte isotopique », fonction de la géologie ou du climat de l’endroit, est conservée par l’arbre, puis incorporée aux tissus de la tordeuse des bourgeons de l’épinette, qui en consomme les aiguilles. Il est possible de cartographier la composition en isotopes de différents endroits grâce à des méthodes statistiques d’apprentissage machine; on peut par exemple produire des cartes prédisant la proportion des isotopes du strontium à partir de la géologie du substrat rocheux ou celle des isotopes d’hydrogène à partir de la modélisation du cycle de l’eau. Une fois qu’ils disposent de ces cartes, les scientifiques peuvent analyser les isotopes d’hydrogène, de strontium et de soufre dans les tissus de la tordeuse, dont la composition isotopique reflète l’endroit où la larve s’est développée. En comparant la composition isotopique des tissus de l’insecte avec celles du paysage isotopique, ils peuvent en retrouver le point d’origine, ce qui est essentiel pour connaître les stratégies et les trajectoires de dispersion ainsi que l’étape de l’infestation.

Plus largement, toutes les méthodes et données produites dans le cadre du projet sont mises en commun avec le Centre de lutte contre les espèces envahissantes et le Partenariat pour une forêt en santé, et par leur intermédiaire avec d’autres utilisateurs finaux potentiels. Concrètement, le projet a pour but ultime la mise en place de stratégies d’intervention précoces contre les infestations et d’approches préventives de protection de la forêt boréale.

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