À l’écoute des lacs : la recherche climatique sur les terres autochtones

Biologie
Prof Jules Blais et l'équipe se trouve devant le lac 'ERA-5' près de Cambridge Bay, sur l'île Victoria, au Nunavut.
Le professeur Jules Blais et son équipe posant devant le lac « ERA-5 » près de Cambridge Bay, île Victoria, Nunavut.
Rejoignez les communautés autochtones dans un voyage de découverte, où les lacs deviennent des conteurs, partageant l'histoire du climat à travers le langage des sédiments. Le professeur Jules Blais et son équipe mêlent l'enquête scientifique aux connaissances autochtones, permettant aux jeunes de confronter le changement climatique lors d'un voyage allant des prairies à l'Arctique.

Saviez-vous que les lacs peuvent nous raconter l'évolution de l'environnement au cours des 10 000 dernières années? En observant les échantillons de sédiments (« carottes ») prélevés au fond d'un lac, nous pouvons retracer les changements environnementaux depuis la fin de la dernière période glaciaire. Grâce à leur initiative en science et compréhension du climat, développée en partenariat avec l'école Clearwater River Dënë dans le nord de la Saskatchewan, le professeur Jules Blais et son équipe ont impliqué des étudiants locaux dans leurs recherches sur le climat, investiguant ce que les lacs boréaux et arctiques ont révélé au fil des ans.

Le Fonds d’action et de sensibilisation pour le climat (FASC) du gouvernement du Canada investit dans des initiatives communautaires qui sensibilisent au changement climatique et incitent les Canadiens à passer à l’action. Grâce au FASC, l'école Clearwater River Dënë a conçu et lancé le Projet collectif de responsabilité climatique et d’adaptation (CCAAP) en collaboration avec l'équipe du professeur Blais. Sous la direction de la cheffe communautaire Dënë Cheecham-Uhrich, cette initiative dirigée par les Autochtones favorise la connaissance du climat, la compréhension scientifique et l'action climatique proactive chez les étudiants de l'école Clearwater River Dënë (CRDS), préoccupés par l'impact du changement climatique sur l'environnement de leur région. 

 (de gauche à droite) Birdie Lemaigre, étudiante de la Clearwater River Dënë School (CRDS), le professeur Jules Blais, Colby Lemaigre, étudiant de l’école CRDS, et Claire Haynes, étudiante de l’école CRDS, se tiennent en cercle au bord du lac « ERA-5 », près de Cambridge Bay, sur l'île Victoria, au Nunavut. Nous voyons trois sacs à dos sur le sol, un devant chaque étudiant.
Birdie Lemaigre, étudiante de la Clearwater River Dënë School (CRDS), le professeur Jules Blais, Colby Lemaigre, étudiant de l’école CRDS, et Claire Haynes, étudiante de l’école CRDS, debout en cercle au bord du lac « ERA-5 », près de Cambridge Bay

Pour de nombreux étudiants, cette expérience a changé leur vie. Claire Haynes, une étudiante de l’école CRDS, a réfléchi à l'importance du projet : « C'était une expérience tellement rare et unique de travailler avec une équipe incroyable de scientifiques en neuvième année. L'apprentissage pratique sur le terrain était formidable. Nous avons vraiment pu nous impliquer et participer à tout le processus scientifique. Apprendre des aînés inuits et des gardiens du savoir qui abordaient les expériences d'un point de vue différent était fascinant et a tellement enrichi le voyage. »

Pour découvrir les effets du réchauffement climatique, l'équipe a utilisé des sédiments comme archives provenant de 20 lacs couvrant cinq écorégions en Saskatchewan et au Nunavut. Un autre objectif était d'en apprendre davantage sur les préoccupations environnementales des populations autochtones et sur la manière dont elles y font face. Dans le cadre de l'expédition, l'équipe a eu l'occasion de visiter et de pêcher avec les membres de la communauté locale. Ils ont écouté leurs histoires et leurs souvenirs sur l'évolution des lacs et des forêts, leurs préoccupations concernant l'expansion industrielle et le changement climatique, ainsi que leurs connaissances écologiques. L'opportunité de dialoguer avec les membres de la communauté offre non seulement un enrichissement de la science, mais aussi une appréciation de l'échange culturel.

Dënë Cheecham-Uhrich (à droite) discute avec un enfant (à gauche) de la communauté de Cambridge Bay sur l'île Victoria, au Nunavut, alors que tous deux mangent de la soupe et sont assis sur le perron d'un camp de pêche. Crédit photo, Helen Blewett - Coordinatrice des aînés d'Iqaluktuuttiaq.
Une expérience unique

« Cette opportunité a inspiré nos étudiants à combiner leurs expériences vécues avec des carrières qui renforcent les services et les fonctions de l'écosystème de notre nation. »

Dënë Cheecham-Uhrich, responsable du CCAAP

Pour l'étudiante Ava Haynes de l’école CRDS, ce voyage a été révélateur : « C'est une expérience qui m'a ouvert les yeux et pour laquelle je serai éternellement reconnaissante. Elle m'a fait découvrir différents domaines scientifiques et m'a aidée à décider de ce que je souhaite faire dans l'avenir. Ce fut aussi une expérience culturelle qui m'a montrée comment la science et le savoir traditionnel peuvent se fusionner pour former quelque chose d'encore meilleur qu'auparavant. »

Dënë Cheecham-Uhrich, responsable du CCAAP, a souligné l'impact transformateur de la collaboration : « Cet échange culturel puissant et fortifiant a offert une opportunité unique à nos étudiants de l’école CRDS et à l'équipe de scientifiques interdisciplinaires. Les diverses collaborations et l'expérience de travail en cohésion avec le professeur Jules Blais et son équipe ont démontré à quel point il est essentiel de relier notre science autochtone locale aux sciences interdisciplinaires pour relever les défis de notre communauté.

Cette opportunité a inspiré nos étudiants à combiner leurs expériences vécues avec des carrières qui renforcent les services et les fonctions de l'écosystème de notre nation. Cela leur a donné une voix, un but, une autonomie, et de la confiance. Nous sommes fiers de considérer le professeur Blais et son équipe comme notre famille de recherche et nous sommes enthousiastes à l'idée de continuer à pratiquer des systèmes scientifiques culturellement appropriés, éthiques et égalitaires. » 

Dans le cadre de l'élément du projet portant sur les connaissances climatiques, le professeur Blais a communiqué avec les étudiants de l’école Clearwater River Dënë pour partager des connaissances sur les impacts du changement climatique, la manière dont il affecte les communautés nordiques et la façon dont les universitaires l'étudient. Des discussions en ligne pendant la pandémie aux travaux de terrain menés ensemble au Nunavut et dans le nord de la Saskatchewan, il a appris leur savoir écologique traditionnel tout en leur montrant la terre à travers le prisme d'un scientifique de l'environnement.

Un collage: Photo de gauche : Birdie Lemaigre (étudiante de l'école CRDS) tenant des échantillons de lac. Photo du milieu : Colby Lemaigre (étudiant de l'école CRDS) apprenant à fabriquer des mitaines en peau de phoque dans un camp de pêche près de Cambridge Bay, au Nunavut. Photo de droite : Ava Haynes (étudiante de l'école CRDS) observant des algues dans les échantillons d'eau au microscope.
Photos d'étudiant(e)s: 1. Birdie Lemaigre tenant des échantillons de lac 2. Colby Lemaigre apprenant à fabriquer des mitaines en peau de phoque dans un camp de pêche au Nunavut. 3. Ava Haynes observant des algues dans les échantillons d'eau au microscope

Le professeur Blais souligne l'importance d'impliquer les communautés autochtones, en particulier les jeunes autochtones, dans la science du climat : « Nous partageons notre expérience avec eux pour montrer comment ces études, combinées au savoir traditionnel, peuvent mener à une meilleure compréhension de l'environnement et nous travaillons à éveiller leur intérêt pour les domaines environnementaux. » 

En réfléchissant à l'impact profond du projet, Paul Haynes, éducateur en STIM et enseignant en milieu naturel, a déclaré : « Au cours de l'été 2022, j'ai eu l'occasion de voir mes étudiants évoluer dans deux mondes à la fois. En tant qu'éducateur en réserve depuis 25 ans, j'ai vécu de nombreuses expériences uniques. Mais ce que j'ai vu se dérouler dans ce projet était vraiment spécial. Voir les étudiants être enseignés sur le terrain et au laboratoire par Jules Blais et son équipe, dans une approche pratique, était un spectacle à voir. Mais encore plus puissant étaient les moments où les scientifiques se sont réunis avec les jeunes Dënë, ainsi que les Aînés et les jeunes de Cambridge Bay, pour écouter la sagesse des Aînés. Le fait d'être assis sur les rives de l'océan Arctique, de partager ces cultures ensemble d'une manière dont peu de gens seront témoins, m'a ouvert l'esprit à ce que l'éducation devrait être. » 

Interrogé sur sa collaboration avec les communautés autochtones, le professeur Blais a exprimé que les systèmes de savoir traditionnel autochtone ont été négligés par le passé. Cependant, les projets dirigés par les Autochtones, comme le CCAAP, signalent un changement dans la manière dont le savoir est partagé et rapporté. Il a été témoin de l'intégration d'approches différentes qui incarnent l'égalité et le respect. Il conseille aux chercheurs académiques qui souhaitent collaborer de manière responsable avec les communautés autochtones: « Commencez par aller à leur rencontre. Établissez des liens avec les organisateurs communautaires, les mentors, et les enseignants. Parlez à leurs conseils de bande et à leurs écoles. Demandez-leur ce qui les préoccupe et comment vous pouvez les aider. »

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