Renforcer les communautés : Recherche sur la santé des caribous menée par les Autochtones

Biologie
(de gauche à droite) Le professeur Alexandre Poulain, le chercheur postdoctoral Benjamin Stenzler, le professeur Vance Trudeau et le chercheur postdoctoral Chunyu Lu se tiennent dans un laboratoire du bâtiment CAREG, portant des blouses de laboratoire. Le Dr Stenzler tient un flacon Erlenmeyer tandis que le professeur Trudeau et le Dr Lu tiennent des sacs Ziploc remplis d'échantillons lyophilisés de matières fécales de caribou.
Professeurs Alexandre Poulain et Vance Trudeau, les chercheurs postdoctoraux Benjamin Stenzler et Chunyu Lu.
Des communautés autochtones du Québec et du Labrador, en collaboration avec des chercheurs de l'Université d'Ottawa, mènent une initiative pionnière pour protéger les caribous grâce à une surveillance innovante de leur santé. En combinant savoirs traditionnels et science de pointe, ils développent des biocapteurs portables pour assurer la survie de ces animaux essentiels face aux menaces environnementales.

Depuis des temps immémoriaux, le caribou a une importance culturelle fondamentale pour les autochtones et plusieurs communautés dépendent du caribou pour leur subsistance. Cependant, au cours des deux dernières décennies, la population de caribous dans les forêts boréales a diminué de 30 %, menacée par les activités industrielles et le changement climatique. La gestion des caribous est devenue un enjeu critique pour les Premières Nations qui ont traditionnellement partagé le territoire avec ces animaux.

À la demande de plusieurs Premières Nations, l'Institut de développement durable des Premières Nations du Québec et du Labrador (IDDPNQL) a sollicité l'aide d'une équipe de recherche dirigée par les professeurs Alexandre Poulain et Vance Trudeau de l'Université d'Ottawa. 

Leur mission : développer de nouveaux outils biosenseurs portables pour évaluer la santé des caribous. Pour ce faire, ils surveilleront les niveaux de corticostéroïdes et de stéroïdes sexuels dans les échantillons prélevés sur le terrain. Avec ses partenaires, l'équipe de recherche de l’Université Ottawa intégrera le savoir traditionnel autochtone à toutes les étapes du projet afin d'en assurer la réussite.

Les hormones stéroïdiennes jouent un rôle crucial dans la santé des animaux, en tant que biomarqueurs du stress et de l'état reproducteur. Ces hormones peuvent être détectées dans des échantillons de matières fécales, d'urine ou de poils d'animaux sauvages, offrant des méthodes de surveillance non invasives. Cependant, leur nature lipophile (soluble dans les graisses) pose des défis à leur extraction et à leur détection. 

Actuellement, les Premières Nations du Québec et du Labrador n’ont accès à aucune méthode d’analyse sur le terrain. C'est pourquoi l'équipe de l’Université d’Ottawa, en collaboration avec l'IDDPNQL et Environnement et Changement climatique Canada (ECCC), met au point une méthode d'extraction des hormones stéroïdiennes et un système de biosenseur portable. Un biosenseur est une construction génétique qui produit un signal détectable, généralement de la lumière, lorsqu'il interagit avec une substance d'intérêt.

Les chercheurs postdoctoraux Chunyu Lu et Benjamin Stenzler ont reçu un financement d'Accélération Mitacs en partenariat avec l'IDDPNQL pour faire avancer ce projet. Chunyu Lu conçoit une stratégie d'extraction d'hormones adaptée aux opérations sur le terrain, en visant l'efficacité économique, l'accessibilité et l'adaptation aux environnements extrêmes. En collaboration avec le Parc Oméga, l'équipe recueille des échantillons de leur population de caribous bien surveillée. 

Benjamin Stenzler, quant à lui, construit des biosenseurs à base de levure et les optimise pour une utilisation sur le terrain. S'appuyant sur l'expertise de l'équipe en microbiologie (étude de la biologie des organismes microscopiques) et en endocrinologie (étude de la sécrétion hormonale), l’équipe peaufine des biosenseurs adaptés à évaluation de la santé des caribous. Ils procéderont ensuite à des validations sur le terrain afin de sélectionner ceux qui répondent le mieux aux besoins de leurs partenaires autochtones.

Le suivi de la santé des caribous n'est pas une tâche facile, nécessitant une collaboration multidimensionnelle. En plus des contributions cruciales de l'IDDPNQL et de nombreuses Premières Nations du Québec et du Labrador, Phillipe Thomas (biologiste de la faune à ECCC) contribue en reliant les mesures indirectes de santé par l'analyse des métabolites d'hormones fécales à l'état et aux trajectoires de la population. Les résultats de ce projet informeront le Consortium national du savoir sur le caribou boréal (CNSCB) et guideront les décisions vidant à établir des critères pour l’évaluation de la santé des caribous.

À mesure que la recherche progresse, les professeurs Poulain et Trudeau rentent engagés à maintenir des normes éthiques et à favoriser des partenariats respectueux avec les communautés autochtones impliquées. Faisant écho aux principes de l'IDDPNQL, ils veillent à ce que les droits ancestraux et issus de traités des Premières nations participant à la recherche soient respectés et que leurs voix soient entendues. Cet engagement souligne leur profond respect pour le savoir et la souveraineté autochtones, établissant une norme pour des pratiques de recherche responsables en matière de conservation de l'environnement.

Grâce à cet effort de collaboration, la surveillance menée par les Autochtones promet de préserver l'avenir des populations de caribous et d’honorer la gestion autochtone du territoire.

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