Les secrets cachés de la Terre : Révéler les mystères des eaux souterraines

Sciences de la Terre et de l’environnement
Anthony Lapp, Gestionnaire du Laboratoire des gaz rares et du Tritium, et le professeur Oliver Warr sont debout devant un spectromètre de masse de gaz rares Helix SFT dans le Laboratoire André E. Lalonde des gaz rares à l’Université d’Ottawa.
Anthony Lapp, Gestionnaire du Laboratoire des gaz rares et du Tritium, et le professeur Oliver Warr sont debout devant un spectromètre de masse de gaz rares Helix SFT dans le Laboratoire André E. Lalonde des gaz rares à l’Université d’Ottawa.
Au-delà des limites conventionnelles, la recherche sur les eaux souterraines permet de mieux comprendre le passé et l'avenir de la Terre - Mars pourrait-elle être la prochaine étape ?

Les eaux souterraines, cachées sous la surface de la Terre, sont une ressource essentielle pour plus du quart de tous les Canadiens. Elles servent de principale source d'eau potable, d'irrigation pour l'agriculture et de soutien à diverses industries telles que celles de la fabrication. Bien que son importance soit indéniable, la plupart des Canadiens ne saisissent pas pleinement la valeur de cette réserve d'eau souterraine. Le professeur Oliver Warr, professeur adjoint au Département des sciences de la Terre et de l'environnement, cherche à mieux comprendre la nature, la distribution et le transport des eaux souterraines dans plusieurs types d'environnements, ainsi que le rôle que joue ces fluides dans la société moderne.

Avec un volume total n'étant surpassé que par les océans, ces réservoirs souterrains d'eau ne sont pas confinés dans des canaux ou des dépressions de la même manière que l'eau de surface qui est concentrée dans les rivières et les lacs. Au lieu de cela, ils existent presque partout sous terre, s'infiltrant à travers les espaces entre les particules de roches et de sol, ou ils sont piégés dans des fissures et des crevasses des roches elles-mêmes. Les fluides situés dans ces fissures et fractures peuvent rester isolés du monde extérieur pendant de très longues périodes et subissent des changements chimiques en interagissant avec les roches environnantes, ce qui les rend extrêmement salins.

Il est difficile de déterminer exactement depuis combien de temps ces fluides profonds et salins ont été piégés. Les méthodes traditionnelles telles que la datation au carbone 14 et au tritium sont limitées aux eaux de moins de 50 000 ans. Cependant, toutes les roches contiennent des traces d'uranium, de thorium et de potassium, qui se désintègrent naturellement avec le temps, produisant des gaz nobles tels que l'hélium, le néon, l'argon, le krypton et le xénon, qui se diffusent et s'accumulent dans ces eaux. En mesurant la teneur en gaz noble de l'eau, l'équipe du Prof. Warr peut estimer avec précision depuis combien de temps l'eau est piégée, bien au-delà de la limite de 50 000 ans.

Les recherches révolutionnaires du Professeur Warr, en collaboration avec l'Université de Toronto et Oxford, les ont conduits à plusieurs mines actives à travers le monde, notamment à Timmins, en Ontario, et en Afrique du Sud, afin de collecter des échantillons de ces fluides souterrains mystérieux directement à partir de fractures dans la roche. Dans une étude remarquable publiée en 2018, des échantillons d'eau prélevés à trois kilomètres sous la surface dans une mine active à Timmins ont révélé des eaux souterraines de plus d'un milliard d'années ! Leur récente publication dans Nature Communications discute d’échantillons d'eau souterraine d'une mine d'or sud-africaine avec des concentrations sans précédent de produits radiogéniques, y compris un nouvel isotope de gaz noble jamais observé auparavant dans un contexte naturel. En utilisant des mesures de gaz noble, ils ont déterminé que l'eau souterraine serait restée piégée pendant plus d'un milliard d'années. Ces découvertes suggèrent que les eaux souterraines peuvent être préservées dans la croûte continentale profonde sur des échelles de temps géologiques de plusieurs milliards d'années, et qu'elles peuvent être plus répandues dans le monde entier que ce que l'on pensait auparavant.

Les retombées de ces fluides anciens sont vastes. D'un point de vue des ressources, il est crucial de bien comprendre la production et l'accumulation de l'hélium pour faire avancer les applications médicales et industrielles. De plus, ces eaux souterraines fournissent des informations pertinentes aux modèles alternatifs d'habitabilité. Alors que la plupart de la vie sur Terre utilise le Soleil comme source d'énergie, les microorganismes résidant à trois kilomètres sous la surface n'ont pas accès à la lumière du soleil et doivent trouver d'autres sources d'énergie. Ils se basent plutôt sur les mêmes processus naturels de désintégration radioactive, qui produisent non seulement des gaz nobles mais qui peuvent également générer de la nourriture telle que l'hydrogène. La compréhension de la persistance de ces fluides habitables peut aider les chercheurs à mieux comprendre et à explorer des modèles d'habitabilité alternatifs applicables au-delà de la Terre, en appuyant des stratégies d'exploration pour d'autres planètes comme Mars.

En résumé, la recherche du Professeur Warr dévoile non seulement les secrets des eaux souterraines anciennes de la Terre, mais ouvre également de nouvelles voies pour comprendre l'habitabilité et l'utilisation des ressources à la fois sur notre planète et au-delà.

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