Impacts de l’exposition au profilage racial des jeunes racisés par les autorités policières en Ontario et au Québec
By: Nusha Birdjandi
La lutte contre le profilage racial est aussi une lutte pour le respect des droits fondamentaux des jeunes racisés. Dans son bilan de la mise en œuvre des recommandations du Rapport de la consultation sur le profilage racial et ses conséquences (2020), la Commission des droits de la personne et de la jeunesse (Québec) affirme que les avancées sont insuffisantes dans cette lutte. Elle définit le profilage racial comme « une action prise pour des raisons de sûreté, de sécurité ou de protection du public par une ou des personnes en situation d’autorité », qui « vise une personne ou un groupe de personnes selon des facteurs d’appartenance réelle ou présumée, tels la ‘race’, la couleur, l’origine ethnique ou nationale ou la religion » (CDPDJ, 2020, p. 11). Ce phénomène concerne particulièrement des groupes de minorités racisées qui font l’objet de surveillance, d’interpellations, de contrôles d’identité, et de violence de manière disproportionnée par les autorités chargées du maintien de l’ordre (Livingstone et collab., 2020 ; Armony et collab., 2019). Les jeunes des communautés noires, autochtones et arabes sont les principales victimes de cette pratique selon ces enquêtes. Ces jeunes peuvent aussi être victimes de discrimination sur la base de motifs simultanés (ex. sexe, état de santé mentale, condition sociale, lieu de résidence) qui les assujettit davantage aux traitements discriminatoires de la part des forces de l’ordre (CDPDJ, 2020).
La discrimination raciale a des impacts importants sur le développement des jeunes qui y sont exposés, et ce même lorsque ceux-ci ne sont pas directement l’objet du profilage (Commission ontarienne des droits de la personne, 2003). On constate parmi les impacts, la méfiance et le manque de confiance à l’égard des agents de police et du système de justice, l’intériorisation des préjugés, ainsi que des sentiments d’impuissance (CODP, 2003). Le profilage racial a également un impact sur l’éducation et la socialisation des enfants racisés, notamment lorsque leurs parents leur demandent de modifier leur apparence, de limiter leurs déplacements ou de se résigner aux traitements préjudiciables de figures d’autorités, et ce dans l’objectif de les protéger contre les conséquences négatives d’une éventuelle interpellation (CODP, 2003). Le traitement préjudiciable des jeunes racisées est associé à des difficultés sur le plan de la santé mentale, telle que l’anxiété, la dépression et une baisse de l’estime de soi (Priest et collab., 2013).
La lutte contre le profilage racial doit passer par la reconnaissance du caractère systémique du phénomène, afin de susciter la réforme de politiques institutionnelles qui la perpétuent (Livingstone et collab., 2020). Certaines pratiques du Service de Police de la Ville de Montréal ont notamment été ciblées dans la production de profilage racial (Livingstone et collab., 2020). Par exemple, la présence policière importante dans les quartiers plus culturellement diversifiés, l’usage de la discrétion des policiers dans le choix de qui interpeller et l’usage de règlements municipaux d’incivilités comme motifs d’interpellation (Livingstone et collab., 2020).
La collecte de données est primordiale, afin de saisir la nature et l’étendue des impacts sur les personnes exposées au profilage racial. Les corps policiers devront poursuivre la collecte de données relatives aux interpellations en enregistrant l’appartenance raciale perçue ou présumée des individus qui en font l’objet (Armony et collab., 2019). Il serait important dans des enquêtes ultérieures que le motif de discrimination de la « race » ne soit pas considéré en silo, mais comme interagissant avec d’autres motifs de discrimination qui fragilisent davantage certains groupes aux impacts du profilage (ex. : jeunes femmes autochtones). En complément, les histoires et les expériences des individus affectées par cette pratique, incluant les jeunes interpellés et enfants témoins, doivent continuer à être documentées.
Le profilage racial persiste et porte atteinte à la dignité des personnes qui en sont la cible. Elle compromet les droits garantis dans la Charte canadienne des droits et libertés et plus globalement à la Convention internationale relative aux droits de l’enfant, qui protège les jeunes contre toutes discriminations (article 2).
Références
Armony, Hassaoui, & Mulone. (2019). Les interpellations policières à la lumière des identités racisées des personnes interpellées. Tiré de https://spvm.qc.ca/upload/Rapport_Armony-Hassaoui-Mulone.pdf (PDF, 1.76 MB)
Commission des droits de la personne et de la jeunesse Québec. (2020). Bilan de la mise en œuvre des recommandations du Rapport de consultation sur le profilage raciale et ses conséquences : Synthèse. Tiré de https://www.cdpdj.qc.ca/storage/app/media/publications/bilan-profilage-racial_synthese_FR.pdf (PDF, 2 MB)
Commission ontarienne des droits de la personne. (2003). Un prix trop élevé : Les coûts humains du profilage racial. Tiré de http://www.ohrc.on.ca/sites/default/files/attachments/Paying_the_price%3A_The_human_cost_of_racial_profiling_fr.pdf (PDF, 417.03 KB)
Livingstone, A.-M., Meudec, M. & Harim, R. (2020). Le profilage racial à Montréal, effets des politiques et des pratiques organisationnelles. Nouvelles pratiques sociales, 31(2), 126–144. https://doi.org/10.7202/1076648ar
Priest, N., Paradies, Y., Trenerry, B., Truong, M., Karlsen, S., & Kelly, Y. (2013). A systematic review of studies examining the relationship between reported racism and health and wellbeing for children and young people. Social Science & Medicine, 95, 115–127. https://doi.org/10.1016/j.socscimed.2012.11.031