L’évolution plus ou moins récente des droits de l’enfant tend de plus en plus à considérer le mineur, et plus particulièrement l’adolescent, comme un être autonome et raisonnable, capable de prendre des décisions dans son intérêt propre. C’est dans cette ligne droite que la notion de mineur mature a voulu reconnaitre la capacité de décision à des enfants (généralement de 14 ans et +) et ce, malgré leur minorité.
Or la question de la maturité du mineur, dont découle la reconnaissance du droit à décider des choix qui l’affectent, renvoie en miroir, à la question de sa responsabilité du fait de ses actions.
Paradoxalement, le volet des droits de l’enfant n’est apparu que bien après celui des devoirs de ce dernier envers la société et le cas échéant, de sa responsabilité en cas de manquement. Entre 1973 et 2004, 227 mineurs ont été condamnés à la peine de mort, régime pourtant réservé aux majeurs. (J.L. Flexon, p. 931)
Selon M.J Cherry, la notion du mineur mature doit être abandonnée en ce qu’elle postule que le mineur doit jouir d’une situation comparable à l’adulte du fait de sa maturité, appréciée in concreto, alors que ce postulat est en contradiction radicale avec les études scientifiques en la matière. Ces dernières, au contraire, montrent que le cerveau de l’adolescent fonctionne différemment de celui de l’adulte et qu’il faut ipso facto le protéger en lui reconnaissant un régime différencié propre à son état. Au vu du jugement Roper v. Simmons qui décide que la vulnérabilité intrinsèque à la minorité a pour effet de réduire considérablement la responsabilité pénale, il faut réciproquement reconnaitre, selon Cherry, l’incapacité du mineur à prendre des décisions médicales qui le concerne.
Il faudrait, à son sens, privilégier les droits de protection de l’enfant (ex: art.37) au détriment de ceux de sa participation (ex: art.12).
Au contraire, S. Benston (p.2) défend que l’application du mineur mature permet de protéger l’enfant capable de participer dans les choix de ses soins médicaux contre son entourage, qui potentiellement poserait des choix paternalistes.
Pour elle, il est incohérent de reconnaitre d’un côté la possibilité qu’un mineur de 17 ans s’enrôle dans l’armée ou subisse une sentence pénale similaire aux adultes et d’un autre, lui refuser le choix du traitement médical qui lui sera appliqué.
Une étude récente (G. Icenogle et autres, 2019) démontre que les capacités cognitives et la maturité psychosociale, aussi appelées cold et hot thinking, n’évoluent pas concomitamment durant l’enfance/l'adolescence. Ainsi, nous serions capables d’avoir un raisonnement logique similaire aux adultes vers 16 ans tandis qu’il faudrait atteindre +- 20 ans pour avoir la même capacité à se contrôler face aux stimuli d’excitation, d’émotions et de risques.
En ce sens, décider que les -18 ans ne sont pas responsables de la même manière que les adultes est une conséquence logique du fait qu’ils n’ont pas la même maturité psychologique. Et il n’est pas incohérent qu’à ce même âge, ils aient le droit de décider sur des questions qui les concernent telles que l’avortement, l’euthanasie, les soins thérapeutiques, etc..
La consécration des droits de l’enfant, notamment par la Charte des NU, ne doit pas nous pousser à assimiler l’enfant à l’adulte mais à le considérer pour ce qu’il est : un être légitime, doué d’une conscience et d’une raison, et plus vulnérable face à diverses situations.
Il s’agit de trouver un équilibre entre les notions de responsabilité et de protection afin de garantir que :
• La volonté de protéger l’enfant n’aura pas pour effet de l’infantiliser contre son intérêt propre.
• La volonté de le responsabiliser ne le rendra pas injustement responsable de situations liées à son état d’enfant.
Références bibliographiques :
1. G. ICENOGLE, L. STEINBERG, N. DUELL et. al., « Adolescents cognitive capacity reaches adult levels prior to their psychosocial maturity : Evidence for a ''maturity gab'' in a multinational, cross-sectional sample », in Law and Human Behavior, 2019, Vol. 43(1), pp. 69 à 85
2. S. BENSTON, « Not of minor consequence ? Medical decision-making autonomy and the mature minor doctrine », in Indiana Health Law review, 2016, Vol. 13(1), pp.1 à 16
3. M.J. CHERRY, « Ignoring the data and endangering children : Why the mature minor standard for medical decision making must be abandoned », in Journal of Medicine and Philosophy, 2013, Vol. 38(3), pp. 315 à 331
4. J.L. FLEXON, L. STOLZENBERG, S.J. d’ ALESSIO, « Cheating the Hangman: The effect of the Roper v. Simmons decision on homicides committed by juveniles », in Crime and Delinquency, 2011, Vol. 57 (6), pp. 928 à 949