Me Sylvestre est une pionnière dans la documentation et la dénonciation de pratiques invisibles de discrimination contre les populations pauvres et marginalisées dans le système de justice pénale. Ses travaux de recherche ambitieux et interdisciplinaires sur la judiciarisation de l’itinérance et la régulation des conflits liés aux espaces publics en milieu urbain ont eu un impact réel sur les droits des personnes pauvres et en situation d’itinérance. Son travail a inspiré et soutenu des réformes majeures dans les politiques gouvernementales québécoises et canadiennes et les pratiques judiciaires concernant les populations marginalisées. Par exemple, ses recherches ont contribué à la publication d’un avis juridique sur le profilage social par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec en 2009 et à la mise en oeuvre de programmes d’accompagnement au sein de plusieurs cours municipales. En 2014, elle a représenté le Barreau du Québec lors de l’adoption de la Politique nationale de lutte à l’itinérance au Québec et, en 2020, elle a contribué à l’adoption de modifications au Code de procédure pénale du Québec afin de mettre fin à l’emprisonnement pour non-paiement d’amendes de personnes dans l’incapacité de payer.
Ses travaux plus récents sur l’utilisation de conditions de mise en liberté et de probation à l’encontre d’usagers de drogue ont démontré que ce type d’ordonnances contribuent au phénomène des portes tournantes et à la surincarcération des populations marginalisées. Cette recherche a contribué à soutenir des modifications au Code criminel du Canada par l’adoption du projet de loi C-75, en plus d’alimenter des changements dans les directives des services de poursuite. Ces travaux ont également fait l’objet d’une vaste couverture médiatique dans Le Devoir, The Globe and Mail, le Toronto Star et Radio-Canada/CBC.
Me Sylvestre est aussi reconnue pour ses travaux sur la criminalisation des personnes autochtones au Canada. En 2016, elle a publié un rapport sur la judiciarisation des personnes autochtones en situation d’itinérance à Val d’Or qui a contribué à la création de la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics au Québec – la Commission Viens – sur laquelle elle a ensuite siégé à titre d’experte en matière de justice. En 2019, elle complétait un portrait de la judiciarisation des Premières Nations à la demande de la Commission de la santé et des services sociaux des Premières Nations Québec-Labrador.
Doyenne de la Section de droit civil depuis 2019, Me Sylvestre est reconnue comme une leader et une personne innovatrice à l'Université d'Ottawa. Dès le début de son mandat, la doyenne Sylvestre a mis en place de nombreuses initiatives dans les domaines de l’enseignement et de la recherche qui visent à contribuer à la résolution de problèmes sociaux les plus pressants, en misant sur les relations avec les diplômé-es et la communauté. Elle a développé des projets cliniques et d’accompagnement ainsi que des projets de recherche qui interpellent la communauté juridique et les partenaires communautaires de divers horizons, comme en fait foi le lancement de la Clinique interdisciplinaire en droit social de l’Outaouais, dirigée par la professeure Emmanuelle Bernheim. Elle a contribué à la création de nouveaux programmes, dont le Certificat en droit autochtone, le premier programme de droit autochtone en français offert au Canada et a lancé une nouvelle plateforme audiovisuelle du droit, Jurivision.ca, afin de démocratiser le savoir juridique et de le rendre accessible. Son but ultime est d’amener les étudiants et étudiantes à travailler activement à la résolution de problèmes sociaux et à être des acteurs et actrices de changement social.
Tout au long de sa carrière et à titre de doyenne, Me Sylvestre a maintenu des liens importants avec le Barreau de l’Outaouais, contribuant à leurs travaux et à plusieurs activités de formation continue. En effet, son ambition à traduire la recherche fondamentale en action pour réagir à l’urgence sociale transparaît tant dans sa recherche que dans son travail d’éducation juridique sur le terrain. Ces 10 dernières années, elle a consacré plus de 60 heures à des conférences et formations auprès de divers professionnels de tout le pays : corps de police, services de poursuite, juges des cours municipales et de première instance et des cours d’appel et organismes gouvernementaux. Elle collabore aussi directement avec des groupes de défense des droits de la région d’Ottawa-Gatineau depuis plusieurs années, ainsi qu’avec des organismes communautaires des plus grandes métropoles canadiennes (Montréal et Vancouver).
L’expérience, les connaissances et les compétences de Me Sylvestre lui ont aussi permis, à maintes occasions, de mettre en lumière les points de vue des populations marginalisées qui seraient autrement passés inaperçus. Au cours des dernières années, ses recherches ont été couvertes dans plus de 100 articles ou reportages, et elle est intervenue plus d’une centaine de fois dans les médias (radio, télévision, journaux) pour commenter des sujets d’actualité. Elle n’hésite jamais à mobiliser ses connaissances afin de protéger les droits et les intérêts des populations marginalisées, comme en fait d’ailleurs foi son intervention médiatique du 28 octobre dernier : https ://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2021970/roulottes-guertin-incertitude-droit.
Le Mérite du Barreau de l’Outaouais a été remis à de nombreuses sommités de la profession juridique, dont les professeurs Benoît Pelletier et Charles Belleau, l’ancien doyen feu Louis Perret et le doyen adjoint Pierre Thibault. Le Mérite du Barreau de l’Outaouais – Me Jean-Claude Sarrazin 2023 sera remis à Me Marie-Eve Sylvestre à l’occasion du Banquet du Barreau le 9 décembre prochain.
Toutes nos félicitations!