Les professeures Emmanuelle Bernheim et Naivi Chikoc Barreda ont toutes deux reçu récemment des subventions du FEN. Dans deux projets distincts, la professeure Bernheim continue de travailler à ouvrir l’accès à un soutien juridique concret pour les communautés marginalisées, et contribue à éduquer le public sur l’imposition de mesures judiciaires aux personnes souffrant de problèmes de santé mentale. La professeure Chikoc Barreda, quant à elle, cherche à faire évoluer la pratique notariale en examinant comment les notaires peuvent offrir leurs services efficacement à distance dans un monde de plus en plus interconnecté.
Un soutien juridique interdisciplinaire pour donner des moyens d’action aux communautés marginalisées
Grâce à l’appui constant de la Chambre des notaires, la Clinique interdisciplinaire en droit social de l’Outaouais (CIDSO) – dont la professeure Bernheim est membre fondatrice – est ouverte depuis septembre 2021. Cette clinique aide des personnes marginalisées qui vivent des problèmes juridiques, en tenant compte des diverses barrières et inégalités qu’elles doivent surmonter pour accéder à la justice et faire respecter leurs droits.
La professeure Emmanuelle Bernheim a reçu une subvention du FEN du volet Soutien à la mission pour aider la clinique à bonifier ses volets de services et d’information juridique, qui figurent au cœur de sa mission. La CIDSO s’emploie d’ailleurs à officialiser ses méthodes de travail et de formation, à la lumière de ses expériences des dernières années. En accroissant ses ressources, elle sera mieux à même d’étendre son champ d’action pour défendre les droits des gens tout en cherchant des solutions globales à un vaste éventail de problèmes sociaux. Cette portée élargie la mettra aussi en meilleure position pour engager des stagiaires, qui développeront des compétences interdisciplinaires utiles dans leur future carrière.
La CIDSO est le fruit d’une collaboration interfacultaire entre la Section de droit civil, l’École de travail social et l’École de sciences infirmières de l’Université d’Ottawa, ainsi que le Département des sciences infirmières de l’Université du Québec en Outaouais et le programme de techniques juridiques du Cégep de Gatineau. Elle propose une approche réellement interdisciplinaire face aux problèmes sociaux complexes.
Montrer comment la santé mentale est traitée par le système de justice
La professeure Bernheim a aussi reçu une subvention du FEN pour un projet qui vise à mettre en lumière les expériences des personnes prises en charge par le système de justice en raison de problèmes de santé mentale. Ces gens peuvent par exemple se voir imposer une hospitalisation forcée parce que l’on estime qu’ils posent un danger pour eux-mêmes ou autrui. Un tribunal peut aussi ordonner qu’une personne se fasse soigner contre son gré si elle est jugée inapte à consentir à ces soins. Cela dit, des études indiquent que les préjugés et la discrimination en santé mentale se sont accentués dans les dernières années. Plus particulièrement, on voit se répandre l’idée que les personnes ayant des problèmes de santé mentale sont dangereuses, entre autres à cause de leur représentation dans les médias. Il n’y a toutefois aucun lien scientifiquement établi entre les problèmes de santé mentale et la violence; en fait, ces gens sont plus souvent ceux qui subissent des actes de violence que ceux qui les commettent. Le projet vise donc à explorer le raisonnement et les mécanismes juridiques qui sous-tendent les traitements judiciaires susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité des personnes ayant des problèmes de santé mentale.
En collaboration avec l’équipe de Jurivision, la professeure Bernheim cherche à créer du contenu audiovisuel pour diffuser de l’information sur ces questions auprès de divers publics sous forme de « visioformations » – des cours en ligne accessibles où l’on présente des témoignages de gens qui ont subi des traitements médico-légaux en santé mentale et de spécialistes de différentes disciplines. Ce projet d’éducation juridique bénéficiera énormément aux intervenants et intervenantes communautaires, au personnel professionnel en santé et en travail social, de même qu’aux décisionnaires politiques, aux juristes et aux étudiantes et étudiants en droit.
Une exploration des défis juridiques de la pratique notariale moderne
Un autre nouveau projet financé par la Chambre des notaires, mené par la professeure Naivi Chikoc Barreda, aura des répercussions importantes sur la pratique notariale. Les notaires authentifient la conclusion d’une multitude d’actes juridiques intéressant les citoyens sur le plan civil et commercial. À l’échelle mondiale, cette profession connaît actuellement une transformation numérique qui bouleverse le mode habituel d’exercer la fonction notariale. Depuis la pandémie, on voit naître une nouvelle façon de concevoir l’authenticité de l’acte notarié, avec l’admission de la réception à distance du consentement des individus. Au Québec, la loi 23 de 2023 donne à cette modalité d’actes un caractère permanent, même si elle restreint son utilisation aux situations exceptionnelles. Dans un environnement virtuel et dématérialisé, la fonction notariale s’ouvre à de nouvelles possibilités et se confronte à de nouveaux défis, lorsque les parties comparaissent depuis un État étranger.
La professeure Chikoc Barreda dirige un projet de recherche sur la reconnaissance internationale des actes notariés électroniques qui sont reçus à distance. Son article publié dans la Revue Générale de Droit sur l’authenticité dématérialisée de l’acte à distance avance déjà la problématique en droit comparé. Il a été présenté par l’auteure dans cette capsule sur Jurivision. Dans son projet actuel, elle étudie les obstacles qui entravent la circulation des actes notariés au-delà des frontières de l’État d’origine, et les enjeux que suscite cette nouveauté à l’ère du numérique et de la mondialisation. Par exemple, quels seraient les effets d’un document authentifié à distance en vertu du droit notarial de l’État d’origine, mais non conforme au droit de l’État d’accueil? Ce projet propose une analyse de ce type de questions en vue d’explorer les réglementations de ce phénomène à l’échelle internationale et de suggérer des solutions pour améliorer la circulation transfrontière des actes notariés à distance
La Section de droit civil félicite les professeures Bernheim et Chikoc Barreda pour leur travail exceptionnel et remercie chaleureusement la Chambre des notaires de soutenir ces projets audacieux et importants.