« Il y a des gens qui ont de la chance, il y en a d’autres qui en ont moins. »
Mia, Développement international et mondialisation,
Centre d’étude de coopération internationale, Burkina Faso CECI Coalition Burkinabé pour les Droits de la Femme (CBDF)
J’ai compris assez tôt que la tarte universelle de la chance ne pourrait jamais être séparée en parts égales entre tous. Il y en a des trop gourmands parmi nous. Alors quand on parle d’égalité, d’aide au développement, de droits de la personne, quand on dit « tous égaux », qu’est-ce que ça veut vraiment dire? Je crois que les meilleurs apprentissages se font grâce à l’expérience.
Ayant grandi dans un milieu où je n’ai jamais vraiment manqué de tarte, où même les petites filles avaient le droit de parole et la chance d’avoir plein d’ambition, j’ai été consternée de comprendre que ce n’était pas la réalité pour tous et partout.
En vieillissant, j’ai réalisé que malgré la chance que j’avais, je n’étais pas complètement à l’abri des injustices basées sur le genre. Parfois, c’est subtil comme la phrase : « Derrière chaque grand homme se cache une femme »…
Mais pourquoi est-elle cachée la femme? Et pourquoi n’est-elle pas décrite comme étant grande elle aussi?
Au moins, j’ai la chance de pouvoir en parler, de pouvoir poser des questions, de pouvoir dire « si l’on se place de l’autre côté, ce n’est pas la femme qui est cachée derrière l’homme : c’est l’homme qui est derrière la femme ». C’est effectivement une chance de pouvoir changer de perspective, de pouvoir visualiser un monde où les injustices basées sur les genres n’existent pas, de pouvoir dire son opinion sans craindre quoi que ce soit pour sa sécurité.
Pour moi, ce sont ces questions et préoccupations qui ont motivé mon envie d’étudier en développement international. Je voulais être confronté à des réalités différentes de la mienne. Comprendre le feu qui habite les féministes d’ici, mais aussi d’ailleurs. Me poser des questions sur la lutte des droits de la Femme. J’ai grandi dans un environnement où ma chance m’a permis d’être naïve et de croire que cette lutte avait été menée il y a longtemps de cela et qu’aujourd’hui on pouvait coexister en étant tous égaux. J’éprouve une éternelle reconnaissance pour celles qui ont rendu ma vie facile, mais je reconnais aussi qu’il en reste tellement à faire.
Lors de mes études, j’ai été introduite au concept de l’empowerment. Cette notion visant à « promouvoir l’émancipation collective des populations marginalisées » (Sondarjee, 2018, p. 503) a motivé plusieurs de mes recherches sur les dynamiques entre les genres de l’autre côté du globe, dans ces pays que l’on étiquette comme étant « en développement ». Ce dont j’ai eu la chance d’être témoin lors de mon expérience de volontariat international à distance, c’est de la force rassembleuse que ce concept possède principalement lorsque les femmes se l’attribuent. En travaillant auprès de la Coalition Burkinabé pour les Droits de la Femme (CBDF), avec une quinzaine de membres actifs, j’ai remarqué que l’engagement du milieu sur la question des droits de la Femme est très vivant.
Les féministes sont fortes lorsqu’elles ne se font pas la compétition. Pour moi, c’était une inquiétude : ne pas avoir ma place au sein de l’écosystème de la CBDF. J’espérais pouvoir apporter de petites contributions à la vitalité d’une organisation pour les droits des femmes même si nos réalités étaient complètement différentes, même si ma lutte individuelle était différente de la leur. Il faut se rappeler que malgré la différence de nos luttes, nous puisons notre motivation et nos forces dans une volonté commune pour la reconnaissance des droits de la Femme et des personnes plus marginalisées.
« [L]es valeurs suprématistes masculines se traduisent également dans la méfiance, la peur et la concurrence qui opposent les femmes les unes aux autres » (Bell Hooks, 1986).
Le texte Sororité : la solidarité politique entre les femmes par la féministe Bell Hooks m’a beaucoup touché et plusieurs de ses énoncés sont gravés dans ma mémoire. Ce texte, premièrement paru en 1986, dénonce les contresens de la lutte féministe, mais explique aussi que ces embûches que rencontre la lutte féministe sont le résultat de la société patriarcale. Selon l’autrice, pour que la sororité existe, les féministes doivent « accepter de prendre la responsabilité de lutter contre les oppressions qui ne » sont pas directement dirigées contre elles (p. 21). Cette idée est un principe fondamental expliquant l’importance de l’aide au développement spécialement orienté sur la question d’empowerment féminin.
Même si je ne manque pas de tarte, je reconnais l’injustice et j’ai envie d’utiliser ma voix afin de revendiquer de la tarte pour ceux qui en ont moins.
Je remercie mille fois les femmes de la CBDF qui ont chaleureusement accueilli mes idées et moi afin de les aider pour une période de courte durée dans le cadre d’un mandat de volontariat à distance.
C’est en s’unissant qu’on devient fortes et qu’on va plus loin. Un pour tous, et tous pour... l’empowermentféminin.