Les sources de rayonnement incohérent (lampes, DEL) peuvent produire une lumière dont la luminance est suffisamment élevée pour que les utilisateurs s’interrogent sur les dangers qu’elles présentent pour les yeux ou la peau. Parfois, le danger est évident, comme dans le cas des lampes à arc au xénon, et parfois non, comme pour les diodes électroluminescentes (DEL).

Programme de sécurité d'ROI

On utilise de plus en plus les DEL dans les expériences photochimiques (anglais seulement), car elles sont de plus en plus brillantes et monochromatiques, ce qui permet de réduire le coût et la complexité de ces expériences. Certaines DEL ont des caractéristiques semblables à celles des diodes laser [CIPRNI 2000], mais les caractéristiques de leur rayonnement sont différentes. Les dangers associés à ce rayonnement doivent être analysés de façon distincte, car ils concernent une gamme de longueurs d’onde plus étendue.

Les lampes à arc au xénon (Xe) sont des simulateurs de rayonnement solaire à large spectre, qui couvrent de nombreuses longueurs d’onde dangereuses pour les yeux et la peau. L’éclairement énergétique de ces lampes s’exprime parfois en suns (1 sun = 1 kW/cm2) et certaines des sources les plus brillantes du campus atteignent 1 000 suns.

Pour établir un programme de sécurité du rayonnement optique incohérent, il faut tenir compte des effets photobiologiques et des limites d’exposition pour ces sources. Ces sujets sont traités dans les pages qui suivent, de même que quelques exemples.

Les effets biologiques signalés dans CIPRNI 2013 [1] sont résumés ici. Deux organes sont exposés aux dangers associés aux sources de lumière incohérente à haute intensité : les yeux et la peau. Étant donné que les yeux sont plus sensibles au rayonnement que la peau, les seuils sont plus restrictifs pour l’exposition oculaire.

Selon la Commission électronique internationale, la partie UV du spectre est subdivisée en trois bandes, les UVA, les UVB et les UVC, comme on peut le voir ici. Le spectre des infrarouges (IR) est également divisé :

IRA(780 nm – 1,4 µm)
IRB(1,4 µm – 3 µm)
IRC(3 µm – 1 mm)

L’un des défis posés par le rayonnement optique incohérent (ROI), c’est que cette lumière est polychromatique et qu’il faut tenir compte des dangers associés à différentes longueurs d’onde. Un autre problème vient du fait qu’il ne s’agit pas de sources « ponctuelles », comme dans le cas des lasers, et qu’il faut donc tenir compte de la taille de la zone exposée, pour les yeux aussi bien que pour la peau. À titre d’exemple, la figure suivante montre le spectre d’une lampe à arc au xénon de même que les dangers associés.

Spectre d’une lampe à arc au xénon montrant les dangers pour les yeux et la peau dans les régions spectrales concernées. Les bandes infrarouges pertinentes sont également indiquées.

Spectre d’une lampe à arc au xénon

Œil

Les seuils d’exposition oculaire sont basés sur l’apparition de lésions dans une structure donnée de l’œil après une exposition « aiguë » (moins d’une journée d’exposition).

Effets photochimiques sur la rétine (380 nm – 550 nm)

L’effet photochimique, ou danger associé à la lumière bleue, concerne la portion du spectre la plus dangereuse, car les dommages peuvent se produire à des niveaux semblables à ceux de la lumière naturelle [1,2]. Une surexposition à cette gamme de longueur d’ondes peut entraîner une maculopathie ou une brûlure par flash électrique, et mener au scotome. Les effets photochimiques dépendent du temps d’exposition et de l’intensité et on peut les catégoriser en deux types : le type I résulte d’une exposition à faible intensité et à long terme, et les dommages sont dus à une exposition constante; le type II résulte d’une exposition intense, à court terme.

La sensibilité de la rétine dans cette bande spectrale est donnée par la fonction de phototoxicité de la lumière bleue (figure ci-dessous).

Effet thermique sur la rétine (380 nm – 1,4 µm)

Les dommages causés par les effets thermiques sur la rétine se produisent lorsque le niveau d’exposition à la lumière est suffisant pour élever la température des tissus de la rétine, ce qui mène à la formation de lésions [2]. Les sources doivent être très brillantes pour causer ce type de blessure; il s’agit habituellement de lampes à arc au xénon ou de lasers. Dans la bande des UV et dans les bandes IRB et IRC, l’énergie lumineuse est surtout absorbée par la cornée, ce qui limite les dangers pour la rétine dans ces bandes spectrales.

Le danger dépend du diamètre de l’image rétinienne, puisque les dommages dépendent de la conduction thermique à partir de l’endroit exposé. La sensibilité de la rétine aux photons de cette bande spectrale est donnée par la fonction de phototoxicité (figure ci-dessous).

Danger dû aux effets thermiques sur la cornée (1,4 µm – 1 mm)

L’eau absorbe facilement le rayonnement de longueur d’onde supérieure à 1 400 nm [2], donc la lumière de cette bande spectrale interagit habituellement avec la cornée. Le principal danger de brûlure de la cornée dans cette bande spectrale résulte de l’absence de stimulus visuel, ce qui fait que la personne n’est pas consciente de la présence du rayonnement jusqu’à l’apparition de symptômes. L’exposition chronique du cristallin et de la cornée au rayonnement IR mène à l’apparition de cataractes.

Calculer l’exposition réelle

On peut facilement calculer l’exposition réelle des yeux à un danger thermique ou photochimique à l’aide de la fonction de phototoxicité ci-dessous. Soit la luminance spectrale d’une source Lλ (en W/cm2 sr nm); cette luminance spectrale est multipliée par l’une ou l’autre des fonctions de phototoxicité : il faut remplacer H(λ) par B(λ) pour le danger associé à la lumière bleue ou R(λ) pour le danger thermique pour la rétine, comme suit :

Calculation l’exposition réelle

Figure

Ocular hazard functions for the blue-light photochemical damage (labeled and in blue) and the thermal retinal damage (labeled and in red). These functions are applied against the spectral emission of the light source to determine the effective exposure of the eye.

Ocular hazard functions

Peau

Les limites d’exposition sont basées sur l’apparition d’un érythème induit par le rayonnement (rougeur de la peau) dans les 48 heures suivant l’exposition. Il faut habituellement une source pulsée très brillante pour causer des dommages à la peau.

Dommages thermiques (380 nm – 1 mm)

Le danger survient habituellement avec une source pulsée dont l’éclairement est très élevé. L’importance des dommages dépend du diamètre de la zone de peau exposée.

Photosensibilisation et réactions du système immunitaire (habituellement aux rayons UV)

Voir les sections portant sur les effets biologiques et la photosensibilité sur la page Web concernant les rayonnements UV

Références

  1. Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants, « Guidelines on limits of exposure to incoherent visible and infrared radiation », Health Phys. vol. 105, pp.74-96, 2013. [en anglais] En ligne: www.icnirp.org/cms/upload/publications/ICNIRPVisible_Infrared2013.pdf
  2. J. Wu, S. Seregard, P.V. Algvere, "Photochemical damage of the retina," Survey of Ophthalmologyvol.51, pp.461-481, (2006). doi: 10.1016/j.survophthal.2006.06.00