Grâce aux avancées en biotechnologie et en biologie moléculaire, il est possible de concevoir et de créer des enzymes en modifiant leur séquence d’acides aminés sous-jacente. Ce faisant, on peut leur conférer de nouvelles fonctions, qui ont des applications en alimentation, en médecine et en biotechnologie industrielle. À l’aide d’algorithmes de conception informatique, la doctorante Rojo Rakotoharisoa mène une quête pour comprendre le fonctionnement de ces protéines et développer des stratégies pour en concevoir de nouvelles hautement actives.
Si les enzymes artificielles conçues jusqu’à présent ont une activité catalytique considérable, il n’en va pas de même de leur efficacité catalytique, qui demeure très faible par rapport à celle des enzymes naturelles. Une difficulté des méthodes actuelles de conception réside dans leur capacité limitée à prévoir correctement l’orientation des résidus d’intérêt pour favoriser l’efficacité catalytique. Pour y remédier, Rojo Rakotoharisoa a utilisé un ensemble de protéines d’échafaudage afin d’échantillonner les configurations propices à la catalyse. Elle a ainsi pu prédire correctement l’orientation des résidus d’intérêt de l’enzyme conçue, et a récemment prouvé que cette approche permet de créer de nouvelles enzymes artificielles plus de 100 fois plus actives que leurs prédécesseures. C’est une innovation, car les enzymes artificielles précédentes avaient été conçues au moyen d’une seule structure de protéine, ce qui engendrait des artéfacts et des imprécisions. L’approche de l’étudiante ouvre la voie à la conception de biocatalyseurs hautement efficaces.
Comme les enzymes évoluent dans des conditions modérées, leur coût d’utilisation peut en être amoindri. Rojo Rakotoharisoa croit que la capacité de concevoir des enzymes pour toutes les réactions voulues a des avantages non seulement pour le secteur privé, mais aussi pour l’environnement, car ces protéines sont moins polluantes que leurs pendants chimiques. Elle a bon espoir que la conception d’enzymes hautement efficaces approfondira les connaissances de la communauté scientifique sur les protéines et leurs fonctions. Bientôt, il sera possible de modifier et de concevoir des enzymes aux multiples applications spécialisées : le traitement de maladies chroniques comme la phénylcétonurie, la création de détergents à lessive écoénergétiques, le captage de gaz à effet de serre, etc. La doctorante attribue son succès à son directeur de thèse, le professeur Roberto Chica, qui l’a accompagnée tout au long du projet.
La chercheuse aime le travail d’équipe et les interactions avec les gens. Elle s’intéresse particulièrement à l’organisation d’événements aux retombées positives dans le milieu scientifique, comme l’atelier en ligne sur l’équité, la diversité et l’inclusion qu’elle a aidé à organiser pour sensibiliser ses collègues des cycles supérieurs à la manifestation de ces enjeux en sciences. Elle est également agente de communications pour PROTEO, le réseau québécois de recherche sur la fonction, l’ingénierie et les applications des protéines, qui regroupe 48 équipes de recherche de 12 établissements travaillant sur tous les aspects des protéines.