C’est que l’océan stocke une grande quantité de carbone sous forme de matières organiques dissoutes (MOD) libres, plus petites que les bactéries et les virus. Grâce à leur datation par le carbone 14, on sait que certaines de ces matières s’y trouvent depuis plus de 10 000 ans. Cela soulève de nombreuses questions, étant donné que d’une part l’océan se mélange entièrement tous les 1 500 ans, et que d’autre part les MOD sont potentiellement une source majeure d’énergie pour les organismes marins. Cependant, la majorité des MOD ne sont pas biodisponibles, ce qui laisse perplexes les océanographes depuis 40 ans.
À la suite des récentes avancées technologiques dans le domaine de l'ultrafiltration des MOD de l'eau de mer, le professeur Walker a récemment collaboré avec des groupes de recherche de l'UC Santa Cruz et du Lawrence Livermore National Labs pour utiliser une nouvelle technique couplant l'ultrafiltration et l'extraction en phase solide afin de purifier de façon sélective les plus petites et les plus vieilles MOD de l’océan. Le prof. Walker et ses collaborateurs ont ensuite mesuré la signature des isotopes stables (δ13C) et du carbone 14 (Δ14C) ainsi que certaines propriétés de la composition de ces matières (rapport C/N et résonance magnétique nucléaire à l’état solide du carbone 13), et constaté que leur structure et leur composition chimiques sont plutôt homogènes dans tout l’océan. À l’aide de la datation par le carbone 14, ils ont confirmé qu’une partie d’entre elles sont éliminées par la respiration microbienne durant les 1 500 ans que dure le trajet de la couche d’eau profonde de l’Atlantique Nord au Pacifique Nord suivant la circulation océanique profonde.
Comme le réservoir océanique de MOD contient environ la même quantité de carbone que l’atmosphère (CO2), les MOD ont un effet tampon considérable sur le cycle du carbone terrestre. Ils atténuent ainsi les changements climatiques sur des échelles allant de quelques années à plusieurs millénaires. Malgré l’importance de ce réservoir pour le système climatique de la Terre, nous connaissions mal ses sources et son processus cyclique jusqu’à très récemment. Les travaux du professeur Walker orienteront la production des futurs modèles climatiques du système terrestre et nous aideront à comprendre et à prévoir les changements climatiques mondiaux à venir.
L’Université d’Ottawa héberge le seul spectromètre de masse par accélérateur au Canada, et a fourni avec une grande efficacité de précieux services aux chercheurs canadiens (comme Brett Walker), notamment la datation au carbone 14. Le laboratoire du professeur Walker élabore actuellement de nouvelles techniques pour déterminer l’âge des MOD avec la datation au carbone 14 et analyser leur cycle dans les écosystèmes en évolution rapide de l’Arctique canadien.
Pour en savoir plus :
- Low Molecular Weight Dissolved Organic Carbon: Aging, Compositional Changes, and Selective Utilization During Global Ocean Circulation(disponible en anglais seulement)
- A First Look at Elusive Deep-Ocean Carbon Molecules (disponible en anglais seulement)
- Site web du laboratoire Walker (disponible en anglais seulement)