En plus de comprendre deux ordres de gouvernement, les unités constituantes doivent être représentées dans les institutions fédérales. Historiquement, le Sénat est l’instance qui doit servir à représenter les régions ou les provinces. Ainsi, lors de sa création, en raison de leur taille et de leur composition linguistique, le Québec et l’Ontario, ont été considérées comme des régions à part entière, chacune étant représentée par 24 sénateurs. Pour leur part, les provinces de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de l’Île-du-Prince-Édouard constituent une troisième région, celle des Maritimes, également représentée par 24 sièges. Enfin, les quatre provinces de l’Ouest forment une quatrième région, elle aussi représentée par 24 sénateurs, c’est-à-dire six par province. La province de Terre-Neuve et les territoires nordiques sont représentés indépendamment du système de régions, soit six sénateurs pour Terre-Neuve et un sénateur pour chacun des trois territoires (Nunavut, Territoires du Nord-Ouest et Yukon) [1].
Le Sénat permet aussi aux minorités de langue officielle, en particulier les minorités francophones hors Québec, d’être représentées au sein des institutions politiques fédérales étant donné leur faible nombre à la Chambre des communes. À titre de renseignement, en 2015, lors de l’élection du nouveau gouvernement sous la direction de l’Honorable Justin Trudeau, 23 députés francophones hors Québec, soit 6,0 % du nombre total des députés, ont fait leur entrée à la Chambre des communes. Quant au Sénat, en 2015, il y a six sénateurs représentants les CFC, soit 6,6 % du total des sénateurs.
En ce qui a trait à la représentation des Premières nations au Sénat, en 2016 le premier ministre Trudeau nommait Murray Sinclair, l’ancien président de la Commission vérité et réconciliation. Entre 1867 et 2016, 15 membres des Premières nations ou d’une communauté métisse ont été nommés au Sénat. À la Chambre des communes, il y a cinq députés Inuit, Métis ou appartenant à une nation autochtone.
En plus de représenter les minorités de langue officielle ainsi que les peuples métis et les Premières nations, la Chambre des communes comme le Sénat ont chacun un comité sur les langues officielles soit le Comité permanent des langues officielles et le Comité sénatorial permanent des langues officielles. Dans ces comités, la question des langues officielles peut faire l’objet d’une réflexion plus soutenue, d’études et de projets de loi.
Pour conclure cette section, soulignons que le fédéralisme est caractérisé par des tensions inhérentes à son fonctionnement. Il a un effet centrifuge ou centralisateur, souvent favorable au gouvernement fédéral, en raison du principe de prépondérance fédérale. Le fédéralisme canadien a aussi une dimension centripète, car il sert à diffuser le pouvoir en conformité avec les frontières existantes entre les ordres de gouvernement. Le fédéralisme laisse ainsi aux provinces la capacité de s’autogouverner incluant dans le domaine de la langue. Les provinces doivent aussi pouvoir être représentées au sein des institutions fédérales comme le Sénat.
Enfin, le fédéralisme guide l’intervention étatique dans le domaine de la langue en raison du partage des compétences. D’une part, la langue est une compétence partagée au Canada et une compétence de nature ancillaire ou accessoire. D’autre part, les différents ordres de gouvernement au pays peuvent légiférer dans une ou plusieurs langues. Ils peuvent aussi légiférer sur les langues dans leur domaine de compétence en plus d’adopter des politiques linguistiques distinctes d’un ordre à un autre, d’une province à l’autre. Ces dimensions donnent une couleur particulière au régime linguistique canadien comme nous le verrons dans la prochaine section.
[1] Ces données sont tirées de Linda Cardinal et Sébastien Grammond, Une tradition et un droit : La représentation politique des minorités francophones au Sénat, Ottawa, Les Presses de l’Université d’Ottawa, 2017.