La guerre de l'Indépendance américaine fut un conflit armé qui dura huit longues années, de 1775 à 1783. Ce fut également une guerre civile entre sujets britanniques et Américains, ainsi qu'une rébellion contre les autorités coloniales et une insurrection contre le roi d'Angleterre (George III) et le régime monarchique.

Révolution américaine (1775-1783)

Ce fut enfin une guerre de « libération nationale », la première de l'histoire moderne. Elle entraîna, dans le seul camp américain, quelque 25 700 morts, ce qui la place au deuxième rang des guerres menées par les États-Unis (après la guerre civile de 1812).

En Amérique du Nord britannique, la Révolution américaine et l'Indépendance eurent de graves conséquences. La Révolution américaine expliquera l'Acte de Québeclien externede 1774 et l'Acte constitutionnellien externede 1791. Quant à l'Indépendance, elle entraînera non seulement une modification des frontières canado-américaines qui furent considérablement réduites, mais la composition démographique du Canada changera radicalement en raison de l'arrivée de dizaines de milliers de loyalistes américains. De plus, ces bouleversements entraîneront la création d'une autre « province » ou colonie britannique, le Nouveau-Brunswick, et la séparation de la province de Québec en deux colonies distinctes : le Haut-Canada (l'Ontario) à l'ouest et le Bas-Canada à l'est (le Québec). L'Amérique du Nord britannique passa ainsi de trois colonies (Québec, Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve) à cinq (avec le Nouveau-Brunswick et le Haut-Canada).

a picture of an eagle and an ameican flag

Au moment de la promulgation de l'Acte de Québec (1774), la population de la province de Québec atteignait les 70 000 habitants, alors que celle de la Nouvelle-Écosse en comptait environ 12 000. Pour sa part, la Nouvelle-Angleterre abritait une population d'environ 2,5 millions d'habitants. Cependant, la Grande-Bretagne pouvait aligner une force militaire impressionnante, supérieure à celle des colonies de la Nouvelle-Angleterre, et bénéficiait au surplus de la plus forte marine du monde. Les Britanniques pouvaient compter sur une armée de 30 000 soldats de métier (disciplinés, expérimentés, bien armés et bien payés) et les meilleurs généraux d'Europe, sans oublier 700 navires de guerre, 2 000 navires de commerce pour le transport des troupes et des munitions, ainsi que sur 150 000 marins. Bref, une force redoutable! Dès 1775, en réponse aux initiatives du Congrès continental et des insurgés, George III ordonna à 25 000 soldats additionnels de partir pour l'Amérique.

Du côté des insurgés américains, rien n'était gagné d'avance dans la mesure où ils ne disposaient que de 18 000 à 20 000 hommes inexpérimentés, ne possédaient pas de marine de guerre et ne bénéficiaient que d'un petit nombre de généraux bien formés. Pourtant, ce sont les États-Unis qui gagnèrent la guerre, en enlisant les militaires britanniques jusqu'à l'usure. En 1787, l'union fédérale des États-Unis voyait le jour, alors que les colonies américaines acceptaient de renoncer à une grande partie de leur autonomie locale pour fondre treize colonies indépendances en une seule, ce qui donna naissance à un État central puissant — les États-Unis d'Amérique — pouvant tenir tête à la Grande-Bretagne.

Invasion américaine dans la « province de Québec »

Dès le début de la guerre de l'Indépendance, George Washington crut porter un coup mortel à la Grande-Bretagne en s'emparant de Montréal et de Québec parce que ces deux villes constituaient les bastions britanniques les plus redoutables en Amérique du Nord. Le général américain dépêcha deux armées (commandées par le général Richard Montgomery et le colonel Benedict Arnold) vers le nord afin d'investir la ville de Québec et de conquérir ainsi le Canada, plus précisément la « province de Québec ». C'était aussi pour les insurgés (Insurgents) américains une façon de rallier les Canadiens par la force à leur lutte pour l'indépendance. D'ailleurs, George Washington s'attendait à ce que les Canadiens se rallient à eux et transforment l'invasion en « guerre de libération ».

Guy Carleton and George Washington

De son côté, le gouverneur de la province de Québec, Guy Carleton, qui ne disposait que de 1 600 hommes — 357 soldats de l'armée régulière, 450 marins, 543 miliciens canadiens et 300 miliciens anglophones de la garnison — pour défendre la colonie, savait qu'il ne pouvait vaincre les insurgés américains, supérieurs en nombre (près de 8 000 hommes au départ, divisés en deux armées), qu'avec le secours de la population canadienne. Il espérait que sa politique de conciliation allait porter fruit, mais seuls le clergé (avec en tête l'évêque catholique de Québec, Mgr Jean-Olivier Briand) et la noblesse canadienne (les seigneurs) répondirent avec empressement à l'appel des autorités britanniques, la population dans son ensemble y étant restée plutôt indifférente parce qu'elle voyait dans cette guerre une sorte de « bataille entre Anglais ». Néanmoins, certains Canadiens aidèrent les troupes américaines (les Fils de la libertéou Sons of Liberty), alors que d'autres appuyèrent les Britanniques (les Tuniques rouges ou Red Tunics).

Les troupes américaines s'emparèrent de Montréal en 1775, mais ils échouèrent quand ils tentèrent de prendre la ville de Québec; les troupes américaines se retirèrent rapidement, avant d'être poursuivies et battues au lac Champlain (à Valcour Island). Néanmoins, les rebelles américains restèrent dans la « province de Québec » jusqu'à l'arrivée d'une flotte britannique, le 6 mai 1776. De leur côté, les Américains furent extrêmement surpris d'apprendre que leurs armées avaient été défaites. Des rumeurs circulèrent aux États-Unis, qui laissaient entendre que l'armée américaine aurait utilisé des méthodes répressives, ce qui avait eu pour effet de faire pencher les Canadiens en faveur des Britanniques, au lieu de rester neutres. En fait, les Américains avaient fait preuve d'amateurisme, parce qu'ils étaient mal équipés et avaient perdu près de la moitié de leurs hommes avant même d'arriver à Québec.

En avril 1776, dans l'espoir de convaincre les Canadiens de se joindre à eux, les Américains envoyèrent à Montréal une délégation, dont Benjamin Frankland faisait partie. La délégation fut vite convaincue que la cause américaine était perdue au Canada. Les Américains comprirent qu'il en coûterait probablement moins cher d'acheter le Canada que de le conquérir par les armes. À part quelques escarmouches autour de Montréal, l'invasion américaine n'eut pas de suite immédiate au Canada, bien qu'elle se soit poursuivie aux États-Unis jusqu'en 1783, soit six ans après la Déclaration d'indépendance de Thomas Jefferson (4 juillet 1776) au Congrès. Entre les mois de septembre 1774 et janvier 1775, quelque 700 miliciens canadiens avaient participé à la défense de la ville de Québec. Les Canadiens de langue française démontraient ainsi qu'il leur était possible d'être à la fois catholiques et francophones tout en demeurant loyal envers la Couronne anglaise, ce qui, à cette époque, semblait impensable en Grande-Bretagne. Cela dit, si les Américains avaient réussi leur conquête de la « province of Québec », le Canada ferait vraisemblablement partie aujourd'hui des États-Unis.

En juin 1776, la Grande-Bretagne envoya une force additionnelle composée de 10 000 hommes, dont 4 800 mercenaires allemands, afin de rétablir et maintenir l'ordre dans sa colonie. Parmi ces mercenaires allemands, environ 1 400 s'établiront dans la « province de Québec » à la fin des hostilités et la plupart d'entre eux s'assimileront en épousant des francophones.

Traité de Versailles (1783) et le retraçage des frontières canado-américaines

Après deux ans de délais et de tergiversations, la Grande-Bretagne et les futurs États-Unis d'Amérique signèrent, le 3 septembre 1783, le traité de Versailles, impliquant également la France, l'Espagne et les Pays-Bas, ce qui mettait officiellement fin à la guerre de l'Indépendance américaine. La Grande-Bretagne reconnaissait la souveraineté des États-Unis constitués par ses 13 anciennes colonies. Cependant, comme les frontières canado-américaines étaientmal définies, elles seront plus tard contestées. L'Union des Treize Colonies demeura très fragile et il faudra encore quatre années pour mettre au point une constitution et créer une véritable fédération. Quant au premier président de la nouvelle république, Georges Washington, il ne prit ses fonctions qu'en 1789 (l'année de la Révolution française).

Selon les termes du traité de Versailles, les États-Unis obtenaient :

  • l'indépendance sous le nom d'« États-Unis d'Amérique »;
  • l'expansion de leur territoire vers l'ouest jusqu'au Mississippi et l'absorption des « Territoires indiens »;
  • la fixation des frontières avec le Canada et la division des Grands Lacs en deux, sauf le lac Michigan qui revenait entièrement aux Américains;
  • l'obtention de droits de pêche sur les bancs de Terre-Neuve et au large de la Nouvelle-Écosse.

De son côté, la Grande-Bretagne obtenait :

  • la reconnaissance des dettes contractées avant, pendant et après le conflit (remboursables en livres sterling);
  • l'amnistie des loyalistes et la liberté pour eux de s'installer dans les autres colonies britanniques (Québec, Nouvelle-Écosse, Bermudes, Antilles britanniques, etc.).

Au point de vue territorial, le traité de Versailles traçait de nouvelles frontières entre les colonies britanniques au nord et les États-Unis au sud. Les États-Unis ont vu leur territoire doublé, alors que celui de la « province de Québec » a été réduit du tiers.

La colonie de Québec voyait sa frontière sud-ouest passer désormais au milieu des Grands Lacs, sauf pour le lac Michigan devenu américain. Plus au sud, la Grande-Bretagne perdait la Floride qui devenait espagnole. Il restait encore de nombreux points de litiges frontaliers à subsister, notamment en Nouvelle-Écosse sur le territoire de l'actuel Nouveau-Brunswick. Les nouvelles frontières qui régissaient la « province de Québec » faisaient en sorte que les Canadiens qui habitaient la région au sud des Grands Lacs devenaient du jour au lendemain des citoyens américains. La quasi-totalité des habitants était d'abord des Amérindiens, puis des Métis francisés et ensuite des Blancs francophones. Ils deviendront tous anglophones au cours des décennies suivantes. 

province of Quebec in 1774 and 1783
©Jacques Leclerc 2018

Arrivée des loyalistes au Canada

Avec l'indépendance américaine, la Grande-Bretagne perdait d'un coup 2,5 millions de ses sujets. Elle récupérait plus de 100 000 loyalistes qui quittèrent les colonies anglaises devenues les États-Unis, car il n'y avait plus de place pour eux. Ces loyalistes se réfugièrent en Grande-Bretagne et dans les autres colonies britanniques, dont, dès 1783, plus de 40 000 partirent en exil pour la « province de Québec » (env. 8000) et la Nouvelle-Écosse (35 600). Comme la population de la « province de Québec » et de la Nouvelle-Écosse réunies atteignait les 166 000, dont 113 000 au Québec, on imagine jusqu'à quel point les loyalistes modifièrent profondément la composition démographique de l'Amérique du Nord britannique, surtout dans la colonie de la Nouvelle-Écosse, et, par voie de conséquence, changèrent les langues en usage. Sauf quelques rares exceptions (comme les huguenots français), tous les loyalistes parlaient l'anglais avant leur arrivée au Canada.

Loyalists Landing in Canada

Tant dans la province de Québec que dans la colonie de la Nouvelle-Écosse, les autorités accordèrent aux nouveaux réfugiés des terres d'une étendue de 200 à 1 200 âcres par famille, des instruments aratoires, des vêtements et de la nourriture durant deux années. En plus de l'aide aux familles réfugiées, une ordonnance du gouvernement de la « province de Québec » (9 novembre 1789) prévoira aussi à l'établissement des enfants des loyalistes :

Le Conseil, étant de l'avis de Sa Seigneurie, ordonne en conséquence que le Bureau des terres prenne des mesures pour la conservation d'un Registre des noms de toutes les personnes tombant sous l'appellation précitée (Loyalists), à cette fin que leurs descendants puissent être distingués des colons à venir, dans les Registres des paroisses, et sur les Rôles de la milice dans leurs districts respectifs, et de toute autre manière dans les documents publics de la Province, comme étant dignes, à cause de la persévérance, de la fidélité et de la conduite si honorable de leurs ancêtres, de bénéficier d'avantages et de privilèges distincts. Il est encore ordonné que le Bureau des terres, en ces cas, pourvoie non seulement à récompenser les fils de ces loyalistes à leur âge de majorité, mais aussi leurs filles, à cet âge ou à l'occasion de leur mariage, en leur accordant à chacune un lot de terre de 200 âcres, plus ou moins.

Loyalists Landing in the British Colonies

La plupart des loyalistes s'établirent en Nouvelle-Écosse (qui incluait avant 1784 le territoire du Nouveau-Brunswick actuel et l'île du Cap-Breton), ce qui représentait 80,4 % du total des réfugiés. Les loyalistes furent attirés d'abord par le potentiel économique de la colonie néo-écossaise, puis par le droit britannique et la langue anglaise. Dans la province de Québec, seuls 18 % y trouvèrent refuge. La Couronne a réinstallé certains loyalistes à Terre-Neuve, mais la plupart ont reçu des terres en Nouvelle-Écosse et aujourd'hui en Ontario.

ColonieNombre des loyalistesPourcentage
Nouvelle-Écosse21,00048.1%
Nouveau-Brunswick14,00032.1%
Cap-Breton (île du Cap-Breton)1000.2%
Île Saint-Jean (Île-du-Prince-Édouard)5001.1%
Québec (vallée du Saint-Laurent)2,0004.5%
Québec (« pays d'en haut » ou Ontario)6,00013.7%
Total Loyalists43,600100%

La Nouvelle-Écosse vit sa population doubler d'un seul coup, alors que la province de Québec accueillait pour la première fois un bon contingent d'anglophones. Les nouveaux réfugiés allaient changer à jamais les structures politiques de ce qui deviendra le Canada moderne. 

Rappelons que les loyalistes américains qui se réfugièrent au Canada s'établirent en Nouvelle-Écosse dans une proportion de 80,4 %, car les lois et la langue étaient anglaises. À cette époque, la Nouvelle-Écosse comprenait également l'actuel territoire du Nouveau-Brunswick (la Nouvelle-Écosse continentale) et l'île du Cap-Breton, mais pas l'île Saint-Jean (ou St John Island, qui deviendra plus tard l'Île-du-Prince-Édouard), laquelle constituait une colonie distincte depuis 1769. Avant l'arrivée des loyalistes (35 000), la population d'origine britannique comptait environ 12 000 habitants. Dès 1783, d'après les lettres du lieutenant-gouverneur John Parr (1725-1791), d'origine irlandaise, la population de la colonie de la Nouvelle-Écosse grimpa aussitôt à 20 000.

Parmi les nouveaux arrivants, il y avait quelque 3 500 loyalistes noirs : des anciens esclaves dont certains venaient d'être affranchis ou appartenaient à des Blancs plus fortunés ou à des soldats libérés. Les loyalistes noirs de la Nouvelle-Écosse s'établirent à Annapolis Royal, dans les environs de Cornwallis/Horton, ainsi qu'à Weymouth, Digby, Windsor, Preston, Sydney, Parrsboro, Halifax, Shelburne, Birchtown, etc. Certains ont abouti au Nouveau-Brunswick, notamment à Saint John et sur les rives du fleuve Saint-Jean. On estime que peut-être 5 000 Noirs auraient quitté New York pour la Nouvelle-Écosse, le Québec, les Antilles, l'Allemagne ou la Belgique. En janvier 1792, quelque 1 300 loyalistes noirs quittèrent Halifax à bord de 15 navires et prirent la mer pour la Sierra Leone. Ce groupe représentait un peu moins du tiers des loyalistes noirs qui étaient arrivés en Nouvelle-Écosse en 1783.

De façon générale, les réfugiés loyalistes ne fraternisèrent pas beaucoup avec les Néo-Écossais qui avaient conservé beaucoup d'influences celtiques (langues, traditions, musique, culture, etc.). Les loyalistes préférèrent vivre à l'écart des habitants déjà établis tout en s'offusquant du monopole que ceux-ci exerçaient dans les emplois administratifs. La majorité des loyalistes (environ 12 000) s'installa au nord de la baie de Fundy, à l'embouchure du fleuve Saint-Jean et 1 500 autres choisirent la baie des Chaleurs. De plus, les réfugiés n'étaient pas convaincus de la loyauté des colons néo-écossais qui s'étaient montrés neutres durant la guerre. Ils commencèrent donc à réclamer du gouvernement britannique la séparation des établissements loyalistes dans la région du fleuve Saint-Jean (Nouvelle-Écosse continentale) de ceux situés dans la partie insulaire, qui relevaient du gouvernement d'Halifax. En 1784, la Nouvelle-Écosse comptait 32 000 habitants considérés comme anglophones (anglais, écossais, allemands, américains), incluant l'île du Cap-Breton; à ce nombre il faut ajouter les Acadiens de langue française dont la population était d'environ 10 000. 

Mécontents du gouvernement colonial de Halifax, les loyalistes réussirent à influencer le gouvernement britannique qui accepta, en 1784, de diviser la Nouvelle-Écosse et de créer trois colonies distinctes : la Nouvelle-Écosse (capitale : Halifax), le Nouveau-Brunswick (capitale : Saint John) et l'Île du Cap-Breton (capitale : Sydney).

Quant à l'Île Saint-Jean (St John Island), elle était déjà une colonie distincte de la Nouvelle-Écosse depuis 1769. Dans toute cette opération, le gouvernement britannique n'avait évidemment guère favorisé les Acadiens qui se trouvèrent partagés ainsi en quatre colonies autonomes.

Maritimes 1784

Création du Haut-Canada et du Bas-Canada (1791)

En plus de la création de deux nouvelles colonies, le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Cap-Breton, l'afflux des loyalistes en Amérique du Nord britannique provoqua la création d'une troisième colonie en 1791 : le Haut-Canada, issu de la séparation de la province de Québec en deux colonies distinctes. C'est l'Acte constitutionnel lien externe(on dirait aujourd'hui Loi constitutionnelle) de 1791, qui officialisa la création des deux colonies : le Haut-Canada à l'ouest (ou Upper Canada) et le Bas-Canada à l'est (Lower Canada).

Le gouvernement britannique n'avait pas eu d'autre choix, pour obtenir la fidélité des loyalistes établis au Québec, que de diviser la province. Il faut dire aussi que les anglophones de l'Ouest et les francophones de l'Est commençaient à être à couteaux tirés.

map of Upper and Lower Canada

Dans l'espoir de mettre fin aux luttes entre francophones et anglophones, le secrétaire d'État aux colonies (le Colonial Office), Lord William Grenville, avait présenté au Parlement britannique un projet de loi qui divisait la « Province of Quebec » d'après un clivage ethnique en créant deux colonies distinctes: le Haut-Canada à l'ouest (ou Upper Canada) et le Bas-Canada à l'est (Lower Canada). De cette façon, le gouvernement britannique contentaitapparemment tout le monde. D'une part, il ralliait les Canadiens français à sa cause, car la menace d'une guerre avec les États-Unis demeurait toujours présente (elle éclatera en 1812). D'autre part, le gouvernement créait une enclave réservée aux loyalistes afin que les fidèles sujets de Sa Majesté, massivement anglicans et anglophones, ne puissent plus souffrir des revendications de la majorité française et catholique. Enfin, la création de la nouvelle colonie à l'ouest du Québec fermait toute possibilité d'expansion des francophones vers le «pays d'en haut», dorénavant appelé le Haut-Canada.

La colonie anglaise du Haut-Canada et les Cantons-de-l'Est du Bas-Canada devaient être régis par le droit coutumier anglais et une assemblée parlementaire. La province francophone, pour sa part, devait conserver la forme de gouvernement décrétée par l'Acte de Québec. C'est le gouvernement britannique qui avait décidé, contre la volonté du gouverneur Carleton (devenu lord Dorchester), de diviser ainsi la province de Québec, car il avait estimé que c'était le meilleur moyen de satisfaire les intérêts à la fois des loyalistes et des Canadiens français. La « Province of Quebec » avait cessé d'exister pour faire place au Bas-Canada.

Les sept colonies de l'Amérique du Nord britannique (le Bas-Canada, le Haut-Canada, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve, l'Île-Saint-Jean et l'Île-du-Cap-Breton) comptaient à la toute fin  du 18e siècle quelque 390 000 habitants, à l'exclusion des autochtones. Outre les 200 000 descendants des colons français de la vallée du Saint-Laurent (devenue le Bas-Canada), on dénombrait 140 000 Britanniques, dont 70 000 dans les Maritimes, 25 000 dans chacun des Canadas et environ 20 000 à Terre-Neuve. Dans l'Ouest, une région encore peu connue, on pouvait probablement compter quelque 40 000 personnes. Il reste maintenant à voir comment les habitants du Bas-Canada et du Haut-Canada vécurent les débuts difficiles de la dualité linguistique.