On affirme souvent que la Belgique est un État bilingue; c'est plutôt un État fédéral trilingue, car le français, le néerlandais et l'allemand sont les trois langues officielles de l'État fédéral.

Droits territoriaux en Belgique (sous le régime des Communautés et des Régions)

Site web de référence: http://www.axl.cefan.ulaval.ca/europe/belgiqueacc.htm

On affirme souvent que la Belgique est un État bilingue; c'est plutôt un État fédéral trilingue, car le français, le néerlandais et l'allemand sont les trois langues officielles de l'État fédéral.

Comme le Canada, le gouvernement fédéral est bilingue ou trilingue, mais les composantes  fédérées ne le sont pas nécessairement. Les structures politiques du Canada et de la Belgique diffèrent totalement. Il est vrai que la Belgique est constituée de 10 provinces (Anvers, Brabant flamand, Flandre occidentale, Flandre orientale, Limbourg, Brabant wallon, Hainaut, Liège, Luxembourg et Namur), ais les provinces belges ne ressemblent en rien aux provinces canadiennes. Par comparaison, les provinces belges correspondent à des entités administratives relevant des Régions, alors que les provinces canadiennes ont le rang d'État, avec leur parlement, leur fonction publique, leur organisation judiciaire, etc.

En fait, la Belgique et le Canada sont deux fédérations basées sur des réalités politiques différentes : le Canada forme une fédération de 10 provinces (et de trois territoires), alors que la Belgique constitue une fédération de trois Communautés et de trois Régions. La Belgique est donc un État fédéral à la fois communautaire et régional, ce que n'est pas le Canada.

Cela dit, le Canada et la Belgique sont deux États fédéraux bilingues (sinon trilingue pour la Belgique). De plus, les deux États ont tenté de trouver des solutions qui leur conviennent afin de réglementer l'usage de leurs langues officielles sur leur territoire.

Belgique

Langues en Belgique

Langues regionales en Belgique
Cartes des régions linguistiques en Belgique. De gauche à droite : région francophone, région néerlandophone, région germanophone, région bilingue

En Belgique, on compte trois communautés linguistiques reconnues par la Constitution : les Flamands qui parlent le néerlandais, les francophones (incluant les Wallons) parlant le français et les germanophones parlant l'allemand. Les néerlandophones regroupent en principe 55,7 % de la population, les francophones 31,7 %, les germanophones 0,3 % et les allophones 12,2 %.

Précisons que les néerlandophones parlent massivement le néerlandais (en néerlandais : Nederlands), une langue germanique comme l'anglais, sans oublier les dialectes tels que le flamand (appelé Vlaams), le brabançon (appelé Brabants) et le limbourgeois(appelé Limburgs), tous issus du néerlandais. Presque tous les Flamands utilisent le dialecte à la maison ou avec des amis, le néerlandais (la langue de culture) étant réservé pour les communications plus formelles. L'usage du dialecte et du néerlandais n'est pas accidentel, mais réglé par un certain nombre de conventions non écrites relevant de la tradition et de la culture flamande. Bref, les dialectes néerlandais en Flandre sont restés bien vivants, alors qu'aux Pays-Bas ils sont en voie de régression, sauf peut-être pour le limbourgeois et le saxon. Le terme flamand (fr.) ou Vlaams (néerl.) désigne le dialecte, non la langue néerlandaise (Nederlands). Pour cette raison, les Flamands rejettent le terme Vlaams pour désigner le néerlandais. Les différences entre le néerlandais parlé en Flandre et celui parlé aux Pays-Bas sont relativement minimes (mais néanmoins perceptibles dans la prononciation et le vocabulaire). On trouve des Flamands en Flandre et à Bruxelles, ceux de la Wallonie n'étant pas comptabilisés.

Les habitants francophones de la Wallonie parlent généralement le français comme langue maternelle, mais dans la province du Hainaut certains parlent aussi le picard ou le wallon, ce dernier, probablement parlé entre 15 % à 30 % des Wallons, est encore utilisé dans les provinces de Luxembourg, de Namur et de Liège, mais aussi à l'est du Hainaut et dans toute la province du Brabant wallon. On parle aussi le rouchi (dialecte picard) à l'ouest de la province de Hainaut; le champenois, dans quelques communes de Namur et de Luxembourg; le gaumais (ou dialecte lorrain), au sud de la province de Luxembourg. À l'instar du français, tous ces idiomes (que les linguistes appellent des « langues ») sont issus du latin. Aujourd'hui, il n'y a plus personne qui parle uniquement ces « langues », l'emploi de la langue locale étant obligatoire à la maison ou entre amis, le français, dans les communications formelles. Les francophones habitent la Wallonie et la région de Bruxelles-Capitale.

Les germanophones forment le troisième groupe linguistique en Belgique, dans la région située dans la province de Liège (à l'est). En plus de l'allemand standard, les germanophones parlent différents dialectes franciques mosellans et bas-franciques. Toutefois, ces dialectes sont en régression constante et ils se transmettent de moins en moins d'une génération à l'autre, voire plus du tout dans certains cas; cela signifie qu'ils sont en voie d'extinction.

De plus, la Belgique est un pays doté de quatre régions linguistiques : la région de langue française (au sud), la région de langue néerlandaise (au nord), la région de langue allemande (à l'est) et la région bilingue de Bruxelles (au centre).

Au Canada, les provinces ne sont pas délimitées par la loi en « région linguistique » comme en Belgique. Tout au plus, on y trouve des « municipalités bilingues » dont le statut linguistique est précisé soit par une loi provinciale soit par un règlement municipal.

Une fédération de trois Régions

La Belgique fédérale est constituée de trois régions : la Région wallonne, la Région flamande et la Région de Bruxelles-Capitale. Ces régions peuvent être associées respectivement à la Wallonie (au sud), à la Flandre(au nord) et à l'agglomération de Bruxelles (enclavée dans la Flandre).

En général, les compétences des Régions sont essentiellement des compétences liées à l'économie et les affaires qui en découlent, ainsi que des compétences concernant l'aménagement du territoire. Les compétences énumérées sont les suivantes : l'aménagement du territoire et l'urbanisme, la protection de l'environnement, la rénovation rurale et la conservation de la nature, le logement, la politique de l'eau, l'énergie (distribution du gaz et de l'électricité), la politique agricole, l'emploi, les travaux publics et le transport en commun (sauf le train), la politique économique (sauf les compétences de l'État central). Depuis 2001, de nouvelles compétences ont fait leur apparition : le commerce extérieur, la tutelle ainsi que le financement et l'organisation des provinces et des communes, et enfin l'aide aux pays en développement.

Par voie de conséquence, les compétences des Régions ne s'étendent pas au domaine de la langue, ce qui explique que la Région de Bruxelles-Capitale ne peut adopter de décrets à caractère linguistique, lesquels relèvent des compétences communautaires. Rappelons qu'il n'existe pas de Région germanophone, car celle-ci est incluse dans la Région wallonne (de langue française).

carte de Belgique

Une fédération de trois Communautés

les communautés en Belgique

La Belgique est aussi une fédération formée de trois Communautés : la Communauté flamande, la Communauté française et la Communauté germanophone. Chacune des communautés dispose d'un Parlement communautaire et d'un Exécutif (ou gouvernement communautaire) dirigé par un ministre-président. Ce sont ces trois communautés qui ont compétence dans le domaine de la langue, une juridiction qu'elles partagent avec le Parlement fédéral.

L'article 129 de la Constitution belge (qui précise l'article 30) est clair et impose deux limites. D'une part, les Communautés ne peuvent réglementer l'emploi de la langue que dans les domaines de l'administration, de l'enseignement et du secteur privé. D'autre part, les Communautés ne sont compétentes que dans leur région linguistique, leurs institutions unilingues de Bruxelles et, dans le cas de la Communauté flamande, de ses « Maisons flamandes » à l'étranger (une sorte d'ambassade). La juridiction de la Communauté germanophone est encore plus limitée : elle concerne uniquement l'emploi de la langue dans le domaine de l'enseignement. Autrement dit, le trilinguisme n'est pas égalitaire en Belgique, mais le bilinguisme franco-néerlandais l'est!

C'est le Parlement fédéral qui adopte les lois concernant l'administration et le secteur privé, mais ce sont les Communautés qui les appliquent. On voit que cette situation diffère totalement de celle du Canada, car le Parlement fédéral canadien ne pourrait intervenir dans les législations provinciales, sauf par le moyen de la Constitution (mais, encore là, il faut l'accord des provinces!). De toute façon, le concept de « communauté linguistique » n'a aucune valeur juridique au Canada, les champs équivalant aux compétences des Régions et des Communautés relevant des provinces au Canada, alors qu'en Belgique ils sont redevables à deux juridictions : celle des Régions et celle des Communautés.

Le champ de juridiction territoriale de la Communauté française ne s'applique qu'aux institutions unilingues francophones et à l'administration de ces institutions dans la mesure où celles-ci sont situées en Wallonie (la Région wallonne sans la région linguistique allemande) et dans la Région bilingue de Bruxelles-Capitale. La Communauté flamande, pour sa part, est compétente pour les institutions unilingues néerlandaises situées dans la Région flamande (Flandre) et dans la Région bruxelloise. Enfin, la base territoriale de la Communauté germanophone correspond à la région linguistique allemande, laquelle est située dans la Région wallonne. La Communauté germanophone ne dispose pas d'un Conseil régional et ne peut adopter de décret linguistique que depuis 1997, et ce, uniquement dans le domaine de l'enseignement; les domaines reliés à l'administration et au secteur privé continuent de relever du gouvernement fédéral pour ce qui concerne la région linguistique allemande.

À strictement parler, l'emploi de la langue du citoyen n'est pas réglementé en Belgique. Cependant, lorsque celui-ci fait appel aux institutions d'une région linguistique donnée, il ne pourra le faire que dans la langue de la Communauté dont ces institutions dépendent. Par exemple, dans les régions linguistiques unilingues, il n'existe pas de choix, car les institutions ne fonctionnent que dans une langue. À Bruxelles, le citoyen a le choix : il peut choisir, par exemple, le français ou le néerlandais comme « langue administrative » et/ou comme « langue de l'éducation ».

Les Communautés disposent de six grands domaines de compétences : l'emploi des langues (conformément aux lois fédérales), les matières culturelles, l'enseignement, la coopération (intercommunautaire et internationale), la recherche scientifique, les finances, les matières « personnalisables » (santé, famille, aide sociale, handicapés, jeunesse). En ce qui concerne la langue, les Communautés peuvent adopter des lois qui sont appelées décrets, mais qui doivent se conformer aux dispositions prévues dans les lois fédérales.

Les représentants des Communautés sont aussi présents chaque fois qu'une question les concerne, que ce soit à la Francophonie (pour la Communauté française) ou à l'Union de la langue néerlandaise (la Nederlandse Taalunie, une organisation intergouvernementale créée par la Flandre et les Pays-Bas), à l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), à l'Union européenne (UE), à l'Organisation mondiale du commerce, etc. Ces représentants ne siègent pas à l'Organisation des Nations Unies, mais ce n'est pas impensable. Au Canada, les provinces ont tout le loisir d'agir dans le domaine linguistique, mais pas lorsqu'il s'agit des relations internationales puisque ce domaine relève des compétences fédérales.

Autorité fédérale belge

La Belgique fédérale ne fonctionne pas du tout comme le Canada fédéral. Elle applique un unilinguisme territorial en Wallonie, en Flandre et dans la région linguistique allemande, mais un bilinguisme franco-néerlandais dans la Région bruxelloise. Plus précisément, l'Administration fédérale installée hors de Bruxelles demeure unilingue : elle ne fonctionne qu'en français en Wallonie ou qu'en néerlandais en Flandre, ce qui est différent au Canada dans la mesure où le bilinguisme fédéral est, en principe, partout bilingue, pas en Belgique (ou seulement Bruxelles-Capitale). Cet aspect des pratiques fédérales belges semble peu courant au Canada.

Mais la fonction publique de l'État belge établie à Bruxelles (appelée Bruxelles-Capitale) doit être bilingue et offrir des services en deux langues (français-néerlandais). Conformément à l'article 19 de la Loi sur l'emploi des langues en matière administrative (du 18 juillet 1966, réglementant tout le système linguistique et administratif du pays), tout service local de Bruxelles-Capitale emploie, dans ses rapports avec les particuliers, la langue que l'intéressé utilise quand celle-ci est le français ou le néerlandais. Tous les documents de l'Administration fédérale sont rédigés dans les trois langues officielles et ils doivent être rigoureusement identiques. Par exemple, l'avis d'impôt envoyé aux habitants francophones de la Wallonie sera identique en contenu et en typographie que le même document envoyé à un citoyen néerlandophone de Bruxelles ou à un germanophone de la ville d'Eupen. Évidemment, la seule différence sera la langue dans laquelle le document est rédigé. Il n'y a pas de documents bilingues en Belgique. Même dans l'agglomération bruxelloise, tous les documents sont unilingues, mais disponibles soit en français soit en néerlandais, selon la demande du citoyen. Il s'agit là d'une pratique assez familière pour un certain nombre de Canadiens vivant en « zone bilingue » (p. ex., Montréal, Ottawa, Winnipeg, Moncton, etc.)

L'Administration fédérale est conçue en réseaux linguistiques parallèles. Les lois et règlements précisent que 40 % des fonctionnaires sont unilingues néerlandophones, 40 % unilingues francophones et 20 % bilingues, mais également répartis entre Flamands et Wallons. Le réseau francophone et le réseau néerlandophone ne travaillent que dans leur langue; pour communiquer d'un réseau à l'autre, le fonctionnaire francophone ou néerlandophone doit passer par le réseau des fonctionnaires bilingues. Les ministères de la Justice, le ministère de l'Intérieur et le ministère de la Défense sont scindés en deux; l'un est francophone, l'autre, néerlandophone.

Unilinguisme des Communautés et des Régions

Toute l'Administration régionale et communautaire ne fonctionne que dans une langue, le français pour la Communauté française et la Région wallonne, le néerlandais pour les autorités flamandes, l'allemand pour la Communauté germanophone. C'est donc la règle de l'unilinguisme qui prévaut. Bien que la pratique de l'unilinguisme administratif soit courante au Canada, particulièrement là où les minorités de langue officielle sont en nombre peu élevé, le gouvernement fédéral s'efforcera d'accorder certains services dans la langue minoritaire, alors que les provinces auront l'obligation constitutionnelle de satisfaire aux droits scolaires en vertu de l'article 23 de la Charte des droits et libertés. Ce n'est pas le cas en Belgique si le citoyen réside en Flandre ou en Wallonie : aucun service dans une autre langue que celle de la Communauté.

Ce régime de l'unilinguisme s'applique pour le gouvernement communautaire, le gouvernement régional et le gouvernement fédéral (en dehors de Bruxelles-Capitale).  En réalité, deux gouvernements demeurent bilingues : le gouvernement fédéral pour la Région de Bruxelles-Capitale et le gouvernement de la Région bruxelloise. Le gouvernement de chacune des trois Communautés est unilingue (français, néerlandais ou allemand), celui de la Région wallonne est francophone (même dans la région linguistique allemande), celui de la Région flamande est néerlandophone. Pour rendre les choses plus complexes, rappelons que les gouvernements de la Communauté flamande et de la Région flamande ont fusionné.

Comme dans tout autre pays, le système belge comporte des lacunes. Il revient presque à interdire aux membres des deux grandes communautés linguistiques l'usage de leur langue dans l'autre moitié du pays. C'est un système qu'on n'a pas voulu au Canada, car on a toujours privilégié la formule des droits personnels plutôt que celle des droits territoriaux.  L'avantage des droits territoriaux, c'est qu'ils sont extrêmement sécurisants pour un groupe minoritaire qui devient, dans ces conditions, majoritaire. Néanmoins, ils ont pour effet d'exclure toute minorité sur un territoire reconnu comme appartenant à un groupe linguistique donné. Si la séparation territoriale des langues garantit une « paix linguistique » dans un territoire particulier, elle entraîne forcément l'assimilation pour les individus qui ne parlent pas la même langue.

Malgré les imperfections du modèle belge, notamment dans ce qu'on appelle les « communes à facilités » (les communes où l'on permet certains services municipaux dans l'autre langue) et la région bilingue de Bruxelles-Capitale, l'établissement des trois Communautés et des trois Régions constitue une réussite du genre. Les institutions instaurées par les réformes constitutionnelles successives accordent une réelle autonomie de décision dont bénéficient les principaux groupes linguistiques de ce pays. Il s'agit de communautés linguistiques souveraines dont on trouve peu d'exemples dans le monde. Les gouvernements communautaires demeurent seuls compétents dans les matières linguistiques et culturelles, l'État central ayant renoncé à exercer toute intervention que ce soit dans ces matières. Peu de groupes linguistiques bénéficient de telles prérogatives dans un pays.

Il n'en demeure pas moins que la « paix linguistique » est fragile en Belgique, notamment à Bruxelles où se côtoient francophones majoritaires et néerlandophones minoritaires. Par comparaison, les problèmes linguistiques canadiens semblent bien mineurs.