La nature du bilinguisme canadien
Si les États interviennent dans la vie des langues, c'est ordinairement pour solutionner ou prévenir des conflits entre des groupes linguistiques, généralement entre une majorité et une ou plusieurs minorités. La question des minorités est d'ailleurs une question épineuse pour presque tous les gouvernements, le Canada ne faisant pas exception. Idéalement, un État aimerait bien éviter que des groupes, en raison de leur culture et de leur langue particulières, maintiennent une façon de penser différente de celle de la majorité. Parce que ce n'est pas toujours possible, les gouvernements s'efforcent d'éviter les différences excessives et les oppositions en adoptant une politique qui réduira les dissidences ou, encore mieux, les préviendra. C'est ce que le Canada a voulu faire.
L'éventail des moyens demeure très large. Parmi les mesures perçues aujourd'hui comme inacceptables, on peut choisir le génocide, une pratique qui n'est pas encore disparue, la répression ou l'assimilation, mais la plupart des États modernes ont trouvé des formules plus respectueuses des droits de leurs citoyens. On peut, par exemple, accorder des droits scolaires à des minorités, ou consentir une égalité juridique aux communautés linguistiques, laquelle peut se transformer en bilinguisme institutionnel ou dans la séparation territoriale des langues, ou encore faire bénéficier à un ou plusieurs groupes minoritaires d'une autonomie régionale, ce qui signifie aussi des structures politiques adéquates.
Dans les faits, les interventions politiques en matière de langue s'inspirent rarement de motifs purement linguistiques; elles se rapportent le plus souvent à des projets de société formulés en fonction d'objectifs d'ordre culturel, économique et politique. Dans ce contexte, il n'est pas surprenant que la question de l'aménagement linguistique se présente souvent comme un « problème », puisqu'il s'agit de trancher dans les situations linguistiques au moyen d'un appareil juridique parfois complexe, c'est-à-dire, la Constitution, les lois, les règlements, les directives, les contrôles, etc.). C'est l'une des raisons pour lesquelles toute intervention sur la langue apparaît souvent comme une question soulevant des conflits.
De façon générale, l'aménagement linguistique tend à porter sur la langue majoritaire ou une langue de prestige au plan international, mais l'intervention peut aussi porter sur une langue minoritaire, parfois deux ou davantage encore. Dans certains cas, l'État décidera de faire porter l'aménagement à la fois sur la langue majoritaire et la langue minoritaire la plus importante. Normalement, ce sont, ce qu'on appelle selon les pays, les « langues des peuples fondateurs », les « langues des minorités nationales », les « langues des nationalités », etc., que l'on aura tendance à protéger de préférence aux langues immigrantes, il est extrêmement rare que celles-ci fassent l'objet d'une projection juridique.
Rappelons ce propos d'un ancien juge en chef de la Cour suprême du Canada, Brian Dickson (1990) au sujet de l'affaire Mahé :
Mon allusion à la culture est importante, car elle est de fait que toute garantie générale de droits linguistiques, surtout dans le domaine de l'éducation, est indissociable d'une préoccupation à l'égard de la culture véhiculée par la langue en question. Une langue est plus qu'un simple moyen de communication; elle fait partie intégrante de l'identité et de la culture du peuple qui la parle. C'est le moyen par lequel les individus se comprennent eux-mêmes et comprennent le milieu dans lequel ils vivent.
Placer les intérêts linguistiques sous la protection de l'État semble ainsi constituer un moyen pour la société d'exprimer son engagement en faveur de l'intégrité des cultures et du respect de la dignité des individus.
L'aménagement linguistique peut porter sur l'un de ces deux aspects ou sur les deux à la fois : le code (la langue) ou le statut de la langue (son rôle social). Lorsqu'on agit sur le code, on intervient sur la langue elle-même : par exemple, sur l'alphabet(imposition de l'alphabet cyrillique en Russie, de l'alphabet latin en Turquie, de l'alphabet dévanagari en Inde), l'orthographe (modernisation de l'orthographe en Espagne et en Norvège), la prononciation et la grammaire (en Norvège, en Indonésie et en Grèce), ou le vocabulaire (presque tous les pays) par la création de commissions de terminologie.
Lorsqu'on veut agir sur le statut, on met l'accent sur le rôle des langues dans la société ou sur les rapports de puissance, de pression et d'attraction entre des langues différentes. Il est possible alors d'accorder un statut à une langue qui n'en a aucun, de retirer son statut à une langue qui en possède déjà, de rehausser ou réduire le statut d'une langue, de consentir l'égalité juridique à deux ou trois langues, voire d'inverser le statut de deux langues. On comprendra que ces types de changement peuvent soulever des controverses, surtout lorsqu'on supprime ou réduit des droits.
Dans un bon nombre de pays, l'aménagement portera à la fois sur le code et le statut. L'expérience de nombreux pays montre bien que les langues ne sont pas de simples instruments de communication et qu'il est utopique de croire que l'État puisse intervenir uniquement sur le code sans tenir compte des pressions d'ordre social et idéologique reliées à la langue. Mais il est tout aussi utopique d'intervenir uniquement sur le statut d'une langue si celle-ci ne dispose pas de tous les outils nécessaires. Par exemple, une langue qui n'a jamais été valorisée par la société ne dispose généralement pas d'un lexique suffisamment élaboré pour faire face à de nouveaux besoins. C'est pourquoi, dans tout aménagement linguistique, l'État doit déterminer le dosage de l'intervention entre le code et le statut.
La gamme des statuts est relativement considérable. Lorsqu'on parle du statut d'une langue, on pense aussitôt au caractère officiel de celle-ci parce qu'il s'agit d'un statut privilégié, idéal, s'il ne demeure pas symbolique.
D'après l'article 16 de la Charte des droits et libertés (1982), le français et l'anglais sont les langues officielles du Canada (fédéral); elles ont un statut, des droits et des privilèges égaux. C'est à partir de cette déclaration constitutionnelle que le gouvernement canadien a développé toute sa politique d'égalité des langues. Celle-ci est fondée sur la base des droits individuels, le droit à la langue étant un droit strictement personnel, un peu comme le droit de vote. L'égalité des langues est basée sur l'égalité des individus devant la loi. Peu importe où ils résident sur le territoire, les Canadiens d'expression anglaise ou française ont, en principe, les mêmes droits en regard du gouvernement fédéral. Pour les citoyens francophones du pays, qu'ils habitent le Québec ou ailleurs, ils y exercent leurs droits sur un pied d'égalité avec la majorité anglophone. Cependant, il faut comprendre que cette égalité juridique ne vaut que pour le gouvernement fédéral et ses organismes, pas nécessairement pour les provinces, d'autant plus que seule la province du Nouveau-Brunswick a choisi d'adopter une politique de bilinguisme similaire.
La conception fédérale des droits linguistiques promeut une vision symétrique des langues officielles, vision selon laquelle les francophones et les anglophones sont considérés comme des groupes égaux. Cette conception des droits linguistiques distingue, d'une part, des Canadiens d'expression française, concentrés au Québec mais présents dans le reste du Canada et, d'autre part, des Canadiens d'expression anglaise, concentrés dans le reste du pays mais aussi présents au Québec. Il s'agit d'un dualisme qui sous-entend que le Canada compte deux « majorités » au sein desquelles on compte des minorités qu'il est nécessaire de protéger. L'application de ce principe consiste à prendre des moyens pour protéger surtout les minorités francophones des provinces anglaises ainsi que la minorité anglophone du Québec. Les majorités provinciales ont le loisir de se servir de leurs pouvoirs pour se protéger elles-mêmes.
Évidemment, il existe un effet pervers de cette politique, mais les avantages semblent compenser pour les inconvénients. Le grand avantage est de protéger de façon minimale et uniforme les minorités linguistiques de langue officielle dans chacune des provinces. Ce choix implique qu'il est difficile pour une province de s'en tenir à la non-intervention ou à l'assimilation forcée, la Constitution étant là pour éviter cette dérive. L'inconvénient est qu'au point de vue juridique il n'existe pas de minorité canadienne, mais seulement des minorités linguistiques provinciales (selon la Cour suprême du Canada) sur lesquelles le gouvernement fédéral n'exerce aucune juridiction, si ce n'est par la Constitution canadienne. Autrement dit, il peut arriver que des minorités francophones puissent être mieux protégées par le gouvernement le plus éloigné du citoyen, c'est-à-dire le gouvernement fédéral, que par leur propre gouvernement provincial. Au fur et à mesure que l'on se rapproche de l'administration locale, par exemple le gouvernement provincial ou l'administration municipale, les mesures de protection peuvent s'amenuiser. En Ontario, par exemple, la province protège mieux sa minorité francophone que ne le font bien des municipalités. En raison de la structure fédérative du Canada, le gouvernement fédéral ne peut s'introduire dans les politiques provinciales, fussent-elles linguistiques. Forcément, certaines minorités peuvent être mieux protégées dans certaines provinces que dans d'autres, autonomie provinciale oblige!
Un autre inconvénient consiste à considérer les francophones du Québec comme une majorité linguistique, alors qu’ils forment une minorité à l’échelle nationale. Or, une majorité n’a généralement pas besoin de protection. Pourtant, les Québécois francophones ne comptent que pour 2 % en Amérique du Nord, ce qui correspond indéniablement à une minorité. Dans l’état actuel de la situation, le gouvernement fédéral canadien doit privilégier la minorité anglophone du Québec. On se trouve avec deux statuts ambigus : les francophones du Québec sont à la fois une majorité et une minorité, de même que les anglophones du Québec parce qu’ils font partie de la majorité anglo-canadienne.
Un dernier inconvénient, mais il relève moins de la protection linguistique que de la politique elle-même, c'est qu'en raison du partage des compétences, les politiques linguistiques fédérale et provinciales peuvent présenter un éventail disparate et non harmonisé. Chacune des provinces est libre de pratiquer sa propre politique linguistique, sauf en ce qui concerne les prescriptions constitutionnelles de l'article 23 de la Charte des droits et libertés. Les droits collectifs en matière scolaire accordés en vertu de la Constitution canadienne sont les seuls droits harmonisés dans tout le pays. L'expérience des nombreuses négociations constitutionnelles avortées, les innombrables contestations judiciaires des lois linguistiques au Canada (Québec, Alberta, Saskatchewan, etc.) et la judiciarisation des droits linguistiques témoignent de la difficulté des Canadiens à trouver un équilibre entre l'unité et la diversité dans un pays aussi vaste. Néanmoins, le Canada a réussi à atteindre une certaine « paix linguistique » enviable, ce qui n'est guère le cas de certains autres pays.
En matière de langue, les droits sont d'ordre individuel ou collectif, mais ils peuvent être aussi territoriaux ou mixtes. Les droits individuels ou personnels sont accordés à des personnes, indépendamment de l'endroit où elles résident sur le territoire national. Cela signifie que ces droits sont transportables lorsqu'on change de lieu de résidence. Les droits personnels s'opposent en principe aux droits collectifs et aux droits territoriaux, mais pas nécessairement. Le Canada fédéral, comme bien d'autres pays, a choisi la formule des droits personnels.
Quant à la notion de droits collectifs, elle varie selon les États et les territoires. Les droits collectifs s'appliquent aux individus en tant que membres d'un groupe; ces droits peuvent s'étendre sur tout le territoire ou sur une partie de celui-ci. Au Canada, les droits collectifs demeurent encore peu fréquents. Le seul domaine où des droits collectifs en matière de langue s'appliquent à l'échelle nationale est celui concernant les droits scolaires (en vertu de l'article 23 de la Charte des droits et libertés). La Constitution canadienne établit le fondement juridique des droits collectifs des minorités francophones (toutes les provinces, sauf le Québec) et anglophone (Québec). D'autres droits ont été reconnus officiellement au Nouveau-Brunswick pour les deux grandes communautés anglaise et française. Au Québec, la Charte de la langue française accorde des droits collectifs aux francophones de la province sous la forme de « droits linguistiques fondamentaux ». En Ontario, la Cour d'appel de la province a reconnu, dans son jugement du 7 décembre 2001 sur l'hôpital Montfort, que les francophones bénéficiaient de « droits communautaires » (collectifs) et que les autorités devaient tenir compte des besoins particuliers de la minorité franco-ontarienne.
Devant la loi, les autochtones ont les mêmes droits que les autres Canadiens, mais en vertu de leur statut d'autochtone ils peuvent revendiquer des droits collectifs (non linguistiques) particuliers, ce qui soulève une question relativement complexe. Ainsi, les peuples autochtones ont un statut distinct qui est protégé par la Constitution, même s'il n'est pas fait référence à la langue. En général, les droits collectifs n'existent que dans la mesure où ils sont reconnus juridiquement, mais une fois admis ils consolident les droits individuels en aménageant leur exercice à un niveau supérieur d'efficacité. Toutefois, pour que les droits collectifs se transposent dans la réalité, il faut que ceux-ci soient également accordés à des institutions (gouvernement, organisme linguistique, etc.) qui ont autorité sur les individus reconnus par ces institutions. Dès lors, en tant que membres d'une collectivité, des individus peuvent faire valoir leurs droits et disposer de recours judiciaires et exiger des mesures de protection de la part des pouvoirs publics.
On parlera de droits territoriaux si les droits sont protégés par des frontières linguistiques. Lorsqu'on trace des frontières linguistiques, on peut rendre celles-ci étanches ou perméables. Les frontières sont étanches quand aucun groupe ne peut les franchir (comme en Suisse); elles sont perméables quand le groupe majoritaire peut transporter sa langue à l'intérieur de la zone minoritaire (comme les Espagnols en Catalogne). Au Canada, seul le Québec s'approche un peu de cette formule en voulant protéger le français tout en permettant aux Anglo-Canadiens des autres provinces qui s'établissent au Québec de bénéficier de leurs droits scolaires. Par tradition, le Canada n'a jamais favorisé les politiques territoriales, bien qu'on ait déjà tenté dans le passé d'introduire la notion de « districts bilingues ». Les droits peuvent être mixtes lorsqu'on tente de les appliquer à la fois dans des territoires délimités et de façon personnelle; c'est le cas de la Finlande.
Pour que les droits, quels qu'ils soient, se transposent dans la réalité, il faut les enchâsser dans un texte juridique qui les officialisera. Les droits peuvent être constitutionnalisés, c'est-à-dire inscrits dans la loi fondamentale du pays (la Constitution), c'est ce qu'ont privilégié le Canada fédéral et la province du Nouveau-Brunswick. La constitutionnalisation des droits revêt un caractère plus solennel et plus permanent (que les lois), dans la mesure où la Constitution d'un pays... ne vole pas en éclats à tout moment (ce qui n'est guère le cas au Canada). Généralement, on se contente d'inscrire dans la Constitution des principes généraux, quitte à préciser dans une loi les mesures particulières de protection. Non seulement le Canada fédéral a adopté une législation, mais également le Nouveau-Brunswick, le Québec et l'Ontario, l'Île-du-Prince-Édouard et la Nouvelle-Écosse. Un gouvernement peut aussi se donner toute latitude et préciser dans un règlement, un décret ou une circulaire administrative l'application d'une loi donnée. Il est possible de décider que les grands principaux généraux ne feront l'objet d'aucun document juridique autre que la Constitution et laisser à l'Administration le choix des moyens utilisés pour assurer une certaine protection linguistique. Mais la tendance actuelle est à la législation, non à la non-intervention.
Généralement, on se contente d'inscrire dans la Constitution des principes généraux, quitte à préciser dans une loi les mesures particulières de protection. Non seulement le Canada fédéral a adopté une législation, mais également le Nouveau-Brunswick, le Québec et l'Ontario, l'Île-du-Prince-Édouard et la Nouvelle-Écosse. Un gouvernement peut aussi se donner toute latitude et préciser dans un règlement, un décret ou une circulaire administrative l'application d'une loi donnée. Il est possible de décider que les grands principaux généraux ne feront l'objet d'aucun document juridique autre que la Constitution et laisser à l'Administration le choix des moyens utilisés pour assurer une certaine protection linguistique. Mais la tendance actuelle est à la législation, non à la non-intervention.
La planification linguistique peut entraîner parfois des modifications structurelles et conduire à l'émission de règles constitutionnelles qui transforment l'organisation politique même de l'État. Il arrive que l'ampleur et le degré de précision des dispositions constitutionnelles soient tels que la Constitution devient elle-même l'instrument de la planification linguistique. L'acceptation du pluralisme linguistique a amené l'Inde, par exemple, à établir un système fédéral complexe, et la Belgique, à adopter une formule d'autonomie régionale et d'autonomie communautaire dont on voit peu d'exemples dans le monde.
La protection linguistique touche les structures politiques lorsque, par exemple, on accorde à des groupes linguistiques l'égalité numérique au Parlement ou dans la composition du gouvernement; lorsqu'on accepte le principe de la double majorité selon lequel le groupe majoritaire ne peut décider seul de certaines questions sans l'accord majoritaire de la minorité; lorsqu'on crée des États fédéralisés, des régions dotées d'une autonomie politique, souveraine ou non. Le Canada fédéral ne se rend pas aussi loin, car il fonctionne avec une majorité parlementaire simple qui n’est pas reliée à un groupe linguistique. En Belgique, le Parlement fédéral doit obtenir la majorité des voix néarlandophones et des voix francophones pour modifier des droits linguistiques.
S'il s'agit d'États fédéralisés ou disposant d'une large autonomie, il faut prévoir la composition de deux ou plusieurs parlements, Exécutifs, fonctions publiques, etc. Transposer l'égalité linguistique dans les faits peut amener une transformation en profondeur de l'organisation structurelle de l'État. Le Canada n'a pas eu à transformer ses structures politiques, mais l'organisation du pays en « province » a eu pour effet d'accorder une autonomie politique à la minorité francophone du Québec érigée en majorité provinciale. Présentement, outre le Québec, le Nouveau-Brunswick et le Nunavut peuvent bénéficier des avantages d'une autonomie provinciale (ou territoriale) en matière de langue.
Les exemples de réussite de cet ordre ne pullulent pas, mais la Finlande (la province d'Åland), le Danemark (îles Féroé et le Groenland), la Belgique (gouvernements communautaires et gouvernements régionaux), la Suisse (souveraineté cantonale), l'Espagne (communautés autonomes), les États de l'Inde et le Canada-Québec, sinon le Canada-Nouveau-Brunswick, constituent certainement parmi les exemples les plus souvent cités dans le monde.
On a souvent, dans un passé relativement récent, comparé le Canada à la Belgique et à la Suisse parce qu'il s'agissait de deux fédérations, comme le Canada. Cependant, la Belgique et la Suisse sont deux fédérations qui ne ressemblent en rien au Canada, du moins en ce qui a trait à la protection linguistique. Contrairement au Canada, la Belgique et la Suisse pratiquent avant tout un unilinguisme territorial à l'égard de leurs concitoyens, alors que le Canada a privilégié un bilinguisme institutionnel fondé sur les droits personnels. Cela dit, certaines comparaisons sont possibles entre les trois pays. La territorialité linguistique dérive du principe que les langues en concurrence dans un État multilingue sont séparées sur le territoire à l'aide de frontières linguistiques hermétiques. Les droits linguistiques sont alors accordés aux citoyens résidant à l'intérieur d'un territoire donné et un changement de lieu de résidence peut leur faire perdre tous leurs droits (linguistiques), lesquels ne sont pas transportables comme l'est, par exemple, le droit de vote. Dans les faits, l'État central peut être officiellement bilingue, mais il applique un unilinguisme local. L'État central pratique une telle politique lorsque les communautés linguistiques sont très concentrées géographiquement et bénéficient d'une structure étatique décentralisée, plus ou moins fédéralisée, dans laquelle l'État central est bilingue, alors que l'État régional peut être unilingue. Quelques exemples : la Belgique, la Suisse, le Cameroun, la Bosnie-Herzégovine, l'Afrique du Sud, etc.
Dans les sections qui suivent nous présentons différents modèles du bilinguisme.