Le statut le plus prestigieux consiste assurément pour un idiome donné d'être proclamé langue officielle parce que cette décision engage l'État à utiliser cette langue dans toutes ses activités. Parmi les milliers de langues, soit ente 6000 et 7000, une centaine seulement jouissent du statut de langue officielle d'un ou de plusieurs États, qu'elles soient autochtones (qu'on appelle endogènes) ou importées par un régime impérial passé (qu'on appelle exogènes). De plus, un pays n'ayant qu'une seule langue officielle peut avoir néanmoins de nombreuses langues parlées sur son territoire, mais cela signifie que seule la langue officielle sera utilisée par l'État.
On peut aussi accorder à deux langues le statut de co-officialité, voire à trois ou quatre, l'État s'engageant alors à toutes les utiliser. Le caractère co-officiel des langues se présente sous deux aspects: l'égalité du statut et l'aménagement du territoire. Il faut comprendre que l'État puisse rendre deux langues officielles assorties d'une égalité juridique ou non; le résultat diffère lorsqu'une langue est « plus officielle » que l'autre, ce qui lui permettra, dans les faits, d'établir une certaine prédominance. Quant à la question territoriale, elle offre trois possibilités:
- rendre les deux langues (ou plus) co-officielles sur tout le territoire national (formule des droits personnels);
- séparer les langues sur le territoire au moyen de l'unilinguisme (formule de la territorialité);
- rendre une seule langue officielle partout et imposer le bilinguisme sur une base régionale (formule mixte).
Une politique d'unilinguisme peut s'appliquer sur une base locale. On parle alors d'unilinguisme territorial: p. ex., les cantons suisses, les communautés française, flamande et germanophone de Belgique, la Bosnie-Herzégovine. Dans tous les cas, le gouvernement central pratique une politique de bilinguisme (trilinguisme ou quadrilinguisme).
En guise de comparaison, le Canada fédéral correspond à la première possibilité (a), la Suisse à la seconde (b), l'Espagne à la troisième (c). Au Canada, seule la province du Nouveau-Brunswick a décidé de recourir au bilinguisme officiel. Ce statut de co-officialité confère aux citoyens, en principe du moins, le choix d'utiliser l'une ou l'autre des langues officielles dans leurs rapports avec l'État. Les politiques de multilinguisme officiel reconnaissent par la Constitution ou par la loi l'égalité de deux ou plusieurs langues; il s'agit toujours d'une égalité juridique, non pas d'une égalité réelle qui se transposerait nécessairement dans les faits. Ce statut confère aux citoyens le choix d'employer l'une ou l'autre des langues officielles dans leurs rapports avec l'État. Ce choix de la langue employée constitue normalement un droit pour les individus, une obligation pour l'État.
Précisons que ce type de multilinguisme institutionnel est pratiqué par seulement 20 % des États souverains dans le monde, soit une quarantaine d'États; les autres pratiquent un unilinguisme officiel (80 % des États).
Les États multilingues pratiquant un multilinguisme fondé sur les droits personnels (non territorialisés):
- - Afrique du Sud (fédéral)
- Biélorussie
- Botswana
- Burundi
- Canada (fédéral)
- Centrafrique
- Djibouti
- Guam
- Irlande
- Kenya
- Kirghizistan
- Kiribati
- Lesotho
- Malte
- Marshall (îles)
- Nauru
- Niue
- Norvège
- Nouvelle-Zélande
- Rwanda
- Samoa occidentales
- Swaziland
- Tanzanie
- Tchad
- Tokelau (îles)
- Tonga
- Tuvalu
Les États multiilingues pratiquant un multilinguisme fondé sur les droits personnels territorialisés: Finlande, Fédération des États de Micronésie, Nicaragua.
Les États multilingues pratiquant un multilinguisme fondé sur les droits territoriaux: Belgique, Suisse et Cameroun.
Précisons enfin que les États non souverains (les provinces canadiennes, les Communautés linguistique de Belgique, les cantons suisses, les États de l'Union indienne, les États de l'Afrique du Sud, les Communautés autonomes d'Espagne, les territoires du Danemark, les républiques, kraïs, oblasts et districts autonomes de la fédération de Russie, etc.), dans la mesure où ils disposent, à des degrés variables, de compétences législatives, exécutives et judiciaires (souvent), ont généralement la même langue officielle que leur État central respectif, mais ils peuvent dans de nombreux cas choisir une ou plusieurs autres langues supplémentaires.