Au Parlement cantonal, les trois langues sont permises, mais l'allemand y est nettement prépondérant avec plus de 80 % des interventions. La langue allemande et surtout le suisse allemand sont les langues des débats parlementaires, les interventions en italien et en romanche demeurant rarissimes. Les procès-verbaux des délibérations ne sont tenus qu'en langue allemande. En principe, les lois sont rédigées en allemand, puis traduites en italien et parfois en romanche (pour les lois les plus importantes).
En général, l'Administration cantonale fonctionne en allemand, de même que les tribunaux. Néanmoins, l'Administration cantonale répond aux requêtes dans la langue utilisée par le requérant dans la mesure où il s'agit d'une des trois langues officielles du canton. Il existe des écoles allemandes, des écoles italiennes et des écoles romanches. L'enseignement d'une langue seconde est obligatoire : c'est l'italien (ou le français) dans les écoles allemandes, l'allemand dans les écoles italiennes et romanches. Ce sont les communes qui décident de la langue d'enseignement. Les germanophones résidant dans les communes romanches suivent leurs cours en allemand, mais ils sont néanmoins soumis à un apprentissage du romanche comme langue seconde, alors que les Romanches doivent passer à un apprentissage progressif de l'allemand langue seconde.
En pratiquant la séparation territoriale des langues, la Confédération suisse a su préserver les différentes communautés linguistiques et éviter les conflits linguistiques. La Suisse demeure l'un des rares pays où il est possible d'appliquer l'unilinguisme territorial parce que les langues nationales ne sont pas réparties sur l'ensemble du territoire. On constate qu'une telle solution serait plus délicate à appliquer au Canada dans la mesure où les langues officielles, dans de nombreux cas, sont dispersées sur l'ensemble du territoire.
Le modèle canadien permet une certaine protection pour les petites minorités de langue officielle, alors que le modèle suisse les exclut du système. Rappelons que le romanche en Suisse ne jouit pas tout à fait du même statut que les autres langues. C'est pourquoi le gouvernement fédéral a dû intervenir pour remédier à la situation, car l'interventionnisme fédéral en matière linguistique demeure un cas très rare en Suisse. Le sort du romanche était particulièrement visé du fait qu'il semblait délaissé par ceux-là qui devraient s'en préoccuper le plus, les autorités cantonales des Grisons.
Malgré les inévitables ratés du modèle suisse, il est clair que la coexistence pacifique de plusieurs groupes linguistiques au sein d'un même État constitue l'une des réussites du pays. Les grands succès du genre sont rares. Mais il y a un prix à payer à la pax helvetica, c'est celui d'être gouverné par une majorité allemande, par des hommes politiques, des chefs d'entreprise, des fonctionnaires qui pensent et ordonnent en suisse alémanique, tous préoccupés à gérer leur prospérité économique.