Les agents pathogènes transmis par les tiques, qui causent des affections comme la maladie de Lyme, sont de plus en plus nombreux dans le centre du Canada, posant ainsi de nouveaux risques dans des zones où ils n’avaient jamais été détectés auparavant.
Selon une équipe de recherche de l’Université McGill et de l’Université d’Ottawa, il faut effectuer un dépistage et une surveillance plus généralisés pour détecter la propagation de ces agents pathogènes et cerner les risques qu’ils présentent pour la population et la faune au Canada.
« La plupart des gens savent que des maladies peuvent se transmettre aux humains par une morsure de tique infectée. Les tiques peuvent être porteuses de plusieurs agents infectieux, aussi appelés agents pathogènes. Elles les transmettent ensuite à un hôte chez qui ils provoquent des maladies », explique Kirsten Crandall, doctorante sous la direction de Virginie Millien, professeure à l’Université McGill, et de Jeremy Kerr, professeur à l’Université d’Ottawa.
« La bactérie qui cause la maladie de Lyme est l’agent pathogène le plus souvent transmis par les tiques au Canada, mais nous devons surveiller d’autres agents pathogènes qui font leur apparition », ajoute-t-elle.
« Si l’on ne sait pas quels agents pathogènes sont présents, on ne peut pas donner aux Canadiennes et Canadiens l’information dont elles et ils ont besoin pour se protéger. »
Jeremy Kerr
— Professeur et titulaire d’une chaire de recherche au Département de biologie, Faculté de science
Pour étudier la présence et la prévalence de plusieurs de ces agents pathogènes émergents, Kirsten Crandall et son équipe ont analysé de petits mammifères et des tiques capturés en Ontario et au Québec. L’équipe a découvert que cinq agents pathogènes émergents étaient présents sur les sites de leur recherche dans le centre du Canada, y compris les agents pathogènes causant la maladie de Lyme et la babésiose, une maladie parasitaire semblable à la malaria.
L’équipe a également détecté deux agents pathogènes, Babesia odocoilei et Rickettsia rickettsii, à l’extérieur de leur zone géographique connue au Québec. On sait que ces agents pathogènes provoquent la babésiose et la fièvre pourprée des montagnes Rocheuses. « Cette situation pourrait avoir une incidence sur le risque de maladie pour les humains et les animaux dans certaines zones densément peuplées du Canada », indique la doctorante.
De multiples moyens de transmission
Habituellement, les agents pathogènes sont transmis par une tique qui s’est nourrie du sang d’un hôte infecté, comme un petit mammifère. Toutefois, l’équipe de recherche a constaté que des agents pathogènes pouvaient se transmettre d’autres façons. Babesia odocoilei et Rickettsia rickettsii peuvent passer directement d’une tique femelle adulte à une larve de tique. En outre, de petits mammifères comme les souris peuvent transmettre le parasite Hepatozoon après avoir ingéré une araignée, une tique ou un insecte infecté.
« Il est difficile d’évaluer la propagation de certains agents pathogènes émergents et réémergents transmis par les tiques, parce que bon nombre d’entre eux ne sont pas signalés aux autorités de santé publique du pays, explique Kirsten Crandall. Au Canada, seulement deux agents pathogènes transmis par les tiques figurent sur la liste des maladies à déclaration obligatoire à l’échelle nationale : la maladie de Lyme (Borrelia burgdorferi) et la tularémie (Francisella tularensis). On y constate toutefois une hausse des cas de maladies comme l’anaplasmose et la babésiose chez l’humain. »
Détecter la propagation et cerner les risques
Selon l’équipe de recherche, la propagation d’agents pathogènes émergents transmis par les tiques augmente de façon constante au Canada en raison des changements climatiques, de la fragmentation des habitats et des modifications de la taille des populations de tiques et de leurs hôtes.
« Si l’on ne sait pas quels agents pathogènes sont présents, on ne peut pas donner aux Canadiennes et Canadiens l’information dont elles et ils ont besoin pour se protéger. La COVID a détourné les ressources de santé publique des défis comme celui-ci, mais il ne faut pas oublier que les maladies transmises par les tiques évoluent aussi », ajoute Jeremy Kerr, professeur et titulaire d’une chaire de recherche au Département de biologie de l’Université d’Ottawa.
« Suivre en temps réel l’émergence de ces agents pathogènes au Canada est une entreprise colossale. Des recherches sur le terrain comme la nôtre peuvent être d’une grande utilité. Le travail de notre étudiante nous rappelle que la recherche fondamentale est importante et que, dans le cas qui nous occupe, elle peut jouer un rôle pour la santé publique », soutient Virginie Millien, professeure agrégée au Musée Redpath de l’Université McGill.
L’étude
L’article « Emerging Tick-Borne Pathogens in Central Canada: Recent Detections of Babesia odocoilei and Rickettsia rickettsii », par Kirsten Crandall et coll., a été publié dans Vector-Borne and Zoonotic Diseases.
Demandes médias:
Université d’Ottawa
Paul Logothetis
Agent de Relations médias