Chers étudiants, professeurs et employés,
Beaucoup de choses ont été dites et écrites au cours des derniers jours concernant l’utilisation du mot anglais commençant par -n par une de nos professeures de la Faculté des arts. J’ai moi-même réagi publiquement en tentant d’expliquer que la liberté d’expression en milieu académique et le droit d’être traité avec dignité ne sont pas irréconciliables. Je n’ai peut-être pas suffisamment souligné l’impact sur nos étudiants d’un mot dont l’énorme charge sémantique, historique et connotative fait tout simplement l’un des vocables les plus grossiers et les moins acceptables de la langue anglaise.
En un mot, l’Université d’Ottawa condamne le racisme sous toutes ses formes, un point c’est tout.
Pour des raisons de confidentialité, je ne peux élaborer sur les détails qui ont mené à l’intervention de l’Université auprès de la professeure au cœur de la controverse. Je précise toutefois que le doyen de la Faculté des arts est intervenu à la demande même de la professeure et à celle des étudiants pour tenter de résoudre des tensions vives qui minaient les conditions d’apprentissage et d’enseignement. Laissez-moi simplement vous assurer que la décision de la retirer temporairement de ses activités pédagogiques, le temps d’examiner la situation n’a pas été arbitraire et que sa liberté académique n’a en aucun temps été censurée. Cette mesure est clairement établie par la convention collective régissant l’emploi de professeurs à temps partiel à l’Université d’Ottawa. Tant la professeure que son syndicat ont pris part à la démarche qui lui a permis de reprendre ses tâches aussitôt. En tout temps, elle est demeurée une employée de l’Université.
Je constate par ailleurs que nous assistons actuellement autour de ce dossier dans les médias et les médias sociaux à des échanges diamétralement opposés souvent irrespectueux et parfois même haineux et menaçants. Un tel climat ne fait avancer en rien la discussion. Plus il y a des tensions, plus les discours semblent devenir radicalisés et polarisés, moins un dialogue serein permettant de sortir grandi de cette crise peut s’établir.
Notre communauté mérite mieux et je me réjouis de constater que ses membres ont ces derniers jours et en dépit de prises de positions divergentes, néanmoins convergé sur l’essentiel : une université ouverte où les missions fondamentales s’articulent dans le respect intégral des libertés dont la liberté académique et de la dignité de chacun de ses membres et où tous méritent d’être traités avec dignité et non d’être marginalisés. Il y a consensus là-dessus et il faut s’en réjouir.
L’heure est au calme et j’invite toutes celles et ceux qui souhaitent s’exprimer de le faire avec retenue pour éviter d’envenimer davantage le débat. On conviendra que le mépris, la diffamation et les mots irrespectueux ne sont pas de mise et ne contribuent en rien à enrichir les échanges. Ces mots peuvent difficilement mener à une conversation de qualité, conversation à laquelle nous aspirons une fois que la tempête actuelle sera passée. Car ne vous méprenez pas : je souhaite que ce débat ait bel et bien lieu.
Les questions de liberté académique et liberté d’expression sont fondamentales. Le respect de la dignité de la personne l’est tout autant. Les questions souvent troublantes doivent être abordées avec doigté, même dans nos milieux académiques. Chaque professeur a le devoir d’établir un environnement d’apprentissage sain et respectueux. Chaque professeur doit favoriser les échanges, même difficiles, sans pour autant brimer les droits d’autrui. Je sais que c’est un souci omniprésent chez chaque professeur de notre université.
En terminant, permettez-moi de réitérer mon engagement profond et celui de l’Université d’Ottawa, de poursuivre nos efforts à favoriser le développement de la pensée critique sur nos campus. Je sais que certaines conversations seront difficiles – elles le sont déjà - mais nous avons une obligation collective de faire en sorte que le dialogue demeure respectueux et fructueux. Nous le devons à nos étudiants, nous nous le devons comme communauté et le devons à la société. Nous devons et pouvons faire mieux.
Le recteur et vice-chancelier,
Jacques Frémont