Les effets à longue portée des antidépresseurs

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Professeur Vance Trudeau avec des aquariums
Professeur Vance Trudeau avec des aquariums

Lorsque les biologistes Marilyn Vera-Chang et Vance Trudeau, de l’Université d’Ottawa, ont entrepris d’étudier les effets d’un populaire antidépresseur sur les taux de reproduction des poissons-zèbres, ils ont fait une découverte inattendue qui a changé l’orientation de leur travail. Nous sommes allés rencontrer le professeur Trudeau, titulaire d’une chaire de recherche de l’Université d’Ottawa en neuroendocrinologie, pour en savoir davantage.

Quel était l’objet de votre recherche?

Marilyn Vera-Chang et des collègues sous ma supervision ont étudié les effets de la fluoxétine, un antidépresseur connu sous le nom de Prozac, sur la reproduction des poissons rouges et des poissons-zèbres, des poissons d’eau douce de la famille des carpes et des vairons.

Qu’avez-vous découvert?

Que l’exposition au Prozac induit une carence en cortisol. Chez les jeunes poissons exposés au stade embryonnaire à la fluoxétine pendant six jours, nous avons constaté, à notre grande surprise, une baisse des niveaux de cortisol persistant jusque dans l’âge adulte. De plus, les effets résiduels du médicament — réduction du cortisol et du niveau de réaction à différents stress — ont continué de se manifester chez la progéniture de ces poissons sur trois générations.

Pourquoi le cortisol est-il si important? Quel rôle joue-t-il?

Le cortisol est mieux connu comme l’hormone du stress. Quand on éprouve du stress, notre niveau de cortisol s’élève, nous aide à nous adapter à la situation, puis redescend à son niveau normal. Cela vaut pour tous les animaux. Le cortisol aide l’organisme à faire face au stress en augmentant le métabolisme et en envoyant un signal au cerveau pour qu’il déclenche l’action appropriée.

Les animaux, y compris les humains, explorent leur environnement immédiat à la recherche de nourriture, d’un abri contre les prédateurs et d’un partenaire sexuel. La capacité d’explorer son environnement et de réagir de manière adéquate aux facteurs de stress est essentielle à la survie d’une espèce.

Chez les humains, le cortisol aide à affronter le stress à court terme. Mais si trop de cortisol peut entraîner des problèmes de santé, il devient de plus en plus clair que trop peu de cortisol est tout aussi nuisible. La carence en cortisol est associée à des troubles comme le trouble de stress post-traumatique (TSPT), la fatigue chronique, l’épuisement professionnel et les comportements perturbateurs chez les enfants.

Pourquoi votre étude est-elle importante?

Elle constitue une importante démonstration, sur le modèle animal, que même une brève exposition ancestrale à un antidépresseur courant altère sur plusieurs générations la réaction au stress et les comportements adaptatifs essentiels. Autrement dit, même si les animaux n’ont été exposés qu’une seule fois et au stade d’embryon, la suppression des hormones du stress et la réduction des comportements exploratoires perdurent sur des générations.

On prescrit souvent de la fluoxétine aux femmes enceintes souffrant de dépression, d’anxiété et d’autres problèmes de santé mentale. Notre étude suggère qu’il y a peut-être lieu de s’inquiéter de cette pratique, en raison des possibles effets négatifs à long terme de ce type de médicaments sur les humains qui y sont exposés.

L’effet observé était aussi présent, bien que dans une moindre mesure, chez les descendants des poissons exposés initialement au Prozac, même en concentrations faibles telles que celles que l’on trouve dans certaines rivières et certains ruisseaux.

Qu’est-ce que cela signifie pour les humains?

La plupart des gens ne se rendent pas compte que les mécanismes en jeu chez les poissons et chez les humains sont en réalité très similaires. Cela veut dire que les implications pour la santé humaine sont potentiellement préoccupantes.

Un dernier mot?

Oui. Marilyn et moi souhaitons souligner que les médicaments de ce type ont aussi d’importants effets bénéfiques. Dans certains cas, ils contribuent à sauver des vies. Toutefois, il est primordial de suivre les recommandations du médecin et de s’en tenir à la dose prescrite. Il faudra désormais prendre en considération le fait que ces médicaments ont des effets à long terme plus importants qu’on ne le pensait. Nos travaux montrent clairement que ce que nous faisons aujourd’hui peut avoir des répercussions sur les générations futures.

 

L’article « Transgenerational hypocortisolism and behavioral disruption is induced by the antidepressant fluoxetine in male zebrafish Danio rerio » (« Hypocortisolisme transgénérationnel et perturbation comportementale induits par l’antidépresseur fluoxétine chez les poissons-zèbres Danio rerio mâles ») a été publié aujourd’hui par PNAS.

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Pour obtenir plus d’information, prière de communiquer avec :

Isabelle Mailloux Pulkinghorn
[email protected] / 613.240.0275