Une étude révèle une hausse des visites aux urgences pour des tentatives de suicide chez les jeunes partout dans le monde pendant la pandémie

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Norma Mortenson
Selon une étude menée par une équipe de recherche sous la direction d’une professeure de l’Université de Calgary en collaboration avec des collègues de l’Université d’Ottawa, du CHEO, de l’Hôpital SickKids et de la University College Dublin, malgré une forte diminution des visites aux services d’urgence pédiatriques durant la pandémie de COVID-19, le nombre de visites d’enfants et de jeunes pour une tentative de suicide ou des idées suicidaires a fait un bond pendant la période d’isolement.

Publiée aujourd’hui dans la revue Lancet Psychiatry, cette étude fondée sur une méta-analyse de 42 études portant sur un total de plus de 11 millions de visites aux services d’urgence pédiatriques dans 18 pays compare les données avant et pendant la pandémie, jusqu’en juillet 2021.

Hausse de 22 % des visites pour tentative de suicide

Il en ressort que, malgré une réduction de 32 % du nombre total de visites d’enfants et de jeunes, toutes raisons confondues, on constate une hausse de 22 % des visites pour tentative de suicide et de 8 % pour des idées suicidaires.  

« Alors que le nombre de visites aux urgences pédiatriques chutait en général, les visites pour tentative de suicide ou idées suicidaires augmentaient par rapport aux données d’avant la pandémie, observe la professeure Tracy Vaillancourt, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en santé mentale et en prévention de la violence en milieu scolaire à l’Université d’Ottawa et coauteure de l’étude. Ces résultats montrent l’ampleur des ravages de la pandémie sur la santé mentale des enfants et des jeunes. »

Aussi troublantes qu’elles soient, ces conclusions ne sont pas vraiment surprenantes. En effet, une étude publiée à l’été 2021 révélait que les symptômes de la dépression et de l’anxiété avaient doublé chez les enfants et les jeunes au cours de la première année de la pandémie.

« Au début de la pandémie, nous avons observé une hausse inquiétante des symptômes de la dépression et de l’anxiété chez les enfants et les jeunes partout dans le monde, explique la Dre Nicole Racine, coauteure de l’étude, psychologue clinicienne et titulaire de la Chaire en santé mentale des enfants et des adolescents au CHEO. Cette nouvelle étude confirme que la pandémie a durement frappé ce groupe d’âge, comme en témoigne la hausse des visites aux urgences pour des problèmes graves. »  Les résultats de la deuxième étude semblent en effet corroborer ceux de la première.

Les enfants ne vont pas bien du tout

Les premiers travaux sur la santé mentale pendant la pandémie avaient mis en lumière « une crise chez les enfants qui risquait de s’aggraver si on ne renforçait pas les services et les ressources, rappelle Sheri Madigan, professeure à l’Université de Calgary et auteure principale de l’étude. On a longuement débattu pendant la pandémie sur l’état de santé mentale des enfants. À la lumière des données publiées et analysées, nous pouvons aujourd’hui trancher la question : les enfants ne vont pas bien du tout. »

Si on observe la valeur médiane, on constate un écart a priori déconcertant entre, d’une part, la diminution du nombre total de visites aux services des urgences pédiatriques et, d’autre part, le pic de visites pour des tentatives de suicide ou des idées suicidaires. Mais en creusant un peu, on peut parfaitement expliquer cette différence, affirme la professeure Madigan, qui a réalisé l’étude en collaboration avec des collègues de l’Hôpital pour enfants malades SickKids de Toronto, de l’Université d’Ottawa et de la University College Dublin.

Tracy Vaillancourt, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en santé mentale et en prévention de la violence en milieu scolaire à l’Université d’Ottawa
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« Alors que le nombre de visites aux urgences pédiatriques chutait en général, les visites pour tentative de suicide ou idées suicidaires augmentaient par rapport aux données d’avant la pandémie »

Professeure Tracy Vaillancourt

— Titulaire de la Chaire de recherche du Canada en santé mentale et en prévention de la violence

En effet, par crainte d’attraper la COVID-19, les gens évitaient autant que possible les lieux propices à la contamination, comme les services d’urgences. Parallèlement, la pandémie a gravement augmenté les facteurs de risque pour la santé mentale des enfants et des jeunes, qui passaient beaucoup plus de temps devant leurs écrans au détriment de l’activité physique. À cela s’ajoutent les difficultés familiales liées à la perte d’emploi, l’augmentation de la violence et la détérioration de la santé mentale des parents.

« Tous ces facteurs sont des accélérateurs de détresse psychologique, résume la chercheuse. Les enfants sont capables d’une grande résilience, mais ont été poussés au-delà des limites de ce qui était supportable. Aujourd’hui, en comparaison avec l’avant-pandémie, beaucoup plus d’enfants et de jeunes sont en crise. »

L’équipe de recherche s’est penchée sur des études publiées entre janvier 2020 et juillet 2021 compilant des données sur les visites aux urgences pédiatriques avant et pendant la pandémie de COVID-19.

En l’absence d’études plus récentes, les résultats publiés dans la revue Lancet Psychiatry représentent le plus fidèle portrait de la situation jusqu’en juillet 2021, précise la professeure Madigan. « Nous continuerons d’analyser les nouvelles données pour vérifier si le nombre de visites aux urgences pédiatriques pour des tentatives de suicide ou des idées suicidaires poursuit son ascension tandis que la situation sanitaire évolue », dit-elle. 
 

Dr. Nicole Racine
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« Au début de la pandémie, nous avons observé une hausse inquiétante des symptômes de la dépression et de l’anxiété chez les enfants et les jeunes partout dans le monde »

Dre Nicole Racine

— Psychologue clinicienne et titulaire de la Chaire en santé mentale des enfants et des adolescents au

Besoin urgent de créer des ressources

Avant la pandémie, environ un enfant sur cinq dans le monde éprouvait l’un ou l’autre des différents troubles mentaux, mais pas plus de 25 % des enfants en graves difficultés recevaient un traitement. Le manque de ressources en santé mentale s’est creusé pendant la pandémie alors que les besoins montaient en flèche. Aujourd’hui, les services et les soutiens thérapeutiques ne suffisent toujours pas à répondre à l’énorme demande.

« On ne peut pas abandonner ces enfants et ces jeunes en crise, déplore la chercheuse. Il faut de toute urgence créer des ressources, des aides et des services en santé mentale pour freiner leur dépérissement et les aider à s’épanouir. » Elle propose aux gouvernements d’investir dans des ressources et des infrastructures communautaires qui faciliteront le diagnostic et le traitement des maladies mentales, mais aussi dans des programmes de prévention et de sensibilisation dans les écoles.

Renseignez-vous sur la prévention du suicide. Des services téléphoniques sont à votre écoute jour et nuit. Jeunesse, J’écoute : 1 800 668-6868. Parlons suicide Canada : 1 833 456-4566.