À l’âge de 12 ans, Anthaea-Grace Patricia Dennis, de la vallée de l’Outaouais, s’apprête à enfiler sa toge et à monter sur scène pour recevoir un baccalauréat spécialisé en sciences biomédicales de l’Université d’Ottawa.
« Je travaille très fort depuis mes huit ans », affirme-t-elle en repensant à son premier cours universitaire, suivi il y a quatre ans.
« J’ai mérité cette réussite. Je n’ai pas laissé mon âge m’empêcher d’aller où je voulais aller et de prendre la place qui me revient. »
Son parcours scolaire absolument remarquable a été guidé en grande partie par sa mère, Johanna Dennis, Ph.D., qui lui a appris à lire dès l’âge précoce de deux ans.
Anthaea-Grace progressait si rapidement qu’elle a commencé l’école à distance à trois ans, suivi les programmes de maternelle et de première année simultanément, et entamé la deuxième année à l’école publique à quatre ans, en trouvant tout de même le temps de faire du patin à glace, du théâtre musical, de la danse et de la natation.
« Il lui restait beaucoup d’énergie en rentrant à la maison, et elle m’a un jour demandé si elle pouvait étudier davantage, se rappelle sa mère. Elle avait pris plusieurs années d’avance dans ses devoirs. »
Quand elle avait six ans, Anthaea-Grace et sa mère vivaient à Little Rock, en Arkansas, et elle a demandé de se faire évaluer pour être placée dans une classe qui correspondrait à ses aptitudes, et non à son âge. Selon cette évaluation, Anthaea-Grace aurait dû être en huitième année.
« Je me souviens de cette conversation. Elle m’a brisé le cœur, en fait. Le district scolaire de Little Rock m’a suggéré de faire l’école à la maison si j’en avais les moyens.
« On m’a dit que de la laisser dans le système scolaire détruirait l’enfant, parce qu’elle avait énormément d’énergie. À six ans, on ne voulait pas la placer dans une classe de huitième année d’une école en milieu urbain. »
Plus tard dans la même année, madame Dennis a accepté un poste à San Francisco et trouvé une école privée qui permettait aux parents de s’impliquer dans le parcours scolaire de leurs enfants et même de les inscrire à des cours de niveau collégial ou universitaire, ce qu’Anthaea-Grace a fait dès ses huit ans.
La jeune collégienne n’est pas passée inaperçue, et lorsque des camarades de classe lui ont demandé de prendre une photo avec elle, Anthaea-Grace s’est montrée impassible.
« Tout le monde va à l’école. On entre dans un bâtiment, on apprend la matière et on rentre chez soi. C’est comme ça que je voyais l’école. Elle est différente pour tout le monde, mais je ne me suis jamais vraiment trouvée différente seulement parce que j’avais huit ans. »
Lorsque le poste de madame Dennis a pris fin et que les cours sont passés en mode virtuel pendant la pandémie, elle a décidé de revenir au Canada et a fait transférer les crédits universitaires d’Anthaea-Grace à l’Université d’Ottawa, où elle a pu cultiver sa passion pour la recherche scientifique. Les sciences sont une affaire de famille : sa grand-mère est enseignante en mathématiques à la retraite, son oncle est professeur de physique et sa mère est diplômée en sciences.
« J’ai toujours aimé les sciences, même quand j’étais très jeune. J’ai choisi les sciences biomédicales parce que je savais que mon travail, quel qu’il soit, pourrait aider les personnes souffrant de problèmes médicaux. Pour moi, la recherche dans ce domaine est primordiale. »
Durant sa dernière année à l’Université d’Ottawa, elle a étudié la connectivité fonctionnelle du cervelet, la partie du système nerveux qui coordonne les mouvements volontaires. C’est pendant son apprentissage du violon qu’elle a commencé à s’intéresser aux mouvements des mains et des poignets.
Tuan Bui, professeur à l’Université d’Ottawa et biologiste, a dirigé sa thèse de spécialisation.
« Elle est très débrouillarde, a-t-il remarqué. Beaucoup des techniques qu’elle a utilisées n’étaient pas des techniques que je connaissais, donc c’est elle qui a cherché ses techniques, c’est elle qui les implantées. »
Avec un baccalauréat en main, Anthaea-Grace et sa mère réfléchissent à la maîtrise et au doctorat, et envisagent une carrière dans le milieu universitaire pour combiner l’enseignement et sa passion pour la recherche.
Elle est convaincue que son jeune âge a été un avantage pendant son parcours exceptionnel, et non un inconvénient.
« Je pense que je n’ai rien manqué, déclare-t-elle. Si j’étais plus vieille, je pourrais avoir plus d’interactions sociales, mais je ne crois pas vraiment en cette philosophie.
« Le fait d’être plus âgée aurait même pu me nuire. Je n’aurais peut-être pas vécu les mêmes expériences. Je pense qu’à cause de mon âge, j’ai parfois l’impression de devoir faire mes preuves pour convaincre les gens que j’ai ce qu’il faut, et ça m’incite à travailler plus fort.
« Puisque je dois faire mes preuves, je m’applique et j’obtiens de meilleurs résultats que si j’avais commencé l’université à 18 ans. »