Une étude menée par une équipe de recherche de l’Université d’Ottawa démontre empiriquement que la pleine conscience a des effets importants sur le cerveau des femmes souffrant de douleur neuropathique après un traitement du cancer du sein. Plus précisément, elle montre que la réduction du stress par la pleine conscience (RSPC) contribue à moduler la douleur neuropathique.
Cette découverte pourrait améliorer la qualité de vie de bien des femmes. Au Canada, plus de 250 000 d’entre elles devraient avoir reçu un diagnostic de cancer du sein – le cancer le plus répandu chez les femmes dans le monde – en 2020. En plus des conséquences psychologiques de la maladie, de 20 à 50 % des survivantes affirment souffrir de douleur neuropathique chronique après le traitement.
Nous nous sommes entretenus avec l’auteure principale de l’étude, Andra Smith, professeure titulaire à l’École de psychologie de l’Université d’Ottawa, pour en savoir plus sur les résultats publiés récemment dans la revue Mindfulness.
Pourquoi votre équipe a-t-elle décidé d’étudier la pleine conscience comme méthode de soulagement de la douleur?
« La douleur neuropathique est un effet secondaire très courant de la chimiothérapie et d’autres traitements du cancer du sein. Les analgésiques ne fonctionnent pas toujours, et elle peut nuire à la qualité de vie, aux facultés cognitives et au bien-être général. Étant donné ces effets indésirables et la complexité du traitement de ce type de douleur après un cancer du sein, il est important d’offrir des options de prise en charge complémentaires.
Depuis quelques années, on entend beaucoup parler de la pleine conscience, qui aiderait les gens à se détendre et à se sentir mieux. Si la pleine conscience, une pratique non pharmacologique, peut contribuer à soulager la douleur neuropathique, les femmes se sentiront mieux et pourraient s’épargner cette souffrance invalidante.
La douleur est subjective, et la pleine conscience est souvent taxée de « mot à la mode ». Or, notre étude démontre de manière objective et empirique ses bienfaits importants sur le cerveau des participantes. »
Comment s’est déroulée la recherche?
« Nous avons étudié les effets d’un programme de RSPC sur la réactivité émotionnelle d’un échantillon de survivantes du cancer du sein souffrant de douleur neuropathique chronique. Avec l’appareil d’IRM 3T de pointe de l’Hôpital d’Ottawa, nous avons recueilli des données sur la santé de la matière blanche, ainsi que sur l’activité cérébrale en réaction à des mots liés à une douleur émotionnelle et au repos.
Les participantes ont subi une IRM avant et après le programme de RSPC ou leur traitement habituel. Nous avons ensuite comparé la douleur, la qualité de vie et les résultats d’imagerie entre les deux groupes et au sein du groupe RSPC au début et à la fin du programme. »
Qu’avez-vous découvert?
« Après le programme de RSPC, nous avons observé une grande diminution de l’activité cérébrale dans les régions liées à la douleur, à la régulation émotionnelle et au traitement cognitif. Dans le groupe RSPC, l’intensité et l’interférence de la douleur étaient beaucoup moins élevées après la formation de huit semaines.
Nos résultats indiquent une amélioration importante de la santé du cerveau et de la perception de la douleur.
Il existe de nombreux rapports anecdotiques sur des méthodes qui auraient permis à une personne de se « sentir mieux », mais ce qui est formidable, c’est que nos résultats indiquent de réels changements dans l’activité cérébrale et la réaction à la douleur. »
Pourquoi est-ce important?
« Cette étude ouvre la voie à une méthode non invasive de soulagement de la douleur neuropathique chronique après un traitement du cancer du sein.
La douleur est source d’appréhensions, et les analgésiques causent des problèmes secondaires importants à beaucoup de gens, que ce soit l’abus de médicaments ou des troubles de santé mentale. La pleine conscience a un effet neurophysiologique qui peut modifier la perception de la douleur.
Cette étude prouve qu’il existe des options de traitement complémentaires. S’ils sont bien appliqués, les résultats publiés pourront améliorer l’état de santé des gens, voire réduire les frais de santé et certains problèmes connexes, surtout en santé mentale. »
Qui a travaillé sur cette recherche?
« La chercheuse clinique principale Patricia Poulin, de l’Hôpital d’Ottawa, et son équipe formée de Heather Romanow, Yaad Shergill, Emily Tennant et Eve-Ling Khoo ont recruté les participantes et mené toutes les évaluations cliniques.
Mon laboratoire, notamment mon équipe d’imagerie constituée de Taylor Hatchard, Ola Mioduszewski et Lydia Fang, a pris en charge le volet imagerie.
La collecte de données s’est échelonnée sur deux ans, soit de 2017 à 2019, grâce à des subventions des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et de la Fondation canadienne du cancer du sein. Nous avons publié trois articles sur l’étude au cours des quatre derniers mois. Le plus récent, intitulé Reduced Emotional Reactivity in Breast Cancer Survivors with Chronic Neuropathic Pain Following Mindfulness-Based Stress Reduction (MBSR): an fMRI Pilot Investigation, est paru en novembre 2020 dans la revue Mindfulness. »
Autres articles sur cette recherche
Breast cancer survivors living with chronic neuropathic pain show improved brain health following mindfulness-based stress reduction: a preliminary diffusion tensor imaging study
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