L’embourgeoisement, de porte à porte

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Image de la ville d'Ottawa.
Image de la ville d'Ottawa.

L’embourgeoisement, ce processus de rajeunissement des quartiers urbains dégradés, est un phénomène commun au Canada et ailleurs, et ses effets sont très divers. Ce phénomène ne touche pas que les quartiers défavorisés et, une fois amorcé, progresse très rapidement.

Grâce à leur nouveau modèle informatisé de cartographie profonde qui repère les transformations apparentes des propriétés individuelles, le professeur Michael Sawada et deux étudiants, Lazar Ilic et Amaury Zarzelli, du Département de géographie, environnement et géomatique l’Université d’Ottawa, trouvent plus rapidement les traces observables de l’embourgeoisement des quartiers et des villes.

Les chercheurs ont même pu distinguer des degrés d’embourgeoisement dans des quartiers d’Ottawa qu’on croyait exempts du phénomène.

Les transformations observables restent le volet le moins étudié de l’embourgeoisement, en grande partie à cause de la difficulté à en constituer une imagerie photographique. Il faudrait en effet des années à quiconque se déciderait à étudier les séries de photos de chaque structure enregistrée par Google Street View pour déterminer si une propriété donnée a été rénovée.

D’autres chercheurs ont tenté d’utiliser des données de recensements, mais l’analyse est alors limitée dans l’espace et le temps, sans compter que les limites territoriales dont les recensements sont assortis donnent lieu à des divisions artificielles.

Sawada et Zarzelli affirment que leur étude est la première à utiliser l’apparence de chaque propriété – soit la plus petite unité spatiale que le phénomène puisse modifier – pour déterminer s’il y a eu embourgeoisement.

L’équipe a consulté les panoramas à 360 degrés de chaque propriété du noyau urbain d’Ottawa et des environs qu’enregistre chaque année Google Street View (GSV), pour la période de 2007 à 2016. Les chercheurs ont entraîné un modèle informatique de cartographie profonde au traitement des données de GSV et à la recherche de transformations observables progressives susceptibles d’indiquer un embourgeoisement, notamment l’ajout d’une clôture, la peinture fraîche ou le remplacement des fenêtres. Après l’entraînement, le modèle repérait les indicateurs d’embourgeoisement dans 95 % des cas.

Examples dans le quartier du Glebe, à Ottawa, où le modèle a détecté de l'embourgeoisement.

« Grâce à l’apprentissage profond permis par l’intelligence artificielle, nous avons compulsé des centaines de milliers d’images GSV des bâtiments d’Ottawa pour trouver où et quand leur apparence a été améliorée. Nous avons ainsi pu fournir la carte la plus détaillée à ce jour de la progression spatiale de l’embourgeoisement au fil du temps dans une grande ville, » explique Lazar Ilic.

Dans le secteur Greenbelt à Ottawa, par exemple, le modèle a repéré 3483 indicateurs à 2922 endroits différents. La carte de densité qui en a résulté correspond de très près à une carte des endroits visés par les permis d’aménagement ou de construction qui ont été délivrés.

Le modèle repose sur un ensemble de données photographiques, qui comprend notamment les cartes GSV utilisées pour l’étude, et il est régulièrement alimenté et mis à jour. Certes, les modifications apportées au mode de constitution des ensembles de données photographiques peuvent en réduire la précision. Toutefois, les chercheurs constatent que leur modèle peut être recréé partout où existent des ensembles de données similaires. C’est dire qu’il est désormais possible de produire en peu de temps des cartes à résolution spatiale et temporelle du processus d’embourgeoisement.

« C’est un fait, l’embourgeoisement transforme nos villes, mais il est difficile de situer précisément le phénomène dans les grands centres urbains et d’en déterminer la vitesse, » ajoute Professeur Sawada. « Ces cartes ont des applications directes en urbanisme et en justice sociale; elles aident à combler les inégalités qui se creusent dans les grands centres urbains. »

L’étude a été publiée dans PLOS, un journal en libre accès.

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Karyne Vienneau
Agente de relations médias
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