Située dans le golfe du Saint-Laurent au Canada, l’île d’Anticosti constitue l’un des plus riches laboratoires naturels au monde pour l’étude des fossiles et des strates sédimentaires datant d’il y a environ 445 millions d’années, à la fin de la période géologique appelée l’Ordovicien. Comme les pages d’un livre qui renfermerait des secrets, les roches calcaires qui jonchent l’île racontent plus de 15 millions d’années d’histoire de la Terre. Ces vestiges sont à l’origine d’une récente découverte qui vient élucider l’un des grands mystères de la paléontologie: les causes de la première extinction massive de vie animale.
L’île d’Anticosti est le registre fossilifère le plus complet de la vie marine.
Les travaux dirigés par l’équipe internationale composée de chercheurs de l’Université d’Ottawa, de l’Université du Nouveau-Mexique, et de l’Université de Birmingham démontrent que l’extinction massive de la vie océanique à la fin de l’Ordovicien aurait été déclenchée par une anoxie marine, c’est-à-dire un manque d’oxygène causant la mort des animaux marins par asphyxie.
«On soupçonnait jusqu’à maintenant que l’anoxie marine avait joué un rôle dans l’extinction massive à la suite d’une période de refroidissement global,» explique André Desrochers, professeur à la Faculté des sciences de l’Université d’Ottawa. «Grâce à l’analyse des échantillons de calcaires marins prélevés sur l’île d’Anticosti, nous avons pu démontrer qu’une forte réduction d’oxygène dans les océans à l’échelle globale aurait éliminé jusqu’à 85% de la vie animale sur la Terre à cette époque».
«Il s’agit de la première des “cinq grandes extinctions” de l’histoire de notre planète. Nos recherches indiquent qu’elle a coïncidé avec le développement soudain d’une anoxie océanique largement répandue, laquelle a duré au moins un million d’années», commente Maya Elrick, chercheure à l’Université du Nouveau-Mexique et coauteure de l’étude.
Le professeur Desrochers et ses collègues étudiant les fossiles de l’île d’Anticosti.
Avant l’extinction massive de la vie à la fin de l’Ordovicien, la vie sur Terre était riche et variée, mais essentiellement marine. On retrouvait sous la surface des océans divers invertébrés comme des brachiopodes, des coraux, des trilobites et des bryozoaires.
«L’abondance, la diversité et l’état de conservation des fossiles sur l’île d’Anticosti sont exceptionnels et permettent un travail scientifique de classe mondiale», conclut le professeur Desrochers, avant d’ajouter: «D’ailleurs, l’île est en attente d’une reconnaissance du patrimoine mondial de l’UNESCO en raison de sa paléontologie unique.»
L’article complet, Abrupt global-ocean anoxia during the Late Ordovician-early Silurian detected using uranium isotopes of marine carbonates, est publié dans la revue scientifique Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America.
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