À l’aide d’un protocole élaboré à la UC San Francisco, les médecins ont réussi à traiter pour la première fois un fœtus atteint d’un trouble génétique dévastateur et l’enfant est maintenant une enfant d’un an épanouie, une étude de cas présentée dans le New England Journal of Medicine.
Ce traitement dirige le répertoire des traitements fœtaux dans une nouvelle direction, a déclaré la Dre Tippi MacKenzie, Ph. D., codirectrice et auteure correspondante, une chirurgienne pédiatrique aux UCSF Benioff Children’s Hospitals, co‑directrice du Center for Maternal‑Fetal Precision Medicine de l’UCSF et directrice du Eli and Edythe Broad Center of Regeneration Medicine and Stem Cell Research. À mesure que de nouveaux traitements sont disponibles pour les enfants atteints de maladies génétiques, nous élaborons des protocoles pour les mettre en œuvre avant la naissance. »
La maladie de l’enfant, la maladie de Pompe infantile, est l’une des multiples maladies de « surcharge » lysosomale qui commencent à causer de graves dommages aux organes principaux, comme le cœur, avant la naissance. En commençant un traitement de remplacement enzymatique pendant le développement fœtal, les médecins ont cherché à obtenir de meilleurs résultats que ceux qui sont typiques du traitement suivant la naissance, des résultats qui peuvent inclure la mort au début de l’enfance, un très faible tonus musculaire ou une dépendance au ventilateur.
Après six traitements prénataux de remplacement enzymatique à l’Hôpital d’Ottawa, l’enfant, Ayla, est née à terme. Elle reçoit un traitement enzymatique postnatal à CHEO (un hôpital pédiatrique et centre de recherche à Ottawa, au Canada) et se porte bien à l’âge de 16 mois. Elle a une fonction cardiaque et une fonction motrice normales et elle atteint les jalons développementaux.
« Quand nous avons eu Ayla, nous ne savions pas si elle pourrait marcher, a déclaré son père, Zahid Bashir. Nous ne savions pas si elle serait capable de parler. Nous ne savions pas si elle serait capable de manger. Nous ne savions pas si elle serait capable de rire. Alors qu’elle franchit chacune de ces étapes, nous continuons d’être stupéfaits par ses progrès. Donc, oui, c’est quelque chose que je pense que parfois nous pouvons tenir pour acquis, mais la plupart du temps nous sommes tout à fait conscients qu’elle est une miraculée. »
« L’émergence d’un nouveau traitement médical pour aider les familles touchées par des maladies génétiques dévastatrices, est à la fois excitante et incroyablement satisfaisante. »
Karen Fung-Kee-Fung
— Spécialiste en médecine fœtale maternelle, professeure d’obstétrique et de gynécologie à uOttawa
Un triomphe de collaboration
La réussite du traitement est un exploit de collaboration entre l’UCSF, où a lieu un essai clinique continu sur le traitement, CHEO et l’hôpital d’Ottawa, où la patiente a été diagnostiquée et traitée, et la Duke University, qui abrite les meilleurs experts mondiaux en matière de maladie de Pompe.
« Nous avions vraiment besoin de ce groupe multidisciplinaire de personnes pour prêter leur expertise approfondie à tous les aspects des soins, a déclaré la Dre MacKenzie, qui est titulaire de la Chaire Benioff UCSF en santé des enfants et de la Chaire émérite John G. Bowes en biologie des cellules souches et des tissus. Le traitement de remplacement enzymatique est une nouvelle frontière dans le domaine du traitement fœtal; il a été très intéressant de voir qu’il est issu d’un projet de recherche effectué dans mon laboratoire et qu’il a entraîné des répercussions sur les résultats pour cette famille. L’UCSF est considérée comme le lieu de naissance de la chirurgie fœtale et c’est un privilège particulier pour nous de continuer à élaborer les technologies et les traitements disponibles pour aider les familles confrontées à un diagnostic difficile pendant la grossesse. »
Dans des circonstances habituelles, la famille du patient aurait visité l’UCSF Benioff Children’s Hospital Fetal Treatment Center pour participer à l’essai clinique. Lorsque les restrictions liées à la COVID‑19 ont rendu les déplacements internationaux irréalisables, des experts des deux hôpitaux canadiens et des deux hôpitaux américains ont rencontré la famille en équipe par vidéo pour discuter des autres solutions. L’UCSF a communiqué le protocole de traitement à l’équipe d’Ottawa, où vit la famille. Tout au long du processus, l’équipe entière s’est réunie chaque semaine par vidéo pour discuter de la santé de la mère et du fœtus et pour surveiller la réponse au traitement.
« Depuis plus de 30 ans, nous traitons nos patients fœtaux en utilisant le traitement intra‑utérin, a déclaré la Dre Karen Fung‑Kee‑Fung, M.D., spécialiste en médecine fœtale‑maternelle de la famille à l’Hôpital d’Ottawa et professeure d’obstétrique et de gynécologie à l’Université d’Ottawa. L’émergence d’un nouveau traitement médical pour soulager cette famille du fardeau de la maladie de Pompe, et potentiellement aider d’autres familles touchées par des maladies génétiques dévastatrices, est à la fois excitante et incroyablement satisfaisante. Nous nous sentons très privilégiés et honorés de participer à cette collaboration internationale pour contribuer à faire de ce premier traitement au monde une réalité. »
Pranesh Chakraborty, M.D., pédiatre et généticien métabolique à CHEO et co‑responsable de l’étude de cas, offre des soins à la famille depuis des années.
« Ce traitement est très prometteur et je suis très heureux pour Ayla et sa famille, a déclaré le Dr Chakraborty, qui est également chercheur à l’Institut de recherche de CHEO et professeur associé à l’Université d’Ottawa. Ayant eu le privilège et le déchirement d’accompagner des familles qui ont perdu des enfants à cause de ces maladies dévastatrices, ce travail est très important pour moi. »
Un grand pas en avant pour le traitement fœtal
Les bébés nés avec la maladie de Pompe infantile présentent habituellement une hypertrophie cardiaque et meurent dans les deux ans s’ils ne sont pas traités. La maladie est très rare, diagnostiquée dans moins de 1/100 000 naissances vivantes, et est causée par des mutations dans un gène qui fabrique l’alpha‑glucosidase acide, une enzyme qui décompose le glycogène. Sans elle ou lorsqu’elle est en quantité limitée, le glycogène s’accumule dangereusement dans le corps.
« Grâce à notre travail de longue date à la Duke Université pour traiter des patients atteints de la maladie de Pompe, nous connaissons très bien l’importance essentielle de commencer le traitement tôt, a déclaré la Dre Jennifer Cohen, M.D., co‑auteure de l’étude et professeure adjointe à la Division de génétique médicale du Département de pédiatrie de la Duke University School of Medicine. Notre capacité à offrir une nouvelle possibilité de traitement à cette famille et de modifier potentiellement le cours de cette maladie difficile a rendu cette collaboration et ce projet révolutionnaire, a ajouté la Dre Cohen. »
La Duke University a joué un rôle central dans de nombreuses avancées dans le domaine de la maladie de Pompe, notamment l’élaboration de l’alglucosidase alfa comme premier traitement de remplacement enzymatique (TRE) approuvé par la Food and Drug Administration pour la maladie de Pompe, l’identification du rôle des titres d’anticorps élevés et soutenus pour le TRE, l’utilisation de biomarqueurs pour suivre la réponse au traitement et l’établissement de protocoles d’induction de la tolérance immunitaire pour les patients les plus gravement atteints, a noté la Dre Priya Kishnani, M.D., cheffe de division de la génétique médicale à la Duke University School of Medicine.
« Toutes ces avancées ont joué un rôle crucial dans le traitement et la réponse de cette patiente, a déclaré la Dre Kishnani. Le traitement intra‑utérin représente une nouvelle frontière pour les patients atteints de la maladie de Pompe. »
La maladie de Pompe est l’une des huit maladies de « surcharge » lysosomale pour laquelle l’UCSF a reçu l’approbation de la FDA pour le traitement de remplacement enzymatique in utero au cours d’un essai clinique de phase 1 sur 10 patients. Les autres maladies sont la mucopolysaccharidose de type 1, 2, 4a, 6 et 7, la maladie de Gaucher de type 2 et 3 et la maladie de Wolman.
Les chercheurs espèrent que le succès de cette première application et de la publication de l’étude de cas permettra d’informer davantage les parents qui courent un risque connu de transmettre ces maladies et les médecins qui les traitent sur l’existence de l’essai clinique de l’UCSF.
« En voyant comment Ayla s’en sort, il est important de poursuivre des essais cliniques pour déterminer si ce genre de traitement fœtal sera une bonne option pour d’autres familles alors que le traitement administré lorsque l’enfant est un nouveau‑né ne l’est pas assez tôt, a déclaré le Dr Chakraborty, qui dirige le programme provincial Dépistage des nouveau‑nés de l’Ontario, basé à CHEO. Nous travaillons dur afin d'essayer d'améliorer l’accès à cet essai pour d’autres familles canadiennes. »
Deux autres patients atteints de différentes maladies lysosomales sont maintenant inscrits à l’essai clinique de l’UCSF et suivent un traitement prénatal.
« Il est intéressant de poursuivre cette recherche, qui est une étape importante dans l’évolution du traitement fœtal, de la chirurgie pour des affections anatomiques aux traitements médicaux pour des maladies génétiques, a déclaré la Dre MacKenzie. »
Coauteurs : Marisa Schwab, M.D., et Billie Lianoglou, M.S., du Département de chirurgie de l’UCSF, ainsi qu’Anita Moon‑Grady, M.D., et Paul Harmatz, M.D., du Département de pédiatrie de l’UCSF, ont également contribué à cette recherche. Veuillez consulter le document pour d’autres coauteurs.
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