Message du recteur Jacques Frémont au sujet d’un incident récent à la Faculté des arts

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Salle de presse
Vue de dessus des nœuds encadrés créés par les chercheurs.

Voici le message présenté par le recteur et vice-chancelier Jacques Frémont au Sénat de l’Université d’Ottawa le lundi 19 octobre.

Chers membres de la communauté universitaire,

Vous avez peut-être entendu parler d’un incident récent à la Faculté des arts alors qu’une professeure à temps partiel a utilisé le mot entier commençant par -n à l’occasion d’un cours. Une étudiante a réagi dans un courriel à la professeure après la classe. Celle-ci s’est subséquemment excusée en précisant qu’elle ignorait le caractère inacceptable de l’utilisation de ce mot et offert aux étudiants de discuter de la question la semaine suivante.

Notre université a vécu depuis plus d’une année et demie des incidents racistes ou à caractère raciste. Nous avons tenu plusieurs assemblées publiques où des conversations difficiles ont eu lieu sur les différentes manifestations du racisme à l’Université. Nous sommes, comme bien d’autres universités, en train de prendre conscience des aspects systémiques du racisme, bien ancrés dans nos façons de faire et nous avons pris l’engagement de travailler à remédier à la situation. Parmi les problèmes dénoncés, on trouve les agressions et micro-agressions dont sont régulièrement victimes des membres noirs ou racisés de notre communauté. Ce qui peut sembler banal pour un membre de la communauté majoritaire peut être perçu par plusieurs membres de la minorité comme étant profondément offensant. Les membres des groupes dominants n’ont tout simplement pas la légitimité pour décider ce qui constitue une micro-agression.

C’est dans ce contexte qu’est survenu l’incident de la Faculté des arts où plusieurs ont tenté de réduire la question à une simple question de liberté d’expression et/ou de liberté académique. La question est beaucoup plus vaste puisque plusieurs membres de notre communauté considèrent que leur droit à la dignité a été atteint. Deux principes sont donc en cause et doivent être réconciliés et c’est ce à quoi la direction de la Faculté des arts s’est attachée en rencontrant les étudiants et en mettant sur pied une nouvelle section du cours pour celles et ceux ne souhaitant pas continuer leur cours avec l’enseignante en question. Il s’agit d’un accommodement nécessaire dans les circonstances, afin de respecter les droits des uns et des autres.

D’aucuns ont, dans ce contexte, expliqué que l’enseignante en question a offert de discuter de la question de l’utilisation du mot commençant par -n dans un cours subséquent. Cela fait partie de sa liberté académique et il lui sera loisible de le faire. Mais qu’on ne soit pas surpris que plusieurs de ses étudiants n’aient tout simplement pas envie, surtout dans la lancée du mouvement Black Lives Matter (BLM), d’avoir encore une fois à se justifier pour que leur droit à la dignité soit respecté. Lors de l’incident, l’enseignante avait tout à fait le choix, dans ses propos, d’utiliser ou non le mot commençant par-n; elle a choisi de le faire avec les conséquences que l’on sait.

La liberté d’expression et la liberté académique sont nécessaires au fonctionnement de toute université. Il faut lutter pour que ces libertés soient omniprésentes dans notre quotidien. Personnellement, je puis vous assurer que je me bats souvent pour défendre la liberté d’expression de collègues dont les propos sont rapportés à mon bureau et pour lesquels mes interlocuteurs exigent l’imposition de sanctions. Régulièrement, des conversations difficiles ont lieu sur toutes sortes de sujets sur notre campus et dans nos salles de cours. Le développement de l’esprit critique en dépend.

Ceci dit, et contrairement aux commentaires de plusieurs ces derniers jours, liberté d’expression et droit à la dignité ne se contredisent pas; ils doivent se compléter et exister l’un en présence de l’autre. C’est l’exercice auquel nous sommes conviés.

Tout au long des derniers jours, la professeure en question est demeurée une employée de l’Université d’Ottawa. Durant les quelques jours où elle n’a pas enseigné, l’Université a organisé un retour ordonné en classe avec sa pleine collaboration. Elle est libre de continuer son cours, ce qu’elle a fait vendredi dernier, comme d’habitude, en bénéficiant de sa pleine liberté académique.

Le recteur et vice-chancelier,
Jacques Frémont