Message du recteur Jacques Frémont à notre communauté universitaire
Ottawa, le mardi 30 mars 2021 –
Membres de la communauté universitaire,
Au cours des derniers mois, des événements polarisants concernant la nature – et les limites – de la liberté académique et de la responsabilité de l’Université d’Ottawa en tant qu’établissement d’enseignement et de recherche ont provoqué bien des remous dans l’opinion publique, en plus de mettre au jour des dissensions au sein même de notre communauté.
À la lumière de ces événements, et dans un souci constant de concilier les enjeux en présence, dont ceux relatifs à la liberté académique, y compris la liberté d’expression, l’indépendance institutionnelle des universités et les valeurs d’équité, de diversité et d’inclusion, l’Université d’Ottawa a demandé au juge à la retraite, l’honorable Michel Bastarache (C.C., c.r.) de présider un nouveau comité pour l’aider à mieux remplir sa mission d’enseignement, de recherche et de services aux membres de notre communauté, tant francophones qu’anglophones. Ce comité aura comme mandat d’examiner de façon indépendante les sujets suivants à des fins de recommandation :
- Les enjeux en présence, dont ceux relatifs à la liberté académique, incluant la liberté d’expression, l’indépendance institutionnelle des universités et les valeurs d’équité, de diversité et d’inclusion et de poursuite de l’égalité réelle ainsi que l’encadrement juridique de ces enjeux;
- Les défis que ces enjeux posent pour l’Université d’Ottawa, université bilingue, dans l’atteinte de sa mission d’enseignement, de recherche et de services à la collectivité;
- Les leçons à tirer des incidents survenus à l’Université d’Ottawa et ailleurs au Canada;
- Les approches et mécanismes permettant de mieux réconcilier les enjeux en présence pour l’avenir et pour permettre à l’administration et aux membres de la communauté de mieux faire face aux situations lorsqu’elles surviennent.
Le comité consultera des membres de la communauté universitaire, entreprendra les études qu’il jugera nécessaires et fera rapport au recteur, au Sénat et au Bureau des gouverneurs. Ce comité reflètera la diversité du corps professoral et soumettra son rapport à l’été 2021.
Je profite par ailleurs de ce message pour réaffirmer l’attachement profond de l’Université d’Ottawa à l’endroit de la francophonie et son engagement dans la promotion et la protection des intérêts de la communauté francophone, sur la scène régionale, nationale et internationale comme elle l’a toujours fait. Cet engagement me lie personnellement et nous lie collectivement. Il est plus que jamais essentiel. C’est d’ailleurs dans cet esprit que le professeur Sanni Yaya, notre vice-recteur, International et Francophonie, lancera bientôt une consultation auprès de nos facultés pour déterminer les meilleures façons de le concrétiser, ici comme à l’étranger.
Pour en apprendre davantage sur cette annonce, je vous invite à visionner mon allocution vidéo sur la création du nouveau comité ou de lire la version écrite de cette allocution dans son intégralité.
Je vous remercie de votre attention.
Le recteur et vice-chancelier,
Jacques Frémont
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A propos de l’honorable Michel Bastarache, C.C., c.r.
Monsieur le juge Bastarache, B.A., LL.L., LL.B., D.E.S. est titulaire de huit diplômes honorifiques. Il a été admis à six barreaux. Il a travaillé au gouvernement du Nouveau-Brunswick et au gouvernement fédéral. Il a été vice-président et directeur du marketing à l’Assomption-Vie, plus tard président et directeur général de l’Assomption-Vie et de ses filiales. Il a été professeur de droit et doyen de l’École de droit de l’Université de Moncton, et doyen associé, section de common law de l’Université d’Ottawa. Il a pratiqué le droit à Ottawa et à Moncton. Il a été nommé à la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick en 1995 et à la Cour suprême du Canada en 1997. Retiré en 2008, il pratique le droit à son propre compte. Il a siégé comme membre de la Cour constitutionnelle intérimaire du Kenya en 2010. Il a été Commissaire pour la Commission d’enquête sur la nomination des juges au Québec. Il a été l’adjudicateur indépendant pour la conciliation relative à l’indemnisation des victimes d’abus sexuel pour les diocèses de Bathurst et de Moncton; il est présentement le vérificateur indépendant pour la conciliation relative aux femmes victimes de harcèlement sexuel dans la GRC. Il est vice-président du Tribunal Administratif de l’Organisation des États américains. Il est l’éditeur et principal auteur de trois ouvrages. Il a reçu une douzaine de prix et désignations dont Compagnon de l’Ordre du Canada et Officier de la Légion d'honneur.
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Version écrite de l'allocution du recteur dans son intégralité:
Chers membres de la communauté universitaire,
Je connais et je partage votre attachement à notre université et ses valeurs. Et je sais que la période de turbulence que nous traversons depuis plusieurs mois en bouleverse plusieurs. Je m’adresse à vous aujourd’hui pour faire le point.
Les propos d’un de nos professeurs sur Twitter ont projeté l’Université sous les feux de la rampe. Notre Université, comme toutes les autres, doit s’opposer fermement à toute forme de racisme et de discrimination. Nous sommes une seule et même communauté où toutes et tous doivent pouvoir étudier, enseigner et travailler dans un climat de respect mutuel et de collaboration.
Les débats qu’on mène chez-nous ou à partir de chez nous doivent se dérouler en toute franchise. Jamais je n’accepterai, en revanche, qu’un combat contre une cause serve de prétexte à insulter d’autres groupes. On ne le dira jamais assez : le ton, les procédés rhétoriques et la forme outrancière de certains gazouillis publiés ces derniers jours et qui reproduisent les préjugés envers le Québec et les Québécois sont rigoureusement inacceptables. Ils ont fait souffrir plusieurs membres de notre communauté et au-delà.
Cette récente controverse nous ramène encore une fois au cœur des principes fondamentaux de notre mission : la liberté académique incluant la liberté d’expression, l’indépendance institutionnelle des universités, et nos valeurs d’équité, de diversité et d’inclusion.
Toutes les universités au pays et en Amérique du Nord sont confrontées à ce genre de situations. Nous nous devons de puiser des expériences d’ici et d’ailleurs pour trouver les moyens les plus susceptibles de mieux concilier de façon concrète les principes en présence et de disposer en toute prévisibilité des outils nécessaires pour gérer de telles situations. Ces questions doivent être discutées et analysées non pas à coup de 280 caractères mais de façon méthodique et posée, comme on doit s’y attendre en milieu universitaire.
C’est dans ce contexte que l’honorable Michel Bastarache a accepté de présider un groupe de réflexion qui examinera les leçons à tirer des incidents récents survenus chez nous et ailleurs au Canada. Il sera entouré de professeurs de notre université et ira à la rencontre de notre communauté. Ce groupe rendra un rapport avant la fin de l’été 2021 et ce rapport sera rendu public.
Par ailleurs, les débats des derniers mois ont aussi démontré la richesse et les défis d’une université bilingue. Ils ont révélé que le bilinguisme se décline bien au-delà des langues française et anglaise, mais par un bagage culturel souvent convergent mais parfois différent. Soyons clair, l’Université d’Ottawa demeure fortement attachée à ses racines francophones. Il faut plus que jamais prendre acte de cette richesse et la catalyser encore davantage au cœur de notre action. Au moment où l’accès à l’éducation supérieure en français est menacé plus que jamais en Ontario et ailleurs au Canada, nous devons en faire plus – pour nous et pour cette francophonie ontarienne et canadienne.
C’est la raison pour laquelle j’ai demandé au vice-recteur International et Francophonie, le professeur Sanni Yaya de mobiliser les forces vives francophones sur notre campus. Il les écoutera et prendra la dimension de leurs rêves, de leurs espoirs et de leurs visions. Celles-ci seront sans doute plurielles et il importe de prendre en compte les réalités facultaires diverses ainsi que toutes les dimensions de la Francophonie sur le campus. Je sais qu’il peut compter sur votre soutien. Ses recommandations viendront bonifier notre plan d’action pour la Francophonie.
D’ici là, je compte que nous puissions mettre de côté nos différends et participer de bonne foi aux deux chantiers que nous lançons aujourd’hui. Ces espaces de réflexion, nous nous les devons en toute urgence pour façonner notre avenir.
Merci.
Le recteur et vice-chancelier,
Jacques Frémont
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