La belle dame, autre nom de la vanesse des chardons (vanessa cardui), est un papillon dont le cycle migratoire peut atteindre 12 000 kilomètres en plusieurs générations, surpassant le monarque (danaus plexippus), qui détenait jusqu’ici ce qu’on croyait être le record. Qui plus est, la belle dame rivalise avec de nombreuses espèces d’oiseaux dans cet aspect.
Une nouvelle étude menée par le professeur Clément Bataille, géochimiste à l’Université d’Ottawa, en collaboration avec son collègue Gerard Talavera de l’Institut de Biologia Evolutiva, et publiée dans la revue scientifique Biology Letters de la Royal Society, a permis de mettre en lumière la prouesse impressionnante d’un papillon pas comme les autres.
Ci-dessous, le professeur Bataille répond à quelques questions.
Parlez-nous des résultats de votre étude.
Nous venons de documenter pour la première fois que la vanesse des chardons vole plus longtemps que toute autre espèce de papillon. Elle se déplace de l’Afrique subsaharienne directement vers l’Europe. Notre étude a montré que les papillons nés de parents ayant quitté l’Europe en automne retournent dans ce continent au printemps, en provenance de l’Afrique tropicale.
Comment en êtes-vous venu à étudier la vanesse des chardons?
Je suis d’abord un hydrogéologue (c’est-à-dire que j’étudie l’eau et les roches) et un géochimiste, donc rien ne me prédisposait à étudier les papillons. Et puis, un jour, j’ai découvert que les traceurs chimiques que j’emploie pour étudier l’eau et les rochers peuvent également servir à étudier les animaux migratoires.
Je me suis alors intéressé aux papillons migratoires parce qu’il est vraiment difficile de les pister avec des outils conventionnels, comme l’observation ou le marquage. J’ai compris qu’il existait un réel besoin de trouver une solution alternative à cet égard pour mieux étudier ces espèces. Et il m’a semblé que le traceur chimique que j’emploie pouvait se révéler fort utile pour résoudre des questions auxquelles on n’avait pas de réponses concernant le cycle migratoire de ces espèces. Ma recherche porte principalement sur l’élaboration d’outils de géolocalisation qui pourront aider les biologistes, les archéologues et les paléontologues à mieux comprendre les espèces qui les intéressent.
Comment avez-vous pu déterminer d’où provenaient les papillons?
Au début de leur vie, quand ils sont des chenilles, les papillons s’alimentent de plantes qui, elles, s’hydratent et se nourrissent à partir de l’eau et la terre autour d’elles. Cette eau et cette terre possèdent un profil chimique qui leur est particulier. En mangeant les plantes, les chenilles incorporent dans leur organisme cette signature chimique qui s’intégrera à leurs ailes quand elles se seront métamorphosées en papillon. Et lorsque le papillon migre, ses ailes conservent cette empreinte chimique de leur lieu d’origine. Ce qui est fort heureux pour nous, puisque cela nous permet de façonner un modèle pour retracer l’itinéraire du papillon vers l’endroit où il est né.
Dans quels endroits du monde peut-on trouver la belle dame?
La belle dame, ou vanessa cardui, est en fait l’espèce de papillons la plus cosmopolite qui soit. On la trouve sur tous les continents, sauf dans la plupart des régions sud-américaines et australiennes.
Est-ce que les papillons suivent les mêmes voies migratoires chaque année? Et les jeunes papillons, savent-ils de manière innée où aller?
C’est une question que nous avons partiellement résolue lors de cette étude. Nous avons pu démontrer que les papillons retournent aux régions paléarctiques en provenance de l’Afrique tropicale et qu’il s’agit d’un cycle migratoire régulier. Pour répondre à votre question, les papillons suivent en effet des voies similaires chaque année. Nous avons cependant besoin de mener une étude à grande échelle sur ces voies, car elles varient en ce qui concerne la destination ou la source, selon le patron des précipitations et la disponibilité des ressources alimentaires. Il est très probable que les papillons possèdent un code génétique qui les prédispose à s’orienter et à se déplacer selon des conditions environnementales particulières.
Quelles sont les prochaines étapes de votre recherche?
Dans l’avenir, nous aimerions cerner avec plus de précision les lieux où les papillons migrateurs ont le plus tendance à se reproduire. Ceci nous permettrait de mieux comprendre le cycle migratoire, pour ensuite mieux cibler nos efforts de conservation.
Faits saillants sur la belle dame :
- Sa vie dure environ un mois, au cours duquel elle voyage pendant des centaines de kilomètres.
- Elle se déplace au gré des vents à une vitesse qui peut atteindre 45 km par heure.
- Elle peut voler à contre-courant si le vent est contraire à sa direction choisie.
- Elle possède des systèmes internes de navigation et d’orientation.
- Sa couleur est d’un rose saumon et ses ailes sont pointues.
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