Un nouveau commentaire met en évidence les lacunes d’une étude ayant servi de fondement aux lignes directrices actuelles en matière de dépistage du cancer du sein

Salle de presse
Femme asiatique subissant une mammographie
Femme asiatique subissant une mammographie

Des scientifiques de l’Institut de recherche Sunnybrook, de l’Hôpital d’Ottawa, de l’Université de la Colombie-Britannique, de l’Université de l’Alberta et de la Harvard Medical School ont publié un nouveau commentaire dans le Journal of Medical Screening confirmant les lacunes importantes de deux essais menés au Canada dans les années 1980 et selon lesquels le recours à la mammographie chez les femmes dans la quarantaine ne contribuerait pas à réduire le taux de mortalité attribuable au cancer du sein.

Ces essais, regroupés sous le nom d’Étude nationale canadienne sur le dépistage du cancer du sein, ont influé sur les politiques de plusieurs pays, y compris le Canada, en excluant des programmes de dépistage les femmes dans la quarantaine. Ce sont les seules études, parmi les huit réalisées dans différents pays, à ne pas avoir montré que le dépistage par mammographie permettait de réduire le taux de mortalité.

La dre Jean Seely

« Notre recherche révèle que l’Étude nationale canadienne comporte un certain nombre de manquements au protocole liés à la méthode de répartition des patientes dans les différents groupes de l’essai – dépistage par mammographie ou non », explique Martin Yaffe, Ph. D., scientifique principal à l’Institut de recherche Sunnybrook. « Compte tenu de ces problèmes importants, les résultats de l’essai ne peuvent être jugés fiables ni servir de fondement aux politiques de dépistage du cancer du sein. »

Dans leur commentaire, les scientifiques signalent que l’une des principales failles de l’étude est la réalisation d’un examen clinique des seins avant l’affectation des patientes aux différents groupes de l’essai. Or, cette répartition devait être aléatoire, bien que, dans certains cas, les résultats de l’examen des seins aient influé sur la décision d’affecter la patiente au groupe de dépistage plutôt qu’au groupe témoin, selon une nouvelle déclaration d’un membre du personnel de l’un des centres de l’essai cité dans la publication. 

« La répartition aléatoire est essentielle à l’uniformité des deux groupes de patientes de l’essai (recours au dépistage ou non). Pour assurer la bonne marche de cette opération, il est primordial que le personnel de recherche ne dispose d’aucun renseignement personnel sur les patientes, sans quoi il pourrait décider, consciemment ou non, de les affecter à un groupe particulier », souligne le Dr Daniel Kopans, co-auteur de l’étude et radiologiste à la Harvard Medical School. « Dans le cadre de l’Étude nationale canadienne, la répartition non aléatoire était possible, car contrairement aux règles des essais contrôlés randomisés, toutes les patientes devaient se soumettre à un examen clinique des seins préalable.  Nous avons maintenant confirmé que les résultats de cet examen étaient connus, à tout le moins de certains membres du personnel de coordination de recherche. Comme l’affectation au groupe de dépistage ou au groupe témoin se faisait à partir de listes ouvertes, le personnel pouvait procéder de façon non aléatoire. Nous savons désormais que c’est effectivement ce qui s’est produit. »

Les résultats d’une étude canadienne plus récente révèlent que le recours à la mammographie durant la quarantaine est associé à une réduction de 44 % du taux de mortalité attribuable au cancer du sein. Les travaux de recherche du professeur Yaffe montrent qu’un déséquilibre, ne serait-ce que minime, dans la répartition des femmes atteintes d’un cancer du sein au stade avancé au moment de leur admission à l’étude pourrait affecter les résultats suffisamment pour masquer la réduction du taux de mortalité. Il ajoute que l’influence de cette étude sur les politiques de dépistage a considérablement affecté le bilan du cancer du sein au Canada et pourrait avoir contribué au décès évitable de plus de 400 Canadiennes chaque année.

La Dre Jean Seely, co-auteure de l’étude et cheffe, Imagerie du sein à l’Hôpital d’Ottawa, souligne l’importance de réévaluer l’étude, en raison de l’influence considérable qu’elle a exercée sur les lignes directrices en matière de dépistage du cancer du sein chez les jeunes femmes. Elle dit voir souvent des femmes dans la quarantaine présentant une masse cancéreuse qui aurait pu être détectée à la mammographie alors qu’elle était au stade précoce et plus facile à traiter, contrairement à ce qu’indiquent les lignes directrices en vigueur.

« Le dépistage sauve des vies », insiste la Dre Seely, qui est également professeure de radiologie à l’Université d’Ottawa. « Lorsque le cancer du sein est détecté tôt, le taux de survie 5 ans après le diagnostic s’établit à 98 %. »

À l’heure actuelle, le Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs (GECSSP) ne recommande pas le dépistage par mammographie chez les femmes âgées de 40 à 49 ans qui ne présentent pas de facteurs de risque supérieur à la moyenne, comme une mutation du gène BRCA ou la présence d’un cancer du sein chez un membre de la famille.

Le collectif de scientifiques estime que le GECSSP devrait revoir les lignes directrices actuelles à la lumière de cette nouvelle information. D’ici là, la Dre Seely suggère « que toutes les femmes de 40 et plus soient soumises au dépistage par mammographie afin de bénéficier d’un diagnostic au stade précoce et ainsi de réduire leur risque de décéder ou de subir un traitement plus effractif, comme la mastectomie totale ou la chimiothérapie ».
 

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