Une règle conçue à Ottawa peut aider les urgentologues à prédire quels patients ayant fait un mini-AVC courent le plus de risques d’avoir un AVC majeur dans la semaine qui suit, selon une étude publiée dans la revue The BMJ.
« Un mini-AVC peut être l’avertissement qui précède un AVC plus important », précise le Dr Jeffrey Perry, urgentologue et scientifique principal à L’Hôpital d’Ottawa et professeur à l’Université d’Ottawa. « Heureusement, nous sommes très aptes à prévenir d’autres AVC si le patient se présente rapidement à l’urgence. »
Un mini-AVC, aussi appelé accident ischémique transitoire (AIT), se caractérise par un blocage temporaire de l’approvisionnement en sang au cerveau. Les symptômes sont similaires à ceux d’un AVC : affaissement du visage, faiblesse d’un bras ou d’une jambe, perte de la vue et trouble de la parole. Contrairement à l’AVC, les symptômes durent habituellement de quelques minutes à quelques heures et ne causent pas de dommages permanents.
Or, si la personne atteinte d’un AIT n’est pas traitée, son risque de subir un autre AVC peut s’élever jusqu’à 10 %, et ce, surtout au cours de la semaine qui suit.
« Les AIT sont assez courants. Nous en diagnostiquons un ou deux par jour à l’Urgence de L’Hôpital d’Ottawa, ajoute le Dr Perry. Nous avons conçu la règle canadienne sur l’AIT pour mieux cerner les patients les plus à risque d’avoir un autre AVC et qui doivent donc recevoir des soins d’urgence de façon prioritaire. La règle nous permet aussi d’apaiser les craintes des patients qui courent peu de risques. »
Règle canadienne sur l’AIT
La règle canadienne sur l’AIT prend appui sur 13 renseignements recueillis à l’urgence pour classer le patient dans une catégorie de risque faible (moins de 0,5 %), moyen (2,3 %) ou élevé (6 %) d’avoir un AVC au cours de la semaine suivante.
« Si le patient court un risque élevé, nous mettons tout en œuvre immédiatement à l’urgence : imagerie diagnostique, début du traitement et consultation d’un neurologue, poursuit le Dr Perry. Si le risque est moyen, nous prenons les mêmes mesures, mais nous dirigeons ensuite le patient vers une clinique de prévention de l’AVC où il pourra voir un neurologue le lendemain ou le surlendemain. Si le risque est faible, le patient n’a pas besoin d’être hospitalisé et peut être traité à l’externe par un neurologue ou son médecin de famille. »
L’outil a été validé dans 13 Urgences canadiennes pendant cinq ans. Des 7 607 patients qui ont participé à l’étude de validation après un AIT ou mini‑AVC, 17 % (1 293) couraient un risque faible, 71 % (5 400), un risque moyen et 13 % (989), un risque élevé d’AVC.
En tout, 108 participants (1,4 %) à l’étude ont subi un autre AVC au cours de la semaine suivante et 83 (1,1 %) ont eu une chirurgie préventive pour améliorer la circulation sanguine dans le cou. Ce faible taux d’AVC témoigne de façon éloquente de l’efficacité des soins préventifs fournis dans les urgences.
L’étude montre que la règle canadienne sur l’AIT permet de classer les patients dans les catégories de risques de façon beaucoup plus pertinente que l’outil actuel, appelé ABCD2. Ce dernier ne comprend que deux catégories (risque faible ou élevé), ce qui n’est pas toujours utile pour les médecins.
« Les médecins peuvent maintenant utiliser la règle canadienne sur l’AIT dans les urgences afin de prendre des décisions plus éclairées en ce qui concerne les soins des patients qui ont fait un mini-AVC », explique le Dr Perry.
Pleins feux sur un patient
La règle canadienne sur l’AIT améliorent les chances que des patients comme Peter Nephin reçoivent des soins urgents de façon prioritaire. En 2020, ce passionné de cyclisme a ressenti un picotement persistant dans le bras droit pendant qu’il lisait au chalet. Lorsque sa femme s’est aperçue qu’il avait aussi de la difficulté à parler, ils se sont précipités à l’urgence la plus proche. M. Nephin a ensuite été transféré au Campus Civic de L’Hôpital d’Ottawa, le centre de référence régional en matière d’AVC. Des examens d’imagerie ont révélé deux problèmes dans une artère du cou : une section obstruée à 55 % et la présence d’un caillot de sang. Il est resté à l’Hôpital quelques jours pour recevoir des anticoagulants capables d’éliminer le caillot et avoir une chirurgie destinée à éliminer le blocage.
« J’ai eu la frousse, mais le personnel de l’Hôpital a réussi à me calmer. J’ai senti qu’ils prenaient bien soin de moi – ma vie était entre leurs mains », affirme M. Nephin, qui s’est complètement rétabli et ne présente aucune séquelle de l’AIT.
Un AIT est une urgence médicale. Une personne qui en éprouve les symptômes doit composer le 911 et se faire amener à l’urgence la plus proche, et ce, même si ses symptômes se sont dissipés.
« Les trois quarts des patients qui ont participé à l’étude venaient de faire leur premier mini-AVC et plus d’un tiers sont arrivés à l’urgence en ambulance, précise le Dr Perry. C’est un rappel qu’il faut toujours prendre au sérieux les symptômes d’un AVC, même s’ils semblent disparaître rapidement ».
La règle canadienne sur l’AIT est publiée dans l’appli sur les règles d’Ottawa.
Reference: Prospective validation of Canadian TIA Score and comparison with ABCD2 and ABCD2i for subsequent stroke risk after transient ischaemic attack: multicentre prospective cohort study. Jeffrey J Perry, Marco L A Sivilotti, Marcel Émond, Ian G Stiell, Grant Stotts, Jacques Lee, Andrew Worster, Judy Morris, Ka Wai Cheung, Albert Y Jin, Wieslaw J Oczkowski, Demetrios J Sahlas, Heather E Murray, Ariane Mackey, Steve Verreault, Marie-Christine Camden, Samuel Yip, Philip Teal, David J Gladstone, Mark I Boulos, Nicolas Chagnon, Elizabeth Shouldice, Clare Atzema, Tarik Slaoui, Jeanne Teitlebaum, Kasim Abdulaziz, Marie-Joe Nemnom, George A Wells, Mukul Sharma. The BMJ. Feb 3, 2021. DOI:
Financement : L’étude a été financée par les Instituts de recherche en santé du Canada. La recherche à L’Hôpital d’Ottawa est rendue possible grâce aux généreux dons de la collectivité à la Fondation de l’Hôpital d’Ottawa.
Pour les médias (entrevues en anglais seulement) :
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