Opinion publique sur la réforme de la justice pénale : les préoccupations morales et non l’appartenance politique

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marteau de juge sur une table
marteau de juge sur une table

Une étude réalisée par l’Université d’Ottawa et l’Université McGill démontre que l’inclination du public pour les politiques sévères en matière de justice pénale est davantage fondée sur les préoccupations morales que sur les affiliations politiques.

Professeure Carolyn Côté-Lussier

Le Canada entreprend actuellement une révision des fondements de ses politiques de justice pénale, notamment en ce qui a trait aux pratiques controversées de l’isolement et des peines minimales obligatoires. Ces enjeux ont été ramenés au premier plan après de récents décès en isolement hautement médiatisés et d’importants délais dans les tribunaux canadiens. Chez nos voisins du sud, l’initiative de réforme du système étatsunien de justice pénale englobe entre autres des lois visant à faciliter la libération des personnes condamnées par erreur et l’amélioration des conditions carcérales pour les personnes atteintes de maladies mentales. Le cheminement de ces réformes repose entre autres sur l’atteinte d’un consensus politique.

Dans une nouvelle étude publiée dans le Journal of Psychology Public Policy and Law, les chercheurs Carolyn Côté-Lussier, du Département de criminologie de l’Université d’Ottawa, et Jason T. Carmichael, du Département de sociologie de l’Université McGill, suggèrent que pour gagner l’appui du public sur la question des politiques de justice pénale, il est avant tout nécessaire de répondre aux préoccupations morales de la population. Selon les deux chercheurs affiliés au Centre international de criminologie comparée de l’Université de Montréal, les enjeux d’iniquité peuvent façonner la perception qu’ont les membres du public des personnes inculpées et reconnues coupables de crimes, tout comme leur avis sur la sévérité avec laquelle celles-ci devraient être traitées. Le souci de l’équité dans son ensemble – comme le fait de ne pas rester indifférent devant le traitement différentiel réservé à certains et le non-respect des droits – semble être une préoccupation morale universelle qui transcende les cultures et les affiliations politiques. Les personnes qui se préoccupent de l’équité en général, quelles que soient leur opinion politique, ne souhaitent pas une approche plus punitive pour ceux et celles qui se retrouvent dans le système de justice pénale.

« Nous avons établi que les préoccupations morales qui motivent l’appui aux politiques de justice pénale transcendent les allégeances politiques; il n’est donc pas utile d’estimer que les personnes et les gouvernements à l’idéologie libérale sont nécessairement portés vers des politiques moins sévères », explique Carolyn Côté-Lussier.

Les chercheurs se sont penchés sur les données de trois études distinctes réalisées auprès d’un peu moins de 600 personnes résidant à Londres pour déterminer si l’appui du public pour les politiques punitives était surtout attribuable à l’affiliation politique, à l’idéologie ou aux préoccupations d’ordre moral.

L’équipe a ainsi confirmé que les préoccupations morales et idéologiques concernant le pouvoir contribuaient à expliquer l’appui pour de telles politiques. Or, les préoccupations morales profondément ancrées en ce qui a trait à l’équité entraient aussi en ligne de compte.

Les travaux des deux chercheurs démontrent que si elles sont bien expliquées et objectivement évaluées comme étant équitables, les réformes pénales difficiles et initialement impopulaires auprès du public sont susceptibles d’être acceptées au fil du temps.

« Il faut mettre l’accent sur la promotion d’un système de justice fondé sur l’efficacité, l’équité et la compassion plutôt que sur la sévérité – une approche vague et problématique en soi », explique Jason T. Carmichael.

« Bref, résume Carolyn Côté-Lussier, faire appel aux préoccupations du public en ce qui a trait à l’équité a le potentiel d’atténuer les préférences punitives, indépendamment de l’affiliation politique des uns et des autres. »
 

Un système de justice pénale qui coûte cher

On estime que les dépenses liées au système canadien de justice pénale se sont accrues de 66 % entre 2002 et 2012, passant de 13,4 à 20,3 milliards de dollars. Bien que le taux d’incarcération des adultes est demeuré relativement stable au cours des quelque 50 dernières années au Canada, le nombre de personnes qui attendent leur procès derrière les barreaux est monté en flèche – en 2016, ces personnes composaient plus de la moitié de la population carcérale au Canada.

« Le système de justice pénale est de plus en plus coûteux, tant sur le plan économique que social. Même si elles ne seront pas populaires au départ, les réformes axées sur la désincarcération sont une nécessité pratique », souligne Jason T. Carmichael.

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