Dans un monde où chacun retient son souffle pour un vaccin, il est facile d’oublier que la vaccination n’est qu’un morceau du casse-tête. Une personne qui est infectée par la COVID-19 a besoin d’un traitement, et les options de traitement actuelles sont très limitées.
Une équipe de l’Université d’Ottawa, dirigée par les Drs Alan Tinmouth et Dr Dean Fergusson, collabore à une initiative visant à répondre à une question qu’on se pose depuis longtemps, à savoir si le plasma sanguin en phase de convalescence de patients guéris peut être utilisé pour traiter des patients malades.
Le Dr Tinmouth est professeur agrégé au Département de médecine de l’Université d’Ottawa; Chef de la division d’hématologie et de médecine transfusionnelle à L’Hôpital d’Ottawa; et directeur du Centre de recherche en transfusion de l’Institut de recherche de L’Hôpital d’Ottawa. Pour sa part, le Dr Fergusson est professeur aux départements de médecine, de chirurgie et à l’École d’épidémiologie et de santé publique de l’Université d’Ottawa; et directeur et scientifique principal du programme d’épidémiologie clinique de l’Institut de recherche de L’Hôpital d’Ottawa.
Le concept derrière le traitement à base de plasma sanguin en phase de convalescence est que les patients qui sont récemment tombés malades et n’ont pas encore commencé à former leurs propres anticorps peuvent bénéficier de la sagesse durement gagnée d’un système immunitaire bien établi. Si le plasma en phase de convalescence peut s’attaquer à la COVID plus tôt, cela pourrait empêcher la détérioration de l’état de santé du patient. Ces anticorps empruntés pourraient alors enrober le virus, permettant ainsi au corps de l’éliminer avant qu’il ne puisse envahir plus de cellules.
D’autre part, si cette approche fonctionne trop bien, il reste à déterminer si un organisme qui est aidé de cette façon peut tout de même développer sa propre immunité à long terme aussi solidement qu’un organisme qui mène seul sa bataille.
Le plasma en phase de convalescence a souvent été utilisé, notamment pour le SRAS à Hong Kong, l’Ebola, et le SRMO. Le recours à la perfusion remonte aussi loin qu’à la grippe espagnole de 1917-1918. Cependant, ceci n’a jamais fait l’objet d’une étude approfondie à partir d’expériences contrôlées aléatoires à une échelle suffisamment grande pour obtenir des réponses définitives.
« Il existe des études ou des rapports de l’épidémie de grippe de 1917 et 1918, mais aucun essai clinique aléatoire n’était fait à l’époque; ces essais n’ont vu le jour que dans les années 1960 », rapporte le Dr Tinmouth.
Les patients qui en sont dans les douze premiers jours de l’apparition de leurs symptômes et dont l’état s’est aggravé à un point tel qu’ils ont dû être hospitalisés et recevoir de l’oxygène peuvent participer à cette étude. Les patients ont été répartis de façon aléatoire dans deux groupes : ceux traités selon la norme de soins (traitements habituels) et ceux ayant reçu un traitement à base de plasma en phase de convalescence. Pour chaque patient affecté au groupe témoin de la norme de soins, deux patients en moyenne sont affectés au traitement expérimental.
Chaque patient reçoit 500 ml de plasma prélevé par la Société canadienne du sang (SCS) ou Héma-Québec auprès de personnes qui se sont complètement rétablies. (La société procède d’abord à l’analyse du plasma pour s’assurer qu’il contient un taux élevé d’anticorps.) Ensuite, les chercheurs suivent les patients pendant 30 jours pour voir s’ils atteignent ou non l’un ou les deux jalons : être intubé et mis sous assistance respiratoire, ou mourir. À la fin de l’étude, une comparaison des deux groupes permettra de déterminer si l’intervention a été réussie.
« Nous estimions qu’il s’agissait d’un résultat important, parce que nous tentons de limiter la pression exercée sur notre système de soins de santé quant au nombre de patients intubés », explique le Dr Tinmouth. « Évidemment, c’est aussi un mauvais résultat pour le patient. »
D’après les antécédents naturels des patients hospitalisés, l’équipe estime qu’ils verront un taux d’intubation d’environ 30 % chez les patients recevant la norme de soin. Ils espèrent pouvoir réduire ce taux à environ 22,5 % grâce à l’utilisation de plasma en phase de convalescence. Mais pour parvenir à cette preuve statistique, ils ont besoin de 1200 sujets, 800 qui reçoivent le plasma et 400 dans le groupe témoin. Selon le Dr Tinmouth, cela en fait la plus grande étude sur le plasma en phase de convalescence à ce jour dans le monde. Cette étude implique plusieurs collaborateurs, notamment les ressources du Réseau canadien de recherche en transfusion, l’Hôpital Sunnybrook à Toronto, le Centre des sciences de la santé de Hamilton, l’Hôpital Ste-Justine à Montréal, et, bientôt, l’Université Cornell aux États-Unis.
Si on parvient à établir que le plasma en phase de convalescence à des propriétés de guérison, cela révolutionnera les pratiques médicales bien au-delà de la crise actuelle. Il pourrait faire partie de la solution à long terme au traitement de la COVID si ce nouveau coronavirus s’avère trop mutable pour un vaccin unique durable. En outre, il pourrait être utilisé comme traitement thérapeutique ou de prévention pour d’autres maladies infectieuses.
La collaboration a déjà permis la répartition aléatoire de patients à Montréal et à Toronto, et elle débutera cette semaine à Ottawa. Entre-temps, les chercheurs sont confrontés à ce qui, pour le reste de la population, constitue un bon problème : le nombre de patients hospitalisés est en baisse en ce moment. Ils auront donc de la difficulté à parvenir à leur quota de sujets, ou jusqu’à ce qu’un nouveau pic de cas facilite leur recherche de patients.
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