Le recteur Frémont annonce un nouveau Comité d’action antiracisme et inclusion

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Voici le message présenté par le recteur et vice-chancelier Jacques Frémont au Sénat de l’Université d’Ottawa le lundi 23 novembre 2020.

 

Aujourd’hui, je désire profiter de l’occasion pour revenir sur un incident récent qui a généré beaucoup de réactions non seulement sur notre campus mais à l’extérieur. Mon principal objectif est de corriger des faits, d’ajouter des commentaires et de partager certaines réflexions sur la manière dont nous pouvons aller de l’avant.

À notre réunion du 19 octobre dernier, je vous ai informés d’un incident survenu à la Faculté des arts. Le mercredi suivant, j’ai envoyé une déclaration à notre communauté universitaire. J’ai aussi présenté une mise à jour au Bureau des gouverneurs, lors de sa réunion régulière du 26 octobre. Durant cette période, les médias et les médias sociaux se sont emparés de cet enjeu et y ont accordé beaucoup d’attention, en véhiculant malheureusement une foule d’informations erronées qui ont contribué à alimenter la division au sein de notre communauté.

Correction des faits

Je tiens à rassurer les membres du Sénat : les décisions prises par l’Université dans cette affaire n’ont pas été arbitraires et ont été prises conformément aux dispositions de la convention collective qui s’appliquent. Permettez-moi de résumer ce qui s’est passé. Je tiens à préciser que ces faits ont été validés par plusieurs sources :

  • Le 23 septembre, la professeure à temps partiel Lieutenant-Duval a prononcé le mot en n lors d’un cours pendant une discussion en classe sur la réappropriation de certains termes offensants par certains groupes, notamment les personnes racisées et les communautés LGBTQ.
  • À la suite de ce cours, une étudiante participant au cours, membre d’un groupe racisé, a envoyé un courriel à la professeure pour lui signaler que plusieurs étudiants s’étaient sentis blessés et pour demander que ce mot ne soit plus jamais prononcé en classe.
  • La professeure s’est excusée auprès de cette personne et lui a proposé de diriger une discussion en classe sur l’utilisation du mot en n lors du cours suivant. Cela a provoqué des tensions au sein du groupe, les étudiants jugeant cette proposition inappropriée. Les étudiants estimaient que la professeure rejetait ainsi sur eux le fardeau d’éduquer leurs pairs et de revendiquer leur droit à la dignité et au respect.
  • Les échanges au sein du groupe sont devenus très difficiles, plusieurs étudiants contestant les déclarations de la professeure, dont une jugée comme menaçante par des participants.
  • Les tensions ont été telles que tant les étudiants que la professeure elle-même ont lancé un appel à l’aide au doyen afin de résoudre la situation.
  • Le doyen a alors entrepris les démarches suivantes :
    • Il a informé la professeure qu’elle serait relevée de ses tâches d’enseignement le temps de mener une enquête. La professeure n’a jamais été suspendue à des fins disciplinaires. Il s’agissait d’une suspension administrative, avec salaire, qui n’a duré qu’une seule journée ouvrable.
    • Il a organisé une rencontre entre des représentants de l’Université et la professeure. Celle-ci était accompagnée de représentants syndicaux et d’un avocat, tel que le prévoit la convention collective de l’APTPUO.
    • Il a mis en place des mesures pour faciliter un retour en classe de la professeure dans les meilleures conditions possibles. Cela comprenait une formation en équité, diversité et inclusion (ÉDI) pour la professeure; une discussion en groupe avec les étudiants, dirigée par des experts en ÉDI; et la création d’une classe séparée pour celles et ceux qui ne désiraient plus poursuivre leur session avec cette professeure.
  • La professeure a repris ses tâches d’enseignement et a donné son cours suivant, le 16 octobre.

 

Notre communauté et les relations professeurs-étudiants

J’aimerais maintenant aborder la question des impacts que cette situation a eu sur la vie de notre campus.

Au cours des dernières semaines, j’ai été peiné et troublé par la rapidité avec laquelle des membres de notre communauté ont tiré des conclusions basées sur des informations incomplètes. Je suis découragé de constater le déferlement de commentaires qui divisent, émis au nom de principes qui sont justement fondés sur le respect de la dignité, les règles de la civilité et la liberté universitaire.

Bien que ces comportements ne représentent pas la majorité des membres de notre communauté universitaire, ils ont sans contredit créé des divisions internes qui ont empoisonné des relations interpersonnelles et, dans certains cas, des amitiés personnelles, et ce, non seulement au sein de notre corps professoral, mais aussi parmi le personnel de soutien. Cela ne peut être ignoré et nous devons prendre des mesures pour permettre à notre communauté de panser ses plaies

J’ai demandé à certaines personnes et certains petits groupes de tenter de restaurer la civilité dans leurs interactions avec autrui. Je fais le même appel auprès de vous, membres du Sénat qui est chargé d’assurer la saine gestion des enjeux universitaires sur notre campus.

Nous devons comprendre et nous attaquer aux causes profondes du racisme systémique présent à l’intérieur de nos murs et dans la société en général. Nous condamnons sans réserve le racisme, le harcèlement, les insultes raciales et la discrimination. Je suis conscient qu’au cœur de ce débat, tant sur notre campus qu’ailleurs, se trouvent la liberté universitaire et la liberté d’expression. Il est cependant essentiel de reconnaître que la liberté universitaire, la liberté d’expression et la lutte contre le racisme doivent coexister dans un environnement qui protège le droit au respect et à la dignité.

De plus, en tant qu’université, nous devons faire attention de ne pas aborder ces principes uniquement ou principalement du point de vue professoral. Nous ne pouvons occulter le déséquilibre des pouvoirs implicite que constitue la relation professeur-étudiant, car cela conditionne bien souvent la façon dont les étudiants perçoivent ce que leurs professeurs disent ou font et ne fait qu’exacerber leur vulnérabilité.

Cela peut paraître comme une évidence, mais les étudiants possèdent le plein droit de s’exprimer et de débattre afin de développer leur esprit critique. Ils peuvent et doivent débattre de ce qui se passe en classe. Dans certains cas, les étudiants vont parfois perdre de vue leur obligation d’agir avec civilité dans leurs échanges dans le cadre universitaire. Parfois, ils vont utiliser les médias sociaux pour amplifier leur voix.

Le déséquilibre du pouvoir exige que les membres du corps professoral et les administrateurs de l’Université écoutent les points de vue des étudiants, entendent leurs doléances et fassent preuve de sérieux dans le traitement des expériences vécues par nos étudiants, particulièrement celles des membres des communautés BIPOC.

Dans la vaste majorité des quelque 4 000 cours offerts, les étudiants de l’Université d’Ottawa apprennent dans un milieu respectueux qui vise à stimuler leur intellect et leur pensée critique.

Mais l’incident survenu à la Faculté des arts, ainsi que d’autres, nous rappellent que, dans de rares occasions, des perturbations peuvent fragiliser la capacité d’apprendre et d’interagir en toute liberté. Dans de tels cas, nous avons l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour rétablir un climat propice à l’apprentissage. Dans ces cas, ce n’est pas aux étudiants qu’incombe cette responsabilité.

 

La voie à suivre : actions contre le racisme

Dans ce contexte, nous devons poser des gestes immédiats pour contrer le racisme sous toutes ses formes sur notre campus et améliorer rapidement nos procédures et notre approche.

Depuis juin 2019, l’Université a adopté plusieurs mesures pour combattre le racisme. Mais nous devons en faire davantage. Nous avons entendu les membres étudiants du Bureau, ainsi que d’autres, nous dire que le Comité consultatif du recteur pour un campus anti-raciste et inclusif doit être transformé en un comité d’action.

Je vous annonce donc aujourd’hui la dissolution de ce comité et la mise en place d’un nouveau comité, davantage axé sur l’action, avec un nouveau mandat et une nouvelle composition.

Ce nouveau Comité d’action antiracisme et inclusion rassemblera des membres de notre communauté et aura pour mandat de :

  • Analyser les ressources, programmes, politiques, processus et pratiques de l’Université pour comprendre comment ils contribuent au racisme systémique;
  • Formuler des recommandations pour une meilleure inclusion des personnes noires, autochtones et racisées à l’Université;
  • Éliminer les obstacles aux efforts de l’Université à l’égard de la diversité et l’inclusion.

Le nouveau Comité d’action définira les cibles et les résultats recommandés et supervisera leur concrétisation. Il sera responsable d’assurer le suivi des recommandations et fera régulièrement rapport sur les progrès réalisés au Comité d’administration et au Bureau des gouverneurs. La mise en œuvre du plan et sa coordination sera appuyé par un conseiller spécial qui sera nommé sous peu. 

Le travail de ce comité sera crucial et exigera de la collaboration et de la consultation auprès de l’ensemble de notre communauté universitaire.

Ce comité sera composé de représentants appartenant aux communautés noires, autochtones et racisées, de même qu’à des groupes étudiants revendiquant l’équité et la diversité; ainsi que de représentants du corps professoral et du personnel de soutien. Deux membres seront aussi nommés par le Bureau des gouverneurs.

Un appel de candidatures sera lancé prochainement et j’encourage nos étudiants, professeurs et employés à proposer des candidatures susceptibles de contribuer à l’avancement de notre communauté.

J’ai confiance que le plan d’action soumis par ce comité, combiné à d’autres initiatives déjà en place ou toujours en cours, nous mettront sur la bonne voie pour consolider l’engagement de notre Université à contrer le racisme sur notre campus, et particulièrement à l’endroit des personnes noires et des personnes autochtones.

Alors que réaliserons des progrès au cours des mois à venir, nous devrons également nous concentrer sur la guérison au sein de notre communauté. Je suis convaincu que nous en ressortirons plus forts.