Les « secrets des nœuds » : des chercheurs de l’Université d’Ottawa utilisent des nœuds optiques encadrés pour le chiffrage

Salle de presse
Vue de dessus des nœuds encadrés créés par les chercheurs.
Vue de dessus des nœuds encadrés créés par les chercheurs.

Première mondiale : des chercheurs de l’Université d’Ottawa ont créé en laboratoire, en collaboration avec des scientifiques israéliens, des nœuds optiques encadrés susceptibles d’ouvrir de nouveaux horizons technologiques dans le domaine de la distribution des clés de chiffrement, qui servent à la communication sécurisée de données secrètes ou confidentielles. Les résultats de leur recherche viennent d’être publiés dans la revue Nature Communications.

« Ces avancées sont fondamentales du point de vue de la topologie puisque les nœuds encadrés pourront servir de base aux calculs quantiques topologiques », explique le professeur Ebrahim Karimi, auteur principal de l’article et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la lumière structurée à l’Université d’Ottawa.

« Nous avons en outre utilisé des structures optiques non triviales comme vecteurs d’information et mis au point un protocole de sécurité pour les communications classiques qui code l’information dans ces nœuds encadrés. »

Le concept

Le premier auteur de l’article, Hugo Larocque, diplômé de l’Université d’Ottawa et doctorant au MIT, propose cette petite expérience facile à réaliser soi-même pour s’initier aux nœuds encadrés, des objets en trois dimensions pouvant également être décrits comme des surfaces :

« Essayez de nouer une bande de papier étroite. Vous obtiendrez alors ce qu’on appelle un nœud encadré, un objet qui a des propriétés mathématiques vraiment intéressantes et utiles. »

L’équipe de scientifiques a cherché à faire la même chose, mais avec un faisceau optique, une opération beaucoup plus difficile. Et après quelques essais ayant produit des nœuds qui avaient surtout l’air de ficelles emmêlées, elle a finalement obtenu une structure de ruban noué, l’essence même du nœud encadré.

« Nous avons utilisé des techniques de modelage de faisceau pour manipuler les caractéristiques vectorielles de la lumière », explique Hugo Larocque. « En modifiant la direction d’oscillation d’un champ lumineux pour l’imprimer le long d’un nœud optique “non encadré”, nous avons pu en quelque sorte encadrer ce nœud optique en “collant” les lignes tracées par les champs oscillatoires. »

Les faisceaux lumineux structurés, soulignent les chercheurs, sont de plus en plus exploités pour coder et distribuer de l’information.

« Jusqu’à présent, les applications se limitaient aux quantités physiques pouvant être reconnues par l’observation du faisceau à partir d’une position donnée », indique Alessio D’Errico, chercheur postdoctoral à l’Université et co-auteur de l’étude. « Nos travaux montrent que le nombre de torsions du ruban et une factorisation des nombres premiers permettent de produire une représentation “en tresse” du nœud. »

« Les caractéristiques structurelles des nœuds permettent de les utiliser dans les programmes de traitement d’information quantique », poursuit Hugo Larocque. « Lorsque ces programmes doivent protéger des renseignements envoyés à d’autres parties, on voudra être en mesure de chiffrer la “tresse” puis la décoder plus tard. Nos travaux s’attaquent à cette question en proposant de faire appel à un nœud optique encadré comme objet de chiffrement dans ces programmes, le contenu codé pouvant être récupéré ensuite par la méthode d’extraction de tresses que nous avons aussi mise au point. »

« Pour la première fois, ces structures 3D complexes ont servi à mettre au point de nouvelles méthodes de distribution de clés secrètes. En outre, on s’intéresse grandement à l’application des concepts topologiques dans les domaines de l’informatique quantique, des communications et de l’électronique sans dissipation thermique. Les nœuds sont aussi décrits au moyen de propriétés topologiques particulières, un élément encore inexploité dans les protocoles de chiffrement. »
 

Schéma illustrant le chiffrement d’une tresse insérée dans un nœud encadré


Le point de départ

L’idée qui a mené à ces travaux est apparue en 2018, au cours d’une discussion avec des chercheurs d’Israël rencontrés lors d’un symposium scientifique à Crète, en Grèce. Les scientifiques de l’Université Ben-Gourion du Néguev et de l’Université Bar-Ilan, en Israël, avaient poussé plus loin le protocole de chiffrement des tresses fondé sur les nombres premiers et les nœuds encadrés.

Le projet a traversé la Méditerranée et l’Atlantique pour atterrir dans le laboratoire du professeur Karimi, situé dans le Complexe de recherche avancée de l’Université d’Ottawa. C’est là qu’on a mis au point et appliqué le processus expérimental. Les données ont ensuite été analysées et la structure en tresse extraite grâce à un programme spécial élaboré à cette fin.

Les applications

« Les technologies nous permettent désormais de manipuler, avec une très grande précision, diverses caractéristiques des faisceaux lumineux comme l’intensité, la phase, la longueur d’onde et la polarisation », souligne Hugo Larocque. « C’est ce qui permet de coder et décoder des données avec des méthodes entièrement optiques. De nouveaux protocoles cryptographiques quantiques et classiques ont été élaborés pour exploiter toutes ces variables. »

« Nos travaux ouvrent la voie à l’utilisation de structures topologiques complexes cachées dans un faisceau laser pour distribuer des clés de chiffrement secrètes. »

« D’ailleurs, les applications théoriques et expérimentales que nous avons mises au point devraient mener à de nouvelles approches expérimentales dans le domaine des calculs quantiques topologiques, ce qui augure bien pour régler les problèmes de bruit que l’on rencontre actuellement en informatique quantique », conclut le professeur Ebrahim Karimi.
 

Rendu de la structure reconstruite d’un nœud de trèfle encadré généré avec un faisceau optique.


L’article Optical framed knots as information carriers vient d’être publié dans la revue Nature Communications.

 

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