Des chercheuses de l’Université d’Ottawa ont lancé une enquête pour connaître l’opinion des francophones en Ontario au sujet des services de santé numériques développés pour offrir des soins virtuels, comme la téléconsultation ou les applications mobiles de santé, afin de savoir s’ils sont utiles et acceptables.
Cette initiative s’inscrit dans le projet de recherche intitulé « Penser l'avenir des services de santé numériques avec les francophones de l’Ontario : une approche de co-design pour comprendre les usages et l’acceptabilité sociale des technologies numériques de santé. »
Pour en savoir plus, nous avons interrogé la chercheuse principale Sylvie Grosjean, professeure titulaire au Département de communication à l’Université d’Ottawa et titulaire de la Chaire de recherche en francophonie internationale sur les technologies numériques de santé.
À quel besoin répond votre étude ?
« Plusieurs initiatives gouvernementales visent à soutenir le déploiement de services de santé numériques afin de réduire les inégalités d’accès aux soins au Canada. Dans ce contexte se développent divers services reposant sur des technologies telles que la télémédecine, des applications mobiles de télésuivi, des objets connectés. Le développement de ces technologies numériques en santé ouvre de nombreuses possibilités tant pour les patients et leurs familles que pour les professionnels de la santé. Elles apparaissent aussi comme étant des solutions à plusieurs défis que doit relever notre système de santé, par exemple les inégalités d’accès aux soins, la hausse de la prévalence des maladies chroniques ou encore le vieillissement de la population.
Cependant, les usages de ces technologies tant par les patients que les professionnels de la santé restent à être mieux documentés afin de comprendre la manière dont les personnes s’approprient et utilisent ces technologies. »
« Il y a eu un recours massif à la télémédecine au cours de la pandémie de COVID-19. Mais cela a soulevé quelques enjeux, notamment en matière de communication et de confiance. » – Sylvie Grosjean
Votre étude commence par une enquête en ligne sur l’acceptabilité sociale des technologies numériques de santé par les francophones de l’Ontario. Pourquoi sonder ce groupe en particulier ?
« L’une des recommandations du Commissariat aux services en français de l’Ontario (2018) était qu’il fallait encourager la mise en œuvre d’une stratégie de développement de la santé numérique qui tient compte des différences culturelles et linguistiques des collectivités francophones. Une meilleure compréhension des déterminants sociaux et culturels de l’appropriation de ces technologies s’avère nécessaire.
Par ailleurs, des recherches ont montré que les Canadiens ayant un statut de santé autoévalué comme « pauvre » et/ou ceux ayant une ou plusieurs maladies chroniques sont moins susceptibles de suivre leur santé en utilisant un appareil intelligent comme une application mobile (Paré et al., 2018). Les études menées sur les inégalités sociales de santé des francophones vivant en milieu minoritaire au Canada montrent que cette population se déclare en moins bonne santé et est plus touchée par les maladies chroniques (Bouchard et al., 2009), ce qui pose la question du risque de fracture numérique et de « non-usage » des technologies de santé par cette population. Il est reconnu que les technologies numériques de santé peuvent générer de nouvelles inégalités sociales de santé qui dépendent plus de facteurs sociaux qu’individuels. Donc en étudiant leur acceptabilité sociale auprès des francophones, nous souhaitons mieux comprendre s’il y a des enjeux spécifiques qui devraient retenir notre attention.
De plus, l’enthousiasme pour ces technologies tend à reléguer au second plan une réelle prise en compte des dimensions sociales et culturelles dans leur conception et développement. Souvent ces technologies sont développées en anglais, conçues pour une population anglophone. Or, comment prend-on en compte les besoins des francophones vivant en milieu minoritaire dans la conception et le développement de ces technologies? Une technologie numérique de santé refusée par une partie de la population, abandonnée ou contestée par une autre, pointe une réalité courante dans le domaine des innovations technologiques, celle de leur acceptabilité sociale.
Notre projet a donc pour objectif de documenter les conditions d’usage et d’acceptabilité sociale des technologies numériques de santé auprès des francophones vivant en contexte minoritaire, car on se doit de mieux documenter ces usages et aussi de mieux comprendre pourquoi certaines technologies seraient mieux acceptées que d’autres. »
Quelles technologies tentez-vous d’évaluer?
« Dans notre enquête, nous avons porté notre attention sur les technologies suivantes, qui sont déjà utilisées ou en voie de l’être dans les années à venir :
- La téléconsultation, qui est une consultation médicale à distance entre un patient et un professionnel de la santé, comme un médecin, physiothérapeute, psychologue, orthophoniste, etc. Plusieurs technologies sont utilisées, mais nous demandons l’avis des francophones sur les téléconsultations utilisant la vidéo.
- Le télésoin à domicile, qui est une approche de soins et de services à distance offerte aux personnes vivant avec une maladie chronique, comme le diabète, l’insuffisance cardiaque, l’hypertension, etc. Les télésoins permettent de suivre l'état de santé des patients à l'aide d'appareils médicaux (tensiomètres ou glucomètres, par exemple) que leur fournit une équipe de soins. Les patients enregistrent leurs paramètres vitaux (ex. : pulsations cardiaques, tension artérielle, glycémie) et utilisent une tablette ou un ordinateur pour envoyer les résultats à une infirmière ou à un autre professionnel de la santé.
- Les applications mobiles de santé
Nous demandons aussi l’avis sur des technologies plus spécifiques comme la télédétection des chutes sur une application mobile, et l’usage des agents conversationnels (chatbots) en santé pour recevoir des conseils par l'intelligence artificielle. »
Qui peut participer à l’étude?
« Les francophones âgés de 18 ans et plus vivant en Ontario peuvent participer à l’enquête en ligne. »