En symbiose : les plantes influencent la génétique des mycorhizes

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Une variété de plantes
Une équipe de recherche de l’Université d’Ottawa a réalisé une percée dans l’étude des mécanismes de croissance végétale en découvrant que les plantes pourraient influencer la génétique de leurs symbiotes mycorhiziens, des champignons vivant en symbiose avec les racines.

En plus de changer considérablement notre compréhension des écosystèmes terrestres, cette découverte pourrait favoriser l’adoption de techniques agricoles plus écologiques.

Pour en savoir plus sur cette récente étude publiée dans la revue Current Biology, nous avons discuté avec le chercheur principal Nicolas Corradi, professeur agrégé au Département de biologie et titulaire de la Chaire de recherche en génomique microbienne à l’Université d’Ottawa, et l’auteur principal Vasilis Kokkoris, boursier postdoctoral au Laboratoire Corradi, en partenariat avec Agriculture et Agroalimentaire Canada (Stefani Lab et Dettman Lab).

Pouvez-vous nous en dire plus sur cette découverte?

Nicolas Corradi : « Nous avons découvert un mécanisme de régulation génétique fascinant entre les plantes et leurs symbiotes microbiens, connus sous le nom de champignons mycorhiziens arbusculaires (CMA).

Symbiotes obligatoires des plantes, les CMA vivent dans les racines et favorisent la croissance et la résistance de leurs hôtes face aux stress environnementaux.

La génétique des CMA est longtemps demeurée un mystère. Les cellules ont généralement un noyau, mais celles des CMA en contiennent des milliers, lesquelles peuvent différer sur le plan génétique. Jusqu’ici, on ignorait comment ces noyaux communiquaient entre eux, et si les plantes exerçaient un contrôle sur leur abondance relative.

Or, nos travaux permettent de mieux comprendre cette relation hôte-symbiote unique : 

  1. Nous avons montré que les plantes influencent l’abondance relative des noyaux cohabitant dans les cellules de leurs symbiotes fongiques.
  2. Nous avons découvert que ces noyaux génétiquement différents collaborent au lieu de rivaliser les uns avec les autres, ce qui aurait pour effet de maximiser la croissance des champignons et de leurs hôtes. »

Comment êtes-vous parvenus à ces conclusions?  Vasilis Kokkoris : « Nous avons utilisé une nouvelle approche moléculaire, des techniques de microscopie avancées et des modèles mathématiques. Chaque spore de CMA contient des centaines de noyaux (voir image).

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Noyaux dans les spores de CMA. Image : Université d’Ottawa / Laboratoire de microscopie (Centre de recherche et de développement d’Ottawa [CRD], Agriculture et Agroalimentaire Canada)

(Dans l'image : Chaque spore contient des centaines de noyaux. Cette image a été générée par microscopie confocale. Les points lumineux sont des noyaux, marqués par un colorant fluorescent. Les images sont colorées le long de l’axe des z pour donner une impression de profondeur, le blanc et le rouge étant les couleurs les plus proches de l’observateur, et le bleu, la couleur la plus éloignée. Chaque image représente environ 300 empilements en Z (intervalles de 0,35 μm))

« En analysant ces spores, nous avons réussi à séquencer le génome de milliers de noyaux et à définir leur abondance relative en fonction de plusieurs souches fongiques et espèces de plantes.

Pour assurer la précision de l’analyse, nous avons employé des techniques de microscopie avancée permettant de voir et de compter le nombre de noyaux dans chaque spore.

Enfin, nous avons utilisé un modèle mathématique pour montrer que l’abondance de génotypes identifiés n’est pas aléatoire, mais découle de la coopération des noyaux.

Pour mieux comprendre les mécanismes qui régissent ce phénomène, nous avons croisé différentes variétés d’hôtes et de souches de CMA. Nous avons ainsi constaté que ce sont les plantes qui contrôlent l’abondance relative des noyaux. »

Quelles sont les répercussions de votre découverte?

Nicolas Corradi : « Pendant des années, les CMA ont été considérés comme des cas particuliers du point de vue génétique, vraiment pas comme des organismes modèles. On observe souvent des incohérences dans les expériences qui portent sur les plantes et les CMA. Par exemple, une même souche fongique peut avoir des effets complètement différents sur le rendement de plantes distinctes. Pendant longtemps, on attribuait ces variations à la génétique mystérieuse des CMA.

Notre étude explique ces variations en montrant que le code génétique de ces champignons et leurs effets sur la croissance végétale peuvent être manipulés par les plantes.

Sur le plan environnemental, cette découverte améliorera la compréhension des interactions entre les plantes et la génétique de leurs symbiotes; une relation qui influence tous les écosystèmes terrestres.

Sur le plan économique, elle ouvre la voie à des pratiques agricoles améliorées et durables. »

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Cette étude a été menée par le Laboratoire Corradi, à l’Université d’Ottawa et au CRD d’Ottawa (Agriculture et Agroalimentaire Canada). Deux membres du Laboratoire Corradi, Gökalp Yildirir, étudiant au doctorat, et Kelsey Clarke, nouvelle diplômée, y ont aussi contribué.

Autres coauteurs : Pierre-Luc Chagnon, professeur adjoint au Département de sciences biologiques de l’Université de Montréal; Allyson M. MacLean, professeure adjointe au Département de biologie de l’Université d’Ottawa et Dane Goh, étudiant à la maîtrise; et Jeremy Dettman et Franck Stefani d’Agriculture et Agroalimentaire Canada (CRD d’Ottawa).

L’article « Host identity influences nuclear dynamics in arbuscular mycorrhizal fungi » a été publié dans la revue Current Biology (en anglais seulement).

Relations médias :
Justine Boutet
Agente des relations médias
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