Le complexe du temple de Philae en Égypte est un site archéologique majeur. Ce site pittoresque est dédié à la déesse Isis, l'une des divinités les plus importantes de la religion de l'Égypte ancienne. Le temple principal est un exemple étonnant de l'architecture antique du pays, avec ses colonnes imposantes et ses reliefs détaillés représentant Isis et d'autres dieux.
En première mondiale, l'équipe de recherche du projetThe Philae Temple Graffiti Project a pu capturer numériquement les graffitis du temple en enregistrant et en étudiant un nouveau groupe de preuves de piété religieuse personnelle datant de l'époque gréco-romaine et de l'Antiquité. En utilisant des techniques d'enregistrement avancées, telles que la photogrammétrie et le balayage laser, les chercheurs ont pu créer un enregistrement photographique des graffitis et les numériser en 3D afin d'en saisir tous les détails et ceux de leur environnement.
« Il s'agit non seulement de la première étude de quelques 400 graffitis figuratifs provenant de l'un des temples les plus célèbres d'Égypte », explique le directeur du projet, Jitse H.F. Dijkstra, professeur au département d'études anciennes et sciences des religions à la Faculté des arts de l'Université d'Ottawa (uOttawa). « Mais c'est également la première fois que l'on utilise des méthodes de pointe pour enregistrer ces signes de piété personnelle de manière précise et dans leur contexte architectural. C’est un parfait exemple des humanités numériques en action. »
« C'est la première fois que l'on utilise des méthodes de pointe pour enregistrer ces signes de piété personnelle... dans leur contexte architectural. C’est un parfait exemple des humanités numériques... »
Professeur Jitse H.F. Dijkstra
— Directeur du projet, The Philae Temple Graffiti Project
Le professeur Dijkstra collabore au projet (toujours en cours) avec Nicholas Hedley, professeur de géographie à l'Université Simon Fraser (SFU), Sabrina Higgins, archéologue et historienne de l'art également à la SFU, et Roxanne Bélanger Sarrazin, diplômée de l'Université d'Ottawa, actuellement boursière postdoctorale à l'Université d'Oslo.
Les murs des temples révèlent leurs messages
Grâce aux nouvelles technologies maintenant disponibles, l'équipe a pu découvrir des centaines de graffitis figuratifs (un type de graffito composé de figures ou d'images plutôt que de symboles ou de textes) vieux de 2 000 ans sur les murs du temple d'Isis. Ils ont également pu les étudier à partir de points d'observation qui auraient été difficilement accessibles autrement.
De nos jours, les graffitis sont considérés comme une forme d'art qui sert de moyen de communication, soit pour inscrire un nom ou un "tag", ou pour laisser une marque du passage d'une personne à un endroit précis. Il appert maintenant que les graffitis des civilisations anciennes avaient une fonction similaire. L'équipe de recherche a trouvé dans le complexe du temple des dessins - certains gravés à seulement 1 mm de profondeur - représentant des pieds, des animaux, des divinités et d'autres figures censées exprimer la piété religieuse personnelle de leur auteur.
Grâce à des rendus en 3D de l'intérieur et de l'extérieur du temple, l'équipe a acquis des connaissances détaillées sur l'emplacement des graffitis sur les murs et sur leur sens. Par exemple, bien que la majorité des graffitis soient destinés à demander une protection divine, d'autres sont des représentations de jeux ludiques, car les temples de l'ancienne Égypte servaient à la fois de centre de culte et de centre de divertissements plus éphémères.
Une première pour ce site classé au patrimoine de l'UNESCO, ce travail de terrain novateur est à la fine pointe de l'archéologie égyptienne et des sciences humaines numériques (un domaine qui explore les interactions humaines et la culture).
« Le point commun entre les graffitis égyptiens anciens et les graffitis modernes est qu'ils sont laissés dans des endroits qui n'étaient pas prévus à cet effet à l'origine », ajoute le professeur Dijkstra. « La grande différence, cependant, c'est que les graffitis de l'Égypte ancienne étaient laissés par des individus dans des lieux de culte afin de bénéficier de la protection éternelle des dieux, ce qui explique pourquoi nous trouvons des centaines de graffitis sur les murs de tous les temples égyptiens ».
Le projet sur les graffitis du temple de Philae a été lancé en 2016 sous l'égide du projet de texte du temple de Philae de l'Académie autrichienne des sciences et de l'Institut suisse de recherches architecturales et archéologiques sur l'Égypte ancienne, au Caire. Il est financé par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) et vise à étudier les graffitis figuratifs de l'un des complexes de temples les plus spectaculaires d'Égypte, à Philae, afin de mieux comprendre la pratique quotidienne du culte de la déesse.
Les résultats préliminaires de l’étude ont été publiés dans la revue Egyptian Archeology.