Une équipe de recherche de l’Université d’Ottawa réalise une percée en créant du carbone solide luminescent à partir de CO2 gazeux
En s’aidant d’une source de lumière visible, une équipe de recherche de l’Université d’Ottawa est parvenue à transformer le dioxyde de carbone (CO2) gazeux en carbone solide émettant de la lumière. Cette nouvelle façon peu énergivore de réduire le CO2 en carbone solide aura un impact dans une multitude de domaines.
Pour en savoir plus, nous nous sommes entretenus avec Jaspreet Walia, stagiaire postdoctoral à l’École de science informatique et de génie électrique de l’Université d’Ottawa, et Pierre Berini, chercheur principal, professeur éminent et titulaire de la Chaire de recherche de l’Université en photonique des plasmons de surface.
Parlez-nous de votre découverte.
Pierre Berini : « Nous avons réduit le dioxyde de carbone, un gaz à effet de serre, en carbone solide sur une surface d’argent nanostructuré illuminée de lumière verte, et ce, sans faire appel à d’autres réactifs. Lorsque la lumière verte les excite, les électrons énergétiques sur la surface d’argent sont attirés vers les molécules de dioxyde de carbone, ce qui amorce la dissociation. On a aussi découvert que les dépôts de carbone en question émettent une intense lumière jaune, un processus appelé photoluminescence. »
Comment en êtes-vous arrivés à ces résultats?
Jaspreet Walia : « Nous avons employé une technique appelée “diffusion Raman” pour analyser la réaction en temps réel et voir si l’on en tirerait un produit quelconque. On a été surpris de constater des signatures de carbone se former systématiquement sur la surface et une lumière jaune, visible et intense, émaner de l’échantillon. »
À quoi tient l’importance de cette découverte?
Pierre Berini : « Ces derniers temps, des équipes de recherche s’affairent partout dans le monde à concevoir des technologies pour transformer le CO2 au moyen de lumière visible. En plus de démontrer la faisabilité de ces technologies, nos travaux montrent qu’il est possible de créer du carbone solide luminescent. »
Quelles applications cette découverte pourrait-elle avoir dans notre quotidien?
Jaspreet Walia : « Comme elle est rendue possible grâce à la lumière visible et ne nécessite aucun réactif, cette voie stable de réduction du CO2 en carbone solide luminescent intéressera les chercheuses et chercheurs spécialisés en transformations chimiques générées par l’énergie solaire, en procédés catalytiques à échelle industrielle et en métasurfaces luminescentes.
Pour ce qui est de la création de carbone à partir de CO2 gazeux, nos travaux auront une incidence sur la recherche faisant appel aux réactions plasmoniques; je devine qu’on y trouvera aussi des applications dans le secteur pétrolier et gazier, où l’on s’intéresse de très près aux transformations catalytiques à base de composés carboniques.
Les réactions de prochaine génération à base de CO2 et de lumière pourraient aussi mener à d’autres débouchés utiles; on peut notamment penser au potentiel de photosynthèse artificielle. Nos travaux pourraient servir à contrôler et à manipuler la lumière à l’échelle nanométrique ou, compte tenu du caractère luminescent de notre découverte, à produire des sources de lumière plates. Le carbone nanostructuré lui-même pourrait servir au processus de catalyse.
Enfin, la longueur d’onde (couleur) de la lumière émise par les points de carbone sur une surface d’argent pourrait être particulièrement sensible à son environnement immédiat, ce qui en ferait une plateforme de détection intéressante pour les polluants, par exemple. »
Aimeriez-vous ajouter autre chose?
Pierre Berini : « Notre percée tient à la matérialisation de dépôts de carbone solide luminescents, fruit de la transformation de CO2 gazeux sous l’effet de la lumière et du transfert d’électrons énergétiques. Nous avons entrepris ce projet purement par curiosité, sans attente aucune, en étroite collaboration avec la candidate à la maîtrise Sabaa Rashid, le doctorant Graham Killaire et les professeurs Fabio Variola et Arnaud Weck. »
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Ces travaux ont cours depuis janvier 2020 au Centre de recherche en photonique de l’Université d’Ottawa. Une note a été publiée dans la revue scientifique Optica sous le titre de « Reconfigurable carbon quantum emitters from CO2 gas reduced via surface plasmons ».
Auteurs et auteures :
- Jaspreet Walia (stagiaire postdoctoral à l’École de science informatique et de génie électrique de l’Université d’Ottawa)
- Sabaa Rashid (candidate à la maîtrise à la Faculté de génie de l’Université d’Ottawa)
- Graham Killaire (candidat au doctorat au Département de physique de l’Université d’Ottawa)
- Fabio Variola (professeur agrégé au Département de génie mécanique de l’Université d’Ottawa)
- Arnaud Weck (professeur titulaire au Département de génie mécanique de l’Université d’Ottawa)
- Pierre Berini (professeur éminent de l’Université d’Ottawa, titulaire de la Chaire de recherche de l’Université en photonique des plasmons de surface, directeur du Centre de recherche en photonique et de son Nanofab
Pour plus d’information :
Justine Boutet
Agente des relations médias
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