Selon une nouvelle étude réalisée à l’Université d’Ottawa et publiée dans le Journal de l’Association médicale canadienne (JAMC), les jeunes transgenres et non binaires sont beaucoup plus susceptibles d’avoir des pensées suicidaires et de faire des tentatives que leurs pairs cisgenres.
Le suicide est la deuxième cause de décès chez les jeunes de 15 à 24 ans au Canada. Chez les minorités sexuelles – soit les personnes attirées par des personnes du même genre ou par plus d’un genre, ou s’identifiant comme lesbiennes, gaies, bisexuelles ou queer –, les jeunes risquent aussi davantage d’éprouver des problèmes de santé mentale, d’entretenir des idées suicidaires et de faire des tentatives de suicide.
« La transition de l’adolescence à la vie adulte est une période particulièrement angoissante pour toutes les personnes qui la traversent, mais ce sentiment est exacerbé chez les minorités sexuelles et de genre. Nos résultats démontrent une hausse dramatique du risque de suicide dans ces groupes. Il faut sonner l’alarme et leur procurer du soutien additionnel », explique Ian Colman, coauteur de l’étude et professeur à l’École d’épidémiologie et de santé publique de la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa et à l’Institut de santé publique de Norvège, à Oslo.
Devant le peu d’études sur les risques d’idéation suicidaire et de tentatives de suicide chez les jeunes transgenres et non binaires, l’équipe de recherche a voulu élargir les connaissances en la matière en se penchant sur les données de l’Enquête canadienne sur la santé des enfants et des jeunes de 2019. L’enquête avait été réalisée auprès d’un échantillon de 6 800 jeunes de 15 à 17 ans : la forte majorité (99,4 %) d’entre eux étaient cisgenres (personnes s’identifiant au genre attribué à la naissance), tandis que 0,6 % d’entre eux étaient transgenres (personnes s’identifiant à un genre autre que celui attribué à la naissance). Quelque 78,6 % des personnes interrogées étaient hétérosexuelles, 14,7 % étaient attirées par plus d’un genre, 4,3 % étaient en questionnement, 1,6 % étaient des femmes attirées par d’autres femmes, et 0,8 % étaient des hommes attirés par d’autres hommes.
Dans l’ensemble de l’échantillon, 14 % des jeunes ont affirmé avoir eu des pensées suicidaires au cours de l’année précédente, et 6,8 % ont déclaré avoir déjà tenté de se suicider. Comparativement à leurs pairs cisgenres, les jeunes transgenres étaient 5 fois plus susceptibles d’avoir songé au suicide, et 7,6 fois plus susceptibles d’avoir fait une tentative en ce sens.
« Nos résultats démontrent une hausse dramatique du risque de suicide dans ces groupes. Il faut sonner l’alarme et leur procurer du soutien additionnel. »
Ian Colman
— Professeur à l’École d’épidémiologie et de santé publique de la Faculté de médecine
« Il a été particulièrement alarmant de constater que plus de la moitié des jeunes transgenres avaient sérieusement songé au suicide au cours des 12 mois précédant l’enquête. Nous sommes en présence d’une crise, et ces données illustrent qu’on doit en faire beaucoup plus pour leur venir en aide », soutient Fae Johnstone, coauteure de l’étude, directrice générale de Wisdom2Action et femme transgenre.
Par rapport aux résultats des enquêtes précédentes, l’équipe de recherche a aussi relevé que le taux de personnes se disant attirées par plus d’un genre avait fortement augmenté. Cet écart pourrait s’expliquer du fait que l’enquête de 2019 s’intéressait à l’attirance pour différents genres plutôt qu’à l’identité sexuelle; elle pourrait aussi refléter une certaine déstigmatisation de la bisexualité. Soulignons que les membres de ce groupe étaient deux fois plus susceptibles que leurs pairs d’avoir déjà songé à se suicider.
Quelque 4,3 % des jeunes sondés ont indiqué être en questionnement quant à leur attirance sexuelle.
« L’exploration des relations amoureuses et sexuelles fait partie intégrale du développement à l’adolescence. On peut donc comprendre qu’à cet âge, un grand nombre de jeunes commencent à s’interroger sur leurs attirances et leur orientation sexuelles », souligne Mila Kingsbury, principale auteure de l’article et associée de recherche principale à la Faculté de médecine.
Le lien entre la suicidabilité et l’appartenance à une minorité sexuelle ou de genre s’expliquait en partie par le harcèlement en personne et en ligne dont ces jeunes sont victimes.
Ces constatations rejoignent celles de la seule autre étude analogue effectuée sur un échantillon représentatif dans une perspective nationale; réalisée en Nouvelle-Zélande, l’étude avait signalé un risque cinq fois plus élevé de tentatives de suicide chez les adolescentes et adolescents transgenres.
« Combinés à des soins d’affirmation de genre, des programmes de prévention du suicide directement conçus pour les jeunes transgenres, non binaires et membres de minorités sexuelles pourraient contribuer à atténuer la suicidabilité au sein de ces groupes. Le harcèlement fait partie du problème, et c’est pourquoi des programmes de prévention primaire conçus pour sensibiliser la population et promouvoir l’inclusion pourraient atténuer le stress minoritaire qu’éprouvent les minorités sexuelles et les transgenres. Ces jeunes seraient ainsi moins susceptibles d’éprouver des problèmes de santé mentale et d’envisager le suicide », poursuit Fae Johnstone.
L’étude « Suicidality among sexual minority and transgender adolescents: a nationally representative population-based study of youth in Canada » (Suicidabilité chez les minorités sexuelles et les transgenres à l’adolescence : une étude populationnelle représentative des jeunes à l’échelle du Canada) sera publiée le 6 juin 2022.
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