Science citoyenne : Les données générées par la communauté permettent une prise de décision communautaire

Par Tarun Katapally

Médecin et fondateur, Laboratoire d'épidémiologie numérique et de la santé publique (DEPtH Lab)

Tarun Katapally
Institut de recherche sur la science, la société et la politique publique
Tabaret
Au Laboratoire d'épidémiologie numérique et de la santé publique, l'un de mes premiers objectifs était de déterminer comment mettre sur pied un programme de recherche qui s'attaque aux problèmes existants et émergents en matière de santé publique. Pour ce faire, nous devons nous joindre à la table du "big data" et jouer un rôle plus important dans le développement de plateformes de santé numériques innovantes.

Toutefois, pour atteindre ces objectifs, nous avons besoin d'une participation constante des citoyens. La science citoyenne peut évoluer de la contribution à la collaboration ou à la co-création avec les citoyens, et ce processus oscille souvent, même au sein d'un seul projet. C'est un mécanisme très fluide, je ne le considère pas comme un processus rigide. Il y a souvent un chevauchement entre la science citoyenne et la recherche participative communautaire, et il existe des cadres intégrant ces deux processus. La clé pour nous est de mobiliser les citoyens de manière équitable et de traduire leurs connaissances.

Mais pourquoi les citoyens devraient-ils s'intéresser à la science citoyenne ? Pourquoi devraient-ils être des scientifiques citoyens ? Et comment les impliquer en tant que scientifiques citoyens, sans se contenter de prendre les données pour nos propres projets de recherche ? Nos expériences avec la science citoyenne au Laboratoire d'épidémiologie numérique et de la santé publique illustrent quelques idées clés sur ces questions.

Je suis très intéressé à faire progresser la science citoyenne à l'aide des téléphones intelligents et d'autres outils numériques, c'est-à-dire la science citoyenne numérique. Je considère ces outils comme des voies prometteuses vers l'équité. Certains de mes meilleurs travaux dans ce domaine sont réalisés dans le cadre de partenariats avec des communautés autochtones, où les citoyens autochtones participent à nos projets en tant que scientifiques citoyens et deviennent propriétaires des données. On pense généralement à tort que les communautés indigènes ne sont pas réceptives à la technologie. Mon expérience est tout le contraire.

Comment pouvons-nous utiliser la science citoyenne numérique pour décentraliser la technologie et faciliter l'autonomie et l'autodétermination, qui sont si importantes pour les communautés autochtones ? C'est un défi. Au départ, il n'a pas été facile d'obtenir l'adhésion de tous - les organismes de financement ont eu besoin d'être persuadés des problèmes systémiques qui peuvent être résolus grâce à la science citoyenne. Maintenant que nous avons surmonté cet obstacle, nous sommes en mesure d'effectuer un travail basé sur la science citoyenne pour un certain nombre de projets axés sur l'insécurité alimentaire, le changement climatique et la santé mentale. 

Notre agenda a été bouleversé par l'arrivée du COVID-19. Comment utiliser la science citoyenne pour répondre à la pandémie ? J'ai commencé à discuter avec une communauté autochtone du nord de la Saskatchewan de l'utilisation de la science citoyenne pour créer une plateforme de santé numérique permettant aux décideurs de la communauté de répondre aux besoins de ses citoyens, presque en temps réel.

Au cours de ces conversations, nous avons tous constaté à quel point les politiques gouvernementales étaient réactives. D'où la question suivante : comment créer une plateforme proactive qui permettrait aux communautés autochtones de s'approprier non seulement les données, mais aussi les décisions dans leurs juridictions ? Cette communauté en particulier recevait ses données COVID d'une région sanitaire sept ou huit jours après le test réel, ce qui a nui à la prise de décision locale.

Notre solution consistait à construire une plateforme de santé numérique, par le biais d’une application pour téléphones intelligents destinée aux scientifiques citoyens. C'était plus qu'une application de saisie de données ; l'outil de soins virtuels basé sur l'IA permettait aux citoyens de prendre de meilleures décisions concernant leur santé. Les données sont anonymisées et cryptées et sont intégrées dans un tableau de bord numérique hébergé dans le bureau des décisionnaires.

Alors, pourquoi les scientifiques citoyens devraient-ils se soucier de participer ? Il doit y avoir une valeur en retour s'ils veulent participer à un projet dans une perspective de recherche. Nous avons tiré quelques enseignements clés à cet égard.

Premièrement, il faut tenir les citoyens informés 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, leur fournir des conseils en temps réel et adapter l'application à leurs besoins. Cette leçon pourrait également s'appliquer au domaine de la médecine et de la prévention de précision. Pour en revenir à la question de savoir pourquoi les citoyens devraient s'intéresser et participer à la science citoyenne, la valeur des données en temps réel est évidente.

Deuxièmement, si vous développez une infrastructure numérique, évaluez son applicabilité à d'autres problèmes de la communauté. L'infrastructure restera en place, mais comment faire en sorte qu'elle soit durable ? Nous avons mis en place un modèle de gouvernance avec un conseil consultatif de scientifiques citoyens, qui travaille avec mon équipe de science des données et nous aide à développer des outils qui sont essentiels pour eux et qui répondent à leurs besoins.

Il existe des opportunités incroyables pour la science citoyenne de relever les défis de santé communautaire, en particulier dans les communautés négligées ou défavorisées. Les technologies décentralisées sont largement disponibles, alors appliquons-les localement, permettons aux communautés de s'approprier les données et de prendre de meilleures décisions pour elles-mêmes.

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