Déjà à l’avant-garde dans ce domaine, des équipes de l’Université d’Ottawa se penchent sur la question en menant des projets de recherche interdisciplinaire sur diverses facettes de la santé.
La fiabilité des données ici joue un rôle capital. Et grâce au Centre de données de recherche Ottawa-Outaouais (CDRO), fruit d’un partenariat avec l’Université du Québec en Outaouais et l’une des 26 plateformes technologiques de pointe supervisées par le Cabinet du vice-recteur à la recherche et à l'innovation (CVRRI), les chercheuses et chercheurs ont accès à des microdonnées sécurisées.
« Le CDRO est une ressource irremplaçable pour les groupes de recherche, car il leur procure des données précieuses qui leur seraient inaccessibles autrement », affirme Caroline Hyslop, bibliothécaire universitaire associée et directrice académique du CDRO. « Sans données fiables, impossible de réaliser une analyse exhaustive ou une exploration nuancée des grands enjeux sociaux et économiques pour, ensuite, prendre des décisions stratégiques factuelles. »
La professeure Catherine Deri Armstrong (Faculté des sciences sociales) et le professeur Ian Colman (Faculté de médecine) ainsi que les membres de leurs équipes font partie de ces scientifiques qui s’approvisionnent auprès de cette précieuse source de données.
De la cyclicité du sommeil aux soins en fin de vie en passant par l’association entre l’exposition au suicide à la suicidabilité chez les jeunes, leurs travaux passent à la loupe tout un éventail de sujets. En voici quelques exemples.
« Sans données fiables, impossible de réaliser une analyse exhaustive ou une exploration nuancée des grands enjeux sociaux et économiques. »
Caroline Hyslop
— Bibliothécaire universitaire associée et directrice académique du CDRO
Dying at Home: A Privilege for Those with Time and Money (disponible en anglais seulement)
Catherine Deri Armstrong et Rose Anne Devlin, professeures à la Faculté des sciences sociales de l’Université d’Ottawa
Cette étude de 2022 utilise les registres de décès des Statistiques vitales du Canada de 2007 à 2019, consultés via le CDRO, pour examiner les facteurs influençant le lieu de décès. L'étude se concentre sur les déterminants du décès à domicile, par opposition au décès survenant à l'hôpital ou dans un autre établissement de soins de santé, parmi un échantillon de personnes décédées des suites d'un cancer.
Les résultats ont révélé le rôle que jouent le temps et l’argent dans la probabilité de mourir à domicile et montré que les personnes vivant dans un quartier cossu avaient beaucoup plus de chances d'accéder à cette option que celles issues d’un quartier défavorisé.
Le projet a également démontré que les personnes mariées ou plutôt jeunes avaient de plus grandes chances de mourir chez elles, ce qui démontre l’importance - pour celles et ceux qui souhaitent vivre leurs derniers jours à la maison - de pouvoir compter sur un réseau et des ressources pour leur prodiguer des soins.
De plus, l’équipe s’est intéressée au lien entre le taux de chômage et le décès à domicile et a constaté qu’en période de récession, la probabilité de mourir chez soi diminuait de 6 %. Cela implique que le temps et l'argent ne sont pas facilement interchangeables et que les ressources financières jouent un rôle de premier plan dans la probabilité de mourir à domicile, en particulier lorsque des soins de fin de vie sont en jeu.
The ‘trendiness’ of sleep: An Empirical Investigation into the Cyclical Nature of Sleep Time (disponible en anglais seulement)
Catherine Deri Armstrong, Pierre Brochu et Louis-Philippe Morin, Faculté des sciences sociales à l’Université d’Ottawa
Dans cette étude empirique datant de 2011, une équipe de recherche de l’Université d’Ottawa a exploré la relation entre la structure du sommeil et la conjoncture économique à l’aide de données canadiennes sur l’emploi du temps. En examinant les variations dans les taux de chômage à l’échelle locale, l’équipe a découvert une corrélation importante : la durée du sommeil diminue quand l’économie se porte bien. À l’inverse, en période de récession, les Canadiennes et Canadiens dorment en moyenne trois heures de plus par semaine, soit 26 minutes de plus par jour.
Ces constatations ont de profondes répercussions, car le moindre changement dans la durée du sommeil peut avoir une influence considérable sur les fonctions cognitives, par exemple sur le délai de réaction et la concentration. Par conséquent, la nature contracyclique de la mortalité (où les taux de mortalité tendent à être plus faibles en période de ralentissement économique) pourrait s’expliquer en partie par la modification de la structure du sommeil.
Cette étude montre également que la durée du sommeil n'est pas exclusivement déterminée par des facteurs externes, tels que le cycle naturel du sommeil ou des besoins biologiques fixes, mais plutôt influencée par les coûts relatifs, y compris par des variables économiques comme le taux de chômage.
Ces travaux ont contribué à dresser un meilleur portrait global de la dynamique du sommeil dans la vie des gens. Les décisionnaires et les spécialistes de la santé peuvent ainsi mieux de replacer le sommeil dans le contexte plus large du bien-être et des taux de mortalité.
Association between exposure to suicide and suicidality outcomes in youth (disponible en anglais seulement)
Ian Colman, professeur à la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa, et Sonja A. Swanson, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Pittsburgh
Dans ce projet de recherche sans précédent, dont les résultats ont été publiés dans le Canadian Medical Association Journal en 2013, le professeur Colman et la professeure Swanson ont mis en lumière le phénomène de « contagion du suicide » parmi les jeunes du Canada. En effet, leurs travaux ont révélé un lien important entre l’exposition au suicide en milieu scolaire et une suicidabilité accrue chez les jeunes de 12 à 17 ans.
Les jeunes qui ont déclaré qu’une personne de leur école s’était suicidée étaient non seulement plus susceptibles d’entretenir à leur tour des pensées suicidaires, mais aussi plus susceptibles de tenter de s’enlever la vie.
Cette étude a fait des vagues bien au-delà de la communauté scientifique. Des médias du monde entier en ont parlé, dont CBC, CNN, CBS et plusieurs grands journaux.
Le projet de recherche a eu un impact partout dans le monde en influençant les lignes directrices à suivre après un suicide, tant du côté des protocoles et que des stratégies de prévention. Des organisations de renom telles que Public Health England, Samaritans et la Substance Abuse and Mental Health Services Administration ont intégré ses conclusions dans leurs recommandations. La communauté scientifique l’a aussi très bien accueilli, le citant pas moins de 179 fois.
Cette étude n’aurait pu remporter un tel succès sans la collaboration de Statistique Canada et l’utilisation de ses vastes ensembles de données d’enquête, procurés par l’entremise du Centre de données de recherche Ottawa-Outaouais.
Le CDRO se positionne comme un catalyseur de recherche à l’impact transformateur, offrant accès à un large éventail de statistiques officielles.
Cet impact dépasse le milieu universitaire, influençant des discussions sur les politiques publiques. Des gouvernements, institutions de santé et autres organismes à travers le monde se sont appuyés sur les résultats des travaux soutenus par le CDRO pour élaborer des lignes directrices, des protocoles et des interventions.